Frédéric Bohn

Biographie

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Jeune négociant

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Frédéric Bohn est né le à Alès[1]. Il est issu d'une famille installée à Alès puis à Bordeaux. Son père, Jean-Charles Bohn (1818-1889) est né en Allemagne près de Mayence. Protestant, il est négociant dans le commerce des arachides et son épouse, Virginie Julie Le Roux, mère de Frédéric, est une Bretonne catholique. Frédéric est secrètement baptisé dans la religion catholique[1].

Après son baccalauréat et une année passée à Mayence chez une tante pour perfectionner son allemand, Frédéric Bohn s'installe en 1874 à Marseille, où son père l'a envoyé travailler dans la société de Charles-Auguste Verminck pour apprendre le métier de négociant[2],[1].

La société de Charles-Auguste Verminck est alors la principale entreprise marseillaise de l'Ouest africain. Elle possède quatre huileries, un réseau de factoreries du Sénégal à la Guinée et une flotte de voiliers[2],[1]. Frédéric Bohn y apprend son métier et connaît une rapide ascension. Dès 1876, il est directeur des établissement Verminck. Il épouse la fille de Charles-Auguste Verminck, Pauline Verminck, le et trois après, en 1881, il est administrateur-directeur de la Compagnie du Sénégal et de la Côte occidentale d'Afrique que fonde Verminck[3]. Frédéric Bohn tisse des liens avec des relations marseillaises de son beau-père, politiques comme Léon Gambetta ou Maurice Rouvier et économiques, comme les chefs d'entreprise Étienne Zafiropulo et Georges Zarifi[2],[3], dirigeants de l'importante maison commerciale grecque de Marseille Zafiropulo & Zarifi[4].

La CFAO

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En 1881-1885, l'entreprise est touchée par la récession du commerce en Marseille et l'Afrique de l'Ouest. Les arachides importées d'Inde, au meilleur rapport qualité/prix, concurrencent dangereusement celles de la Compagnie du Sénégal et de la Côte occidentale d'Afrique, dont le chiffre d'affaires est divisé par deux. Frédéric Bohn propose aux actionnaires d'abandonner l'intégration verticale et de concentrer les activités sur le négoce uniquement, en cherchant de nouveau débouchés dans les ports d'Europe du Nord[5]. Charles-Auguste Verminck (qui se livre à des spéculations qui obligent son gendre à des acrobaties financières[6]), se retire de la société en 1885 et récupère ses huileries et un million de francs[7].

Par l'intermédiaire de Maurice Rouvier, un nouveau partenaire, la Société marseillaise de crédit dirigée par Albert Rey, investit dans l'entreprise en difficulté de Frédéric Bohn[7]. Elle prend en 1887 le nom de Compagnie française de l'Afrique occidentale. Elle est soutenue par Zafiropulo & Zarifi et Maurice Rouvier. Frédéric Bon en est l'administrateur-directeur de 1887 à 1911, puis le président de 1911 à sa mort en 1923. Sa gestion, prudente, vise des gains peu importants mais sûrs. Il cherche à constituer des réserves financières pour garantir l'autofinancement[2],[8].

Sous sa direction, la CFAO connaît alors une croissance importante. De 1887 à 1912, se fonds propres doublent, son chiffe d'affaires passe de 7 millions à 50 millions de francs, la rentabilité de l'action bondit de 3,5% à 25%. L'entreprise rachète les concurrents et constitue un réseau commercial, inégalé, de plus de 150 comptoirs, qui s'étend sur toute l'Afrique de l'Ouest, du Soudan français au Nigeria[2],[9].

Notabilité et influence politique

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Sa réussite commerciale apporte à Frédéric Bohn une légitimité qui en fait un notable : il entre dans les conseils d'administration de la Société marseillaise de crédit, de la succursale de la Banque de France et de la Caisse d'Épargne[2] et dans les cercles coloniaux marseillais : il est vice-président de la Société de géographie de 1898 à 1923 et président de l'Institut colonial de 1911 à 1923[10].

Frédéric Bohn use de son influence politique pour empêcher la réalisation des projets du ministre des Colonies Théophile Delcassé, qui cherche à développer en Afrique de l'Ouest une économie de plantation à la place d'une économie de traite et pour cela y installer des compagnies concessionnaires. Il réussit à limiter les concessions à une seule, en Guinée[10].

Nécrologie de Frédéric Bohn dans Le Petit Marseillais, , p. 2[11].

En 1902, Frédéric Bohn obtient de Maurice Rouvier, ministre des Finances, l'instauration d'un budget de l'Afrique-Occidentale française, augmenté les années suivantes par un emprunt. Les fonds réunis servent à aménager les ports de Dakar et de Conakry et à construire des lignes de chemin de fer en Guinée, en Côte-d'Ivoire et au Dahomey. Ces travaux profitent à des entreprises marseillaises[10].

Frédéric Bohn ouvre un laboratoire de sélection des espèces végétales pour les colonies à l'Institut colonial et lance en 1918 une revue, les Cahiers coloniaux. En 1922, il organise le stand de l'AOF de la seconde exposition coloniale de Marseille[10].

Frédéric Bohn est très affecté par la mort de son fils Antoine pendant la Première Guerre mondiale. Lui-même, atteint d'un cancer, meurt le , à son domicile du boulevard Périer à Marseille. À son décès, attendu depuis plusieurs mois, la presse locale, comme Le Petit Marseillais et les milieux coloniaux marseillais (Société de géographie de Marseille, Académie des sciences coloniales) saluent son œuvre[12]. Julien Le Cesne lui succède à la présidence de la CFAO[10].

Publications

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  • Rapport adressé à M. E. Cotelle, conseiller d'Etat, président de la commission des concessions coloniales, Marseille, Imprimerie marseillaise, 27 p. (lire en ligne).

Distinctions

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Officier de la Légion d'honneur Officier de la Légion d'honneur en 1908[13].

Chevalier de la Légion d'honneur Chevalier de la Légion d'honneur en 1891[13].

Références

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  1. a b c et d Daumalin 2016, par. 2.
  2. a b c d e et f Daumalin 2010, p. 105.
  3. a et b Daumalin 2016, par. 3.
  4. Daumalin 2016, par. 5.
  5. Daumalin 2016, par. 7-8.
  6. Daumalin 2016, par. 6.
  7. a et b Daumalin 2016, par. 9.
  8. Daumalin 2016, par. 11.
  9. Daumalin 2016, par. 12.
  10. a b c d et e Daumalin 2010, p. 106.
  11. « Mort de M. Frédéric Bohn », Le Petit Marseillais, no 20041,‎ , p. 2 (lire en ligne).
  12. Daumalin 2016, par. 1.
  13. a et b « CTHS - BOHN Charles Frédéric », sur Comité des travaux historiques et scientifiques (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Xavier Daumalin, « Récessions & attitudes coloniales : l’exemple des maisons de négoce marseillaises dans l’Ouest africain », dans Hubert Bonin et Michel Cahen (dir.), Négoce blanc en Afrique noire : L'évolution du commerce à longue distance en Afrique noire du 18e au 20e siècles. Actes du colloque du Centre d’étude d’Afrique Noire (Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux), 23-25 septembre 1999, Paris, Société française d'histoire d'outre-mer, coll. « Publications de la Société française d'histoire des outre-mers » (no 2), , 424 p. (lire en ligne), chap. 1.
  • Xavier Daumalin, « Frédéric Bohn », dans Jean-Claude Daumas (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, , 1615 p. (ISBN 9782081228344, lire en ligne), p. 105-106.
  • Xavier Daumalin, « Pouvoir économique et influence politique : Frédéric Bohn (1852-1923) », Cahiers de la Méditerranée, no 92,‎ , p. 53–66 (ISSN 0395-9317, DOI 10.4000/cdlm.8278, lire en ligne, consulté le ).
  • Xavier Daumalin, « Marseille, port impérial ? », dans Fabien Bartolotti, Xavier Daumalin et Olivier Raveux (dir.), L'histoire portuaire marseillaise en chantier : Espaces, fonctions et représentations, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », , 254 p. (ISBN 979-10-320-0439-5, DOI 10.4000/books.pup.57847, lire en ligne), p. 43-60.
  • Hassane Gandah Nabi, « La Compagnie française de l'Afrique occidentale du Niger (1926- 1998) », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 91, no 342,‎ , p. 295–319 (DOI 10.3406/outre.2004.4096, lire en ligne, consulté le ).
  • Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille: Port, ville, pôle, Paris, ENS Éditions, , 446 p. (ISBN 978-2-84788-613-9 et 978-2-84788-614-6, DOI 10.4000/books.enseditions.370, lire en ligne).
  • « BOHN Frédéric », sur Académie des Sciences d'Outremer.
  • « CTHS - BOHN Charles Frédéric », sur Comité des travaux historiques et scientifiques (consulté le ).

Articles connexes

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