François Renaud

juge français
François Renaud
François Renaud dans le maquis en 1944.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Cimetière du Père-Lachaise (depuis le ), Grave of Grangent (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
François Maurice RenaudVoir et modifier les données sur Wikidata
Surnom
Le ShériffVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Allégeance
Activités
Conjoint
Lydia Alvarez-Santullano (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Conflit
Distinctions
Sépulture de François Renaud au cimetière du Père-Lachaise (division 62).

François Renaud est un magistrat français, né le à Hà Giang (à l'époque en Indochine française) au Tonkin dans le nord de l'actuel Viêt Nam, et mort assassiné le à Lyon (Rhône). Il est le premier magistrat français à être assassiné depuis l'Occupation. Sa vie a inspiré le réalisateur Yves Boisset qui a tourné le film Le Juge Fayard dit « le Shériff » en 1977.

Biographie modifier

Origines familiales modifier

François Maurice Renaud est le fils de Maurice François Renaud et de Marie Aimée Charlotte Maillart. Son père est un médecin, descendant d'une noble lignée bourguignonne (la famille de Lassonne) dont l'un fut médecin du roi Louis XV[1].

Études et débuts professionnels modifier

Il fait ses études secondaires à Toulouse puis son droit à Lyon, avant de rejoindre le maquis de Laives en 1943 (étant menacé d'être requis par le STO) sous le commandement d'André Jarrot puis de s'engager dans l'armée d'Alsace. Entré dans la magistrature en février 1953, il reçoit son diplôme de justice de paix coloniale en 1956 et est nommé juge suppléant dans les colonies, en Côte d'Ivoire, au Niger, au Mali enfin en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) avant de revenir à Lyon en 1966 et d'y être nommé 1er juge d'instruction du palais de justice de Lyon fin 1972[2].

Carrière juridique à Lyon modifier

Il se fait rapidement connaître par son allure (vestes à carreaux, pantalons de velours grenat, chemises roses, amateur de gros cigares, fine moustache en croc qui consacre son allure de major de l'Armée des Indes), sa manière musclée et bien personnelle de mener ses instructions, qui lui valent d'être surnommé « Le Shériff », mais on lui reproche rapidement son verbe cru, son adhésion au Syndicat de la magistrature dont il est un des membres fondateurs, et son goût pour les femmes avec qui il « s'encanaille » dans des boîtes de nuit[3].

Au gré de ses dossiers, le juge navigue aux frontières de la grande criminalité et de la politique. Il reçoit de nombreuses menaces de mort. En mai 1973, les mutins de la prison Saint-Paul montés sur les toits scandent « Renaud, salaud, on aura ta peau ». L'avocat lyonnais Joannès Ambre, qui a assuré la défense du gang des Lyonnais, le défie en combat singulier sur le terrain de la procédure et considère que Renaud joue avec la liberté des femmes et des maîtresses des truands, notamment en manipulant les permis de visites pour faire pression sur les prévenus[2]. Un tract distribué le 17 mars 1975 par la section lyonnaise du Comité d'action des prisonniers en marge d’un procès d’assises, le met violemment en cause[1].

En huit ans de magistrature à Lyon, le juge Renaud a traité 1 500 affaires de droit commun[4] : braquages du gang des Lyonnais, hold-up du gang de Guy Reynaud dit « le Dingue », enlèvement d'Yves Marin-Laflèche (riche hôtelier lyonnais), plusieurs règlements de comptes qui valent à Lyon à l'époque la triste appellation de « Chicago-sur-Rhône »[5].

Assassinat modifier

Faits modifier

Le , à h 30 du matin, François Renaud et sa compagne prénommée Geneviève (ou Barbara selon Guy Pesnot) rentrent d'une soirée chez des amis. Après s'être garé dans le parking de « La Vigie », situé au 89 de la montée de l'Observance, dans le 9e arrondissement de Lyon, le couple redescend à pied vers le domicile situé dans un immeuble de la colline de Fourvière. Lors du trajet, une voiture s'arrête à leur hauteur, ses occupants, trois hommes encagoulés, tirent deux coups de feu vers le juge qui s'est approché pensant renseigner un automobiliste[6]. Indemnes cependant, Renaud et sa compagne s'enfuient pendant que les tueurs continuent de tirer. Le couple dévale la rue sur une cinquantaine de mètres mais le conducteur de la voiture opère une marche arrière rapide et leur coupe le passage, les coinçant derrière une voiture en stationnement (qui recevra plusieurs projectiles)[7]. Le juge s'y recroqueville et protège sa compagne. Un des passagers descend de la voiture et assassine le juge de deux balles, une dans le cou et une dans la nuque ; puis il le frappe d’un coup de pied dans les reins et lui tire encore trois balles dans le crâne[8]. Les tueurs repartent enfin et sa compagne, indemne, court jusqu'à l'appartement pour donner l'alerte. François Renaud succombe une heure plus tard dans l'ambulance qui le transporte vers l'hôpital Édouard-Herriot. C’est la première fois depuis l’Occupation qu’un magistrat est assassiné en France[1].

Enquête et suites modifier

Roger Chaix, nouveau préfet de police de Lyon, révèle lors de la cérémonie de vœux à la préfecture, le , que les assassins du juge Renaud auraient été identifiés mais que leur inculpation reste difficile car basée essentiellement sur des témoignages d'indicateurs : « La police peut connaître le nom des coupables et ne disposer d’aucun moyen de les confondre »[9].

Pour l'un de ses fils, auteur d'une biographie de son père[10], la collusion entre le SAC et une partie du milieu, à laquelle s'intéressait Renaud, serait à l'origine de son assassinat. Francis Renaud suppose que c'est Jean Schnaebelé (caïd lyonnais lié au SAC) qui aurait commandité l'assassinat. Il aurait été pris en charge par Edmond Vidal du gang des Lyonnais (alors en prison), et perpétré par Jean-Pierre Marin, Michel Lamouret et Robert Alfani, les trois tueurs présumés[11]. Michel Neyret, qui fut chef adjoint puis chef de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Lyon, de 1983 à 2004, a également la conviction de l'implication de Marin et Lamouret dans l'assassinat du juge[12].

Louis Guillaud (dit « la Carpe » et membre du Gang des Lyonnais, arrêté le pour l'enlèvement de Christophe Mérieux), se suicide le . À son domicile on retrouve une lettre dactylographiée reçue d'un proche et attestant de sa présence sur les lieux de l’assassinat[13]. Des annotations qui lui sont attribuées confirmeraient leur décision d'abattre le Juge : « L’un d’entre nous, que l’on appellera JMP, était particulièrement remonté contre le juge et il se proposait comme exécuteur. » (JMP indique vraisemblablement Jean-Pierre Marin)[14]. Jean-Pierre Marin, recherché pour avoir joué un rôle dans l'enlèvement du petit Christophe Mérieux, avait été mortellement blessé lors de son interpellation par des policiers le , à Champagne-au-Mont-d'Or, dans la banlieue nord de Lyon[15].

Philippe Guillaud, fils de Louis Guillaud, précise les circonstances de l'assassinat telles que les lui aurait rapportées son père. Le coup n'aurait pas été monté. « Ils étaient en repérage pour divers braquages » quand ils croisent fortuitement le juge. « Ils font demi-tour, repassent à sa portée, Marin descend et lui met deux balles dans la nuque. »[16].

Après dix-sept ans d'enquête, qui ont vu se succéder six juges d'instruction, le magistrat Georges Fenech signe une ordonnance de non-lieu le 17 septembre 1992, et la prescription est prononcée en 2004[17].

L’affaire non résolue reste encore aujourd'hui très sensible. Le réalisateur Olivier Marchal justifie l'absence de toute référence au juge dans son film de 2011 Les Lyonnais par : « Je n’ai pas voulu remuer la merde »[18].

Postérité modifier

François Renaud, divorcé de Lydia Suzy Alvarez Santullano (Asnières, 21 juillet 1927 - Veyrier-du-Lac, 16 juin 2007), a eu deux fils. Sa tombe, située dans une concession familiale au cimetière du Père-Lachaise (62e division), est profanée en avril 2007[19]. Une plaque commémorative apposée sur les murs de la salle des pas-perdus du Palais de justice de Lyon perpétue le souvenir du juge[20].

Le Juge Fayard dit Le Shériff

Yves Boisset avec son film, qui « dénonce la corruption au sein des systèmes judiciaire et politique, en faisant notamment référence au SAC », tourné à chaud en 1977, créé la polémique et le film est censuré. Charles Pasqua, à l'époque secrétaire général du SAC, « fait en sorte que Boisset soit contraint, par la justice, de supprimer toute mention visuelle ou auditive relative à cette organisation dans son film »[21].

Distinctions modifier

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Documentaire télévisé modifier

Émission de radio modifier

Filmographie modifier

Notes et références modifier

  1. a b et c Gilles Gaetner, « Énigmes criminelles : La mort du juge Renaud », sur Valeurs actuelles, .
  2. a et b Guy Moyse, Mille ans de justice à Lyon, Lugd, , p. 101.
  3. « Le juge Renaud victime d'un "assassinat politique", selon son fils », sur Le Parisien, .
  4. Robert Belleret, « L'assassinat du juge Renaud : le "Shérif" tué à Chicago-sur-Rhône », sur Le Monde, .
  5. Roland Passevant, Les flammes de l'exclusion : insécurité urbaine, Temps des cerises, , p. 184.
  6. Jacques Bacelon, La république de la fraude, J. Grancher, , p. 205.
  7. Photo prise le 3 juillet 1975 de la voiture.
  8. Le juge assassiné L'Express, 1er décembre 2005
  9. James Sarazin, Dossier M comme milieu, A. Moreau, , p. 393.
  10. Interview de Francis Renaud dans 20 minutes, 16 novembre 2011.
  11. Nicolas Coisplet et Yvon Mézou, « Assassinat du juge Renaud : « Sacrifié parce qu'il a découvert une magouille de haut niveau » », sur 20minutes.fr, .
  12. Michel Neyret, Flic, Paris, Plon, , 232 p. (ISBN 978-2-259-22144-3), p. 170
  13. "13h15 le dimanche". Affaire Renaud : la justice à terre
  14. Brendan Kemmet et Matthieu Suc, « Vie et mort d’une balance », sur Le Parisien, .
  15. « La fin " précipitée " de Jean-Pierre Marin », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Le fils d'un membre du gang des Lyonnais raconte pour la première fois comment le juge Renaud aurait été tué
  17. NON-LIEU DANS L'AFFAIRE DU JUGE RENAUD- l'Humanite L'Humanité, 9 octobre 1992.
  18. Richard Schittly, « Cinéma. Le vrai du faux », sur Le Progrès, .
  19. Guillaume Lamy, « Des insultes sur la tombe du "Sherif" », sur Lyon Capitale, (consulté le ).
  20. Jean-Baptiste Goin, « Fenech contre l'oubli de l'assassinat du juge Renaud », sur Tribune de Lyon, .
  21. AlloCine, « Les secrets de tournage du film Le Juge Fayard dit le shériff » (consulté le ).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier