Fragment

forme littéraire en prose d’une extrême brièveté

Le fragment est une forme littéraire en prose d'une extrême brièveté.

La forme, très ancienne, existe dans toutes les langues. Ainsi, vers l'an 1000, la poétesse japonaise Sei Shônagon, dame de compagnie de l'impératrice Sadako, inventorie dans le Makura-no-sôshi (Notes de chevet, littéralement Poèmes à l’oreiller) ce qu’elle aime, ce qu'elle déteste, ce qu’elle trouve ridicule, ou triste. Elle inaugure un nouveau genre littéraire, le zuihitsu (« au fil du pinceau »).

Cette forme littéraire n'est pas à confondre avec les fragments historiques. Ceux-ci se rapportent à des textes antiques nous étant partiellement parvenus grâce aux ouvrages d'autres auteurs ou des documents tels que les papyri[1]. Dans leur définition historique, les fragments ne correspondent donc à aucune forme littéraire en particulier.

En France modifier

En France, ce type d'écriture fut d’abord utilisé par Blaise Pascal. Xavier Forneret reprend la formule au XIXe siècle pour une série de fragments Sans titre, caractérisés par l'humour noir. Félix Fénéon s'inscrit dans cette lignée pour ses Nouvelles en trois lignes. D’autres auteurs, depuis, ont creusé ce sillon, parfois autobiographique. Parmi eux figurent Roland Barthes, les oulipiens Georges Perec (et son livre Je me souviens) et Hervé Le Tellier (et Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, mille réponses à la question « À quoi tu penses ? »), ou encore Michelle Grangaud, pour son recueil Geste. Valérie Mréjen (dans Eau sauvage, le parfum de son père) fait appel à cette forme pour évoquer ses souvenirs familiaux. C'est encore le cas de Laurent Bourdelas (Le Chemin des Indigotiers ou Les Chroniques d'Aubos), de Patrick Mialon ou Colette Corneille. Le fragment a aussi été utilisé dans de larges pans des œuvres de Henri Michaux, Emil Cioran et Christian Bobin.

S’y apparentent également des formes comme les fragments de la Comédie humaine dans les Ébauches rattachées à la Comédie humaine de Balzac, les nouvelles très courtes de Philippe Cousin, de Jacques Sternberg, les nanotextes de Patrick Moser et les micronouvelles d'humour noir de Jacques Fuentealba (Tout feu tout flamme).

La forme du fragment questionne le fractionnement de la mémoire et de la pensée. Elle ramène au parcellaire et au dérisoire, donc, contradictoirement, à une forme d’universalité.

Romantisme allemand modifier

Le fragment est une forme littéraire privilégiée du premier romantisme allemand. Selon le germaniste Roger Ayrault, l'idée de « fragment » chez Chamfort est l'une des sources du « fragment romantique »[2]. Christian Godin cite Friedrich Schlegel qui décrit le fragment romantique en ces termes: « Pareil à une petite œuvre d'art, le fragment doit être totalement détaché du monde environnant, et clos sur lui-même comme un hérisson »[3],[4].

En Amérique latine modifier

L'écrivain Augusto Monterroso a marqué l'histoire de la littérature en rédigeant le récit le plus court en langue espagnole, Le dinosaure, dont la brièveté n'a été dépassée (en 2005) que par la micronouvelle de Luis Felipe Lomelí, L'Émigrant

Liste d'ouvrages de forme fragmentaire modifier

Notes et références modifier

  1. Par exemple, la collection Budé des éditions Les Belles Lettres publie selon le catalogue de 2016 20 fragments d'auteurs divers.
  2. Roger Ayrault, La genèse du romantisme allemand , tome III 1797-1804 (I), Paris, Aubier, 1969, p. 111-137 (« Chamfort et le "fragment" romantique »).
  3. Christian Godin, La totalité, Champ Vallon, 2003, p. 123.
  4. Friedrich Schlegel, "Athenäums"-Fragmente und andere Schriften, Stuttgart, 2005, p. 99:« Ein Fragment muß zugleich einem kleinen Kunstwerke von der umgebenden Welt ganz abgesondert und in sich selbst vollendet sein wie ein Igel ».

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier