Ferdinand Walsin Esterhazy

officier français, dont la trahison a été à l'origine de l'affaire Dreyfus

Marie Charles Ferdinand Walsin Esterhazy, né le à Paris et mort le à Harpenden en Angleterre, est un officier français.

Ferdinand Walsin Esterhazy
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 75 ans)
HarpendenVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Pseudonyme
WawalVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Père
Ferdinand Walsin Esterhazy (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
L'Éclair (-)
La Libre Parole (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Arme
Grade militaire
Conflit
Pierre tombale à Harpenden, Angleterre, portant l'inscription « In Loving Memory of Count de Voilemont, 1849-1923. He has outsoared the shadow of our night ».

Commandant au 74e régiment d'infanterie de ligne, sa trahison a été à l'origine de l'affaire Dreyfus.

Biographie

Avant l'affaire Dreyfus

Esterhazy vers 1885.

Ferdinand Walsin-Esterhazy est le fils du général Louis Joseph Ferdinand Walsin-Esterhazy (1807–1857), qui s’est distingué en commandant une division durant la guerre de Crimée, et de son épouse Marie Thérèse Zélie Dequeux de Beauval. Son grand-père paternel, Jean Marie Auguste Walsin-Esterhazy, né à Valleraugue dans le Gard, était le fils naturel de la comtesse hongroise Marie Anne Esterházy de Galántha[1] qui eut une liaison avec Jean André César de Ginestous, maire de la ville du Vigan. Il a été adopté par le Dr Walsin, le médecin français de la famille princière austro-hongroise[2]. Il a utilisé le nom d'Esterházy sans l'accord de la famille qui lui a intenté un procès, mais le tribunal lui a uniquement interdit de porter le titre de comte.

Né à Paris, Ferdinand est élevé en France et fréquente le lycée Bonaparte (devenu par la suite lycée Condorcet). Sans doute inspiré par une famille militaire (son oncle et son père étant généraux), il tente le concours de Saint-Cyr, mais échoue[3]. Il rejoint ensuite la Légion d’Antibes où il se mêle aux défenseurs de la papauté. Très rapidement il est sous-lieutenant à titre provisoire[4]. Il obtient frauduleusement le grade de sous-lieutenant, sans avoir été sous-officier ou être passé par une école militaire[3] « à titre étranger » avec ce grade dans la Légion étrangère[5].

Il prend part à la guerre de 1870[6]. En 1874, il est nommé officier d'ordonnance du général Grenier, à Paris, où il s'illustre par ses spéculations boursières et ses nombreuses liaisons. En 1877, il est affecté au Deuxième Bureau, chargé des renseignements sur les troupes ennemies. Il y fait la connaissance du capitaine Hubert-Joseph Henry et du capitaine Maurice Weil.

C'est à partir de 1894 qu'il commence ses activités d'espion à la solde des Allemands. Lié à l'attaché militaire allemand von Schwartzkoppen, il lui fournit des renseignements, vraisemblablement pour éponger ses dettes.

Famille

Le , à Paris, Esterhazy épouse Anne-Marie de Nettancourt-Vaubécourt[7], dont il a deux filles :

  • Claire Marie Évérilda Walsin Esterhazy (1887-1963), actrice, connue sous le nom d'Hilda Robesca,
  • Marie-Alice Armande Valentine Walsin Esterhazy (1889-1976), professeur de piano.

Procès et exil

Caricature de Esterhazy par Jean-Baptiste Guth dans le Vanity Fair du 26 mai 1898.
Le « bordereau » rédigé par Esterhazy.

En 1895, succédant au colonel Jean Sandherr, le colonel Marie-Georges Picquart découvre qu'Esterhazy est l'auteur du bordereau de l’affaire Dreyfus. La hiérarchie militaire tente d'étouffer l'affaire. Quelques mois plus tard, Le Figaro publie des extraits de lettres d'Esterhazy à une ancienne maîtresse, Gabrielle de Boulancy. Dans l'une d'elles, il écrit : « Si un soir on venait me dire que je serais tué demain comme capitaine de uhlans en sabrant des Français, je serais certainement parfaitement heureux »[8].

Expressions d'Esterhazy lors du procès Zola, par Paul Renouard, 1899.

En , Mathieu, le frère d'Alfred Dreyfus, écrit au ministre de la Guerre pour dénoncer Esterhazy comme l'auteur du bordereau. En effet, le coulissier Jacques de Castro a reconnu l'écriture de son client, le commandant Esterhazy.

Esterhazy demande alors lui-même à être jugé. Défendu par Me Maurice Tézenas, il comparaît devant un tribunal militaire, le , à huis clos. Le conseil de guerre prononce à l'unanimité son acquittement. Émile Zola riposte à cet affront en publiant alors son fameux J'accuse… !

Remis en liberté le , et réformé quelques jours plus tard, après la découverte du « faux Henry », Esterhazy s'exile à Londres[9]. La presse et les caricaturistes d'alors s'acharnent sur son cas.

Dans son récit publié par le quotidien Le Matin en 1899, il affirme avoir écrit le bordereau « sous la dictée », en obéissant aux ordres de ses chefs[10], précisément « sur l'invitation du colonel Sandherr »[11].

En , le procès de Rennes s'ouvre, qui condamnera Dreyfus à dix ans de prison avec « circonstances atténuantes ». De 1903 à 1906, Esterhazy est le correspondant en Angleterre du journal antidreyfusard et antisémite La Libre Parole. En 1908, il est exilé dans la ville de Harpenden, dans l'est de l'Angleterre, et dissimule son identité sous le nom du comte Jean de Voilemont. De 1911 à 1917, il rédige des articles pour le journal L'Éclair.

Il meurt en 1923 à Harpenden, où il est enterré au cimetière de l'église St Nicholas, sous sa fausse identité de comte de Voilemont et avec une fausse année de naissance (1849), sans avoir été condamné.

Débats sur la trahison d'Esterhazy

Les principaux auteurs du sujet, Marcel Thomas, Jean-Denis Bredin, Vincent Duclert et Philippe Oriol soutiennent qu'Esterhazy a trahi contre de l'argent.

Toutefois, l'historien militaire français Jean Doise soutient qu'Esterhazy était en fait un agent double utilisé par les services français pour « intoxiquer » les Allemands afin de détourner leur attention au moment précis de la création ultra-secrète du futur canon de 75 mm modèle 1897[12]. L'écrivain Henri Guillemin a fait l'hypothèse que Esterhazy aurait rédigé le bordereau à la demande de Jean Sandherr, directeur du contre-espionnage militaire français, le « Bureau de statistique », pour alerter indirectement le général Félix Gustave Saussier, qui aurait été la source des informations transmises[13],[14].

Galerie de caricatures

Publications

Au cinéma

Dans le film J'accuse (2019) de Roman Polanski, son rôle est joué par Laurent Natrella.

Notes et références

  1. Une branche de la famille Esterházy avait fait souche au Vigan sous le règne de Louis XV. Leur hôtel particulier existe toujours.
  2. Sur les origines voir : Péter Esterházy : « J'accuse », en anglais dans The Hungarian Quarterly, no 53, printemps 1999.
  3. a et b William Serman, Les Origines des officiers français 1848-1870, Paris, Publications de la Sorbonne, 1979, p. 182.
  4. Marcel Thomas, Esterhazy ou l'envers de l'affaire Dreyfus, Paris, 1989, p. 30.
  5. La nomination parut au Journal militaire officiel, p. 209 : « No 160, par décret impérial du 24 juin 1870, Régiment étranger, 2e tour, au titre étranger, en remplacement de M. Martin, décédé, Walsin-Esterhazy (Marie-Charles-Ferdinand), ancien officier au service du Gouvernement pontifical. »
  6. Joseph Reinach, Histoire de l'affaire Dreyfus, 1901.
  7. Inhumée avec ses filles au cimetière de L'Haÿ-les-Roses
  8. Le Figaro du 28 novembre 1897 lire en ligne sur Gallica.
  9. Jean-Denis Bredin, L'Affaire, Paris, Juillard, 1983 p. 183 (ISBN 2-7 242-2 068-4)
  10. Le Matin du 18 juillet 1899 lire en ligne sur Gallica.
  11. Le Matin du 3 juin 1899 lire en ligne sur Gallica.
  12. Jean Doise, Un secret bien gardé : histoire militaire de l'affaire Dreyfus, Paris, Seuil, coll. « XXe siècle », , 225 p. (ISBN 978-2-020-21100-0).
  13. L'Affaire Dreyfus : Troisième Partie, Henri Guillemin, dans Les Dossiers de l'Histoire sur Radio Télévision Suisse (, 20 minutes) Consulté le .
  14. Henri Guillemin, L’Énigme Esterhazy, éd. Gallimard, Paris, 1962.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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