Fumées chirurgicales

nuage produit quand un chirurgien utilise un laser, une scie...

Les fumées chirurgicales provoquées par l'utilisation d'une source d'énergie durant un acte chirurgical, ces fumées peuvent présenter des dangers pour la santé des personnes présentes au bloc opératoire. Des polluants biologiques, organiques ainsi que des nanoparticules sont susceptibles de traverser la paroi alvéolaire et de rejoindre le système sanguin des personnes qui y sont exposées.

Présentation modifier

Les fumées chirurgicales sont les fumées provoquées lors d'interventions chirurgicales par l'utilisation d'une source d'énergie qu'elle soit électrique (bistouri électrique, thermofusion tissulaire), ultrasonique ou laser. Au regard des résultats d’études menées depuis plusieurs années, les fumées chirurgicales peuvent présenter des dangers pour la santé du personnel exposé au bloc opératoire. Ainsi les infirmières et les infirmiers de bloc déclarent deux fois plus de maladies respiratoires que la population générale[1]. Une nouvelle étude publiée en 2021 [2] démontre que le risque de BPCO (Bronchopneumopathie chronique obstructive) est augmenté de 69% pour les infirmières travaillant dans un bloc opératoire depuis plus de 15 ans.

Concernant les seuls dangers des polluants organiques il a été démontré que :

  • 1 gramme de tissu chirurgical vaporisé équivaut à la fumée émise par 6 cigarettes[3].
  • 4 à 6 heures de présence dans l'espace chirurgicale d'une salle d'opération équivaut à fumer 27 à 30 cigarettes[4].

Composition modifier

Le panache des fumées chirurgicales est composé d'aérosols, de constituants biologiques, cellulaires, de gaz et de vapeurs. Les polluants peuvent être classés en trois principales familles :

Les micro et nanoparticules modifier

Pénétration des particules dans l'appareil respiratoire en fonction de leur taille

Bien que la taille des particules ainsi aérosolisées varie entre plus de 200 micromètres (ou microns) et moins 0,01 micromètre, leur taille moyenne fait qu'une part très importante de ces particules est susceptible d'atteindre les alvéoles pulmonaires (70% des particules ont une taille inférieure à 0.3μm). D’après les résultats des études expérimentales, leur taille fait que ces particules inhalées sont donc capables de traverser la paroi alvéolaire, migrer vers la plèvre, les structures ganglionnaires, rejoindre les systèmes sanguin et lymphatique et ainsi atteindre différents organes comme le foie, le cœur ou la rate.

Le nombre de particules atteint 292 000 particules par cm3 pour une cure d’éventration et 490 000 particules par cm3 pour une résection hépatique[6].

À l'inspiration, le volume moyen inspiré par un adulte est de 500 cm3. Avec 292 000 particules par cm3 présentes dans le panache de fumée chirurgicale, les personnes présentent dans l’espace chirurgical respireraient potentiellement environ 146 millions de particules à chaque respiration et dont la majorité sont susceptibles d'atteindre les alvéoles pulmonaires et de passer la barrière air-sang.

Calcul :

Il est important de noter que les masques chirurgicaux standard filtrent à 0,5 micron avec une efficacité d'environ 43 % et ne jointent pas autour de la bouche et du nez.

Les polluants organiques modifier

Le panache chirurgical contient plus de 140 composés organiques de pyrolyse[7],[8],[9].

Ceux-ci sont formés à partir d'un processus chimique lorsque de l'énergie est appliquée à des tissus tels que la graisse, l'hémoglobine ou autres.

40 de ces polluants organiques sont toxiques, mutagènes et cancérigènes tels que :

Les polluants biologiques modifier

Tailles du matériel biologique

La fumée chirurgicale est composée de 95 % de vapeur d'eau[10].

L'eau étant porteuse de bactéries et de virus viables[11],[12], le transfert de maladie est possible et a été documenté[13].

il a été récupéré dans les fumées chirurgicales :

Une papillomatose laryngée a été reconnue comme maladie professionnelle pour une infirmière qui exerçait la fonction d’instrumentiste lors de traitements de papillomatoses[20]

Mesures de prévention modifier

La logique de la hiérarchie des mesures de prévention modifier

Il existe une directive-cadre européenne relative à la sécurité et à la santé au travail[21] qui oblige les employeurs à prendre des mesures adéquates pour rendre le travail plus sain et sûr. Cette directive fixe une hiérarchie des mesures de prévention.

La hiérarchisation est :

  1. L'élimination du danger ou sa substitution
  2. La réduction des risques via le recours à une protection collective
  3. La prévention organisationnelle
  4. Et en dernier recours, la limitation les dommages via le recours à des équipements de protection individuelle (EPI)

La hiérarchisation des mesures de prévention concernant les fumées chirurgicales modifier

  1. L'élimination du danger ou sa substitution par l'usage d'un bistouri froid si cela est possible
  2. La protection collective : ex.: l'élimination par captage à la source des fumées chirurgicales
  3. La prévention organisationnelle : ex.: formation, méthodes de travail, procédures
  4. En dernier recours, la limitation les dommages : ex.: port de lunettes protection et de masques

Un document sur les risques et les mesures de prévention concernant les fumées chirurgicales et destiné aux médecins du travail a été publié par l'INRS[22]

Les mesures de protection collectives concernant les fumées chirurgicales modifier

La mesure de prévention collective la plus efficace est la solution technique qui consiste à capter puis à filtrer les fumées chirurgicales[22].

Le captage à la source modifier

Il existe différents moyens de capter à la source les fumées chirurgicales en fonction du type de chirurgie pratiquée.

Pour la chirurgie ouverte modifier

Les différentes solutions sont d'utiliser au choix :

  • Une simple tubulure ouverte amenée au plus près de la source
  • Une tubulure pouvant s’adapter au manche porte-électrode (bistouri électrique)
  • Un manche porte-électrode (bistouri électrique) équipé d'une solution de captage intégrée
Bistouri électrique type permettant des capter les fumées à la source
Pour la cœlisocopie modifier

Les différentes solutions sont d'utiliser au choix :

  • un filtre actif ou passif (relié au robinet d'un des trocarts)
Evacuateur de fumées pour la coelioscopie Légendes
  • une tubulure d'évacuation (relié au robinet d'un des trocarts et à un système d'évacuation et de filtration)
  • Un système de lavage cœlioscopique (Aspiration/irrigation relié à un filtre puis à l'aspiration murale)

La Filtration modifier

Les tailles des particules devant être filtrées sont comprises entre 200 micromètres (ou microns) et moins 0,01 micromètres.

Concernant les polluants biologiques leurs tailles sont :

Les filtres doivent indiquer leur taux d'efficacité minimum pour les tailles de particules les plus difficiles à attraper car les plus pénétrantes (notion de MMPS : most penetrating particle size). Il est donc nécessaire de recourir à des filtres de type ULPA (Ultra Low Particulate Air) pour assurer une filtration efficace de ces particules aérosolisées. Les filtres ULPA affichent en effet des efficacités minimum de 99.999 % pour des MMPS généralement comprises entre 0.1μm et 0.2μm.

L'erreur la plus répandue consiste à supposer que seul un effet tamis est responsable de la capture des aérosols par un milieu fibreux. En réalité, l'efficacité unitaire de collection d'une fibre est fonction de plusieurs mécanismes physiques[23] :

  • La diffusion brownienne
Principe de la diffusion Brownienne
  • L’interception directe
Principe de l'interception directe
  • L’impaction inertielle
Principe de l'impaction inertielle

Voir article sur la filtration des aérosols de l'INRS pour plus de détails[23]

Il résulte de ces mécanismes physiques que les particules inférieures comme les particules supérieures aux tailles des MPPS sont capturées avec une efficacité supérieure au minimum annoncé pour les MPPS.

Courbe d'efficacité des filtres fibreux de type ULPA

L'évacuation modifier

Pour permettre le captage des fumées il est possible de recourir pour de petits volumes de fumées à l'aspiration murale (ex. : cœlioscopie) ou pour la chirurgie ouverte à des évacuateurs dont le volume d’aspiration est bien plus important (la norme ISO16571[24] précise qu'il doit être capable de fournir un débit d'au moins 500 l/min sans perte de charge).

Evacuateur permettant l'évacuation et la filtration des panaches de fumées chirurgicales
  • Concernant l'utilisation de l'aspiration murale il est important de protéger du risque de colmatage les canalisations de l'établissement de santé en plaçant un filtre ULPA sur la ligne d'aspiration.
  • Concernant les évacuateurs, ceux-ci sont généralement munis de filtres réutilisables. Pour cette raison, et afin de protéger de tout contact accidentel le personnel de salle entre deux interventions, la norme ISO16571 stipule que l'unité terminale (l'entrée du filtre) doit avoir un dispositif de fermeture qui se ferme lorsqu'il n'est pas connecté. Les évacuateurs offrent généralement la possibilité d'être couplé à la source d'énergie émettrice de fumées afin de s'activer que lorsque celle-ci est utilisée. Les fumées chirurgicales étant composées à 95% de vapeur d'eau, la norme ISO16571 recommande également que le système de filtration contienne un préfiltre et/ou un adsorbeur afin de protéger le filtre ULPA.

Notes et références modifier

  1. Ball, K., (2010). Compliance With Surgical Smoke Evacuation Guidelines: Implications for Practice. AORN Journal. doi: 10.1016/j.aorn.2010.06.002
  2. Wubin Xie,Orianne Dumas,Raphaëlle Varraso. Association of Occupational Exposure to Inhaled Agents in Operating Rooms With Incidence of Chronic Obstructive Pulmonary Disease Among US Female Nurses
  3. Sahaf, O., Vega-Carrascal, I., Cunningham, F., McGrath, J., Bloomfield, F., (2007). Chemical Composition of smoke produced by high-frequency electrosurgery. Irish Journal of Medical Science, DOI: 10.1007/si1845-007-0068-0
  4. Hill, D.S. et. Al., Surgical Smoke A health hazard in the operating theatre. A study to quantify exposure and a survey of smoke extractor systems in UK plastic surgery units. Journal of Plastic, Reconstructive, and Aesthetic Surgery 2012. doi:10.1016/j.bjps.2012.02.012
  5. a b et c ANDRÉASSON SN, ANUNDI H,SAHLBERG B, ERICSSON CG ET AL. -Peritonectomy with high voltage electrocautery generates higher levels of ultrafine smoke particles. Eur J Surg Oncol. 2008 ; 35 (7) : 780-84
  6. Dobrogowski, M., Wesolowski, W., Kucharska, M., Sapota, A., & Pomorski, L. S. (2014). Chemical Composition of Surgical Smoke Formed in The Abdominal Cavity During Laparoscopic Cholecystectomy – Assessment of the Risk to the Patient International Journal of Occupational Medicine and Environmental Health 2014;27(2):314 – 325 http://dx.doi.org/10.2478/s13382-014-0250-3
  7. ANDRÉASSON SN, ANUNDI H, SAHLBERG B, ERICSSON CG ET AL. - Peritonectomy with high voltage electrocautery generates higher levels of ultrafine smoke particles. Eur J Surg Oncol. 2008 ; 35 (7) : 780-84.
  8. AL SAHAF OS, VEGA-CARRASCAL I, CUNNINGHAM FO, MCGRATH JP ET AL. - Chemical composition of smoke produced by high-frequency electrosurgery. Ir J Med Sci. 2007 ; 176 (3) : 229-32.
  9. ALP E, BIJL D, BLEICHRODT RP, HANSSON B ET AL. - Surgical smoke and infection control. J Hosp Infect. 2006 ; 62 (1) : 1-5.
  10. U.S. Department of Labor Bloodborne Pathogens https://www.osha.gov/pls/oshaweb/owadisp.show_document?p_id=10051&p_table=STANDARDS (Accessed 12/4/18)
  11. WALKER B - High efficiency filtration removes hazards from laser surgery. Br J Theatre Nurs. 1990 ; 27 (6) : 10-12.
  12. BYRNE PO, SISSON PR, OLIVER PD, INGHAM R - Carbon dioxide laser irradiation of bacterial targets in vitro. J Hosp Infect. 1987 ; 9 (3) : 265-73.
  13. Rioux et.Al. HPV positive tonsillar cancer in two laser surgeons: case reports Journal of Otolaryngology - Head and Neck Surgery 2013, 42:54 http://www.journalotohns.com/content/42/1/54
  14. GARDEN JM, O’BANION MK, SHELNITZ LS, PINSKI KS ET AL. - Papillomavirus in the vapor of carbon dioxide lasertreated verrucae. JAMA. 1988 ; 259 (8) : 1199-1202
  15. SAWCHUKWS, WEBER PJ, LOWY DR, DZUBOW LM - Infectious papillomavirus in the vapor of warts treated with carbon dioxide laser or electrocoagulation: detection and protection. J Am Acad Dermatol. 1989 ; 21 (1) : 41-49
  16. KASHIMA HK, KESSIST, MOUNTS P, SHAH K - Polymerase chain reaction identification of human papillomavirus DNA in CO2 laser plume from recurrent respiratory papillomatosis. Otolaryngol Head Neck Surg. 1991 ;. 104 (2) : 191-95
  17. GLOSTER HM JR, ROENIGK RK - Risk of acquiring human papillomavirus from the plume produced by the carbon dioxide laser in the treatment of warts. J Am Acad Dermatol. 1995 ; 32 (3) : 436-41
  18. BAGGISH MS, POIESZ BJ, JORET D, WILLIAMSON P ET AL. - Presence of human immunodeficiency virus DNA in laser smoke. Lasers Surg Med. 1991 ; 11 (3) : 197-203
  19. FLETCHER JN, MEW D, DESCÔTEAUX JG - Dissemination of melanoma cells within electrocautery plume. Am J Surg. 1999 ; 178 (1) : 57-59
  20. CALERO L, BRUSIST - Larynxpapillomatose. Erstmalige Anerkennung als Berufskrankheit bei einer OP-Schwester. Laryngorhinootologie. 2003 ; 82 (11) : 790-93
  21. directive 89/391 CEE (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000333571&categorieLien=id)
  22. a et b Fumées chirurgicales. Risques et mesures de prévention. Documents pour le médecin du travail. INRS (http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TC%20137 )
  23. a et b INRS - Hygiène et sécurité du travail - Cahiers de notes documentaires - 1er trimestre 2006 - 202 / 7 - FILTRATION DES AÉROSOLS – PERFORMANCES DES MÉDIAS FILTRANTS - Denis BÉMER, Roland RÉGNIER, INRS, Département Ingénierie des procédés - Sandrine CALLÉ, Dominique THOMAS, Xavier SIMON, Jean-Christophe APPERT-COLLIN, CNRS/LSGC (http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ND%202241 )
  24. ISO 16571: Systèmes d'évacuation des effluents gazeux générés par l'utilisation de dispositifs médicaux (https://www.boutique.afnor.org/norme/iso-165712014/systemes-de-gaz-medicaux-systemes-d-evacuation-des-effluents-gazeux-generes-par-l-utilisation-de-dispositifs-medicaux/article/800777/xs124162)