Gaswagen
Le Gaswagen (« camion à gaz ») était un véhicule équipé d'un compartiment hermétique dans lequel étaient rejetés, soit du monoxyde de carbone pur conditionné en bouteilles, soit les gaz d'échappement du véhicule. Le Troisième Reich s'en est servi comme méthode génocidaire pour gazer des personnes handicapées ou de religion juive, ou tziganes[1] au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Camions à gaz sous le Troisième Reich
modifierLes camions étaient maquillés aux couleurs de la compagnie de café Kaiser (Kaiser's Kaffee-Geschäft Gmb)[2].
Les premiers camions à gaz ont été utilisés fin 1939, début 1940 dans le cadre de l'Aktion T4 pour asphyxier les malades mentaux des asiles d'aliénés de Pologne. On utilisait un fourgon hermétique attelé à une cabine tractrice sur laquelle était fixé un réservoir rempli d'oxyde de carbone pur sous pression relié par des tuyaux jusqu'à l'intérieur de l'enceinte[3].
La deuxième génération de camions, celle employant les gaz d'échappement, se concrétise un peu plus tard[4], mi-, après qu'Heinrich Himmler a assisté près de Minsk à une exécution de Juifs par fusillade qui l'aurait incommodé[5]. Il demanda à Arthur Nebe, chef de l'Einsatzgruppe B, de trouver un moyen plus efficace et plus invisible que la fusillade pour tuer les victimes. Après avoir pensé à la dynamite, Arthur Nebe se souvint qu'il avait failli un jour s'intoxiquer dans son garage alors que le moteur de sa voiture était resté en marche. L'idée fut adoptée. Plusieurs types de camion furent utilisés, notamment des Opel Blitz de 3,5t et des Saurerwagen de Saurer Autriche, carrossés avec des caisses hermétiques par l'entreprise Gaubschat Fahrzeugwerke GmbH, principal constructeur de Gazwagen, qui, en juin 1942, avait livré vingt camions. Des camions d'autres constructeurs ont également été probablement utilisés[6]. Le chef d'un atelier technique du RSHA Harry Wentritt fut chargé par Reinhard Heydrich de mettre au point le dispositif pour relier le tuyau d'échappement à l'intérieur du fourgon. La première expérimentation du camion à gaz eut lieu début novembre 1941 dans le camp de concentration de Oranienburg-Sachsenhausen sur des prisonniers de guerre russes[7]. Le Dr Theodor Leidig témoigne :
« Un jour je fus convoqué à Sachsenhausen. [...] Des hommes nus sortirent d'une baraque et montèrent dans un camion poids lourd. [...] Puis la voiture démarra. [...] Nous nous sommes rendus dans un autre endroit [...] c'était près du four crématoire. Je me souviens qu'on pouvait voir par un regard ou à travers une vitre l'intérieur de la voiture qui était éclairé. On constata que les gens étaient morts. [...] En tant que chimiste nous avons pu constater que les corps avaient l'aspect rosâtre typique des victimes du monoxyde de carbone[8]. »
Ces Gaswagen ont été utilisés peu de temps après notamment au centre d'extermination de Chełmno, jusqu'à ce que les chambres à gaz aient été mises au point, méthode plus « efficace ».
En 1943, les crimes contre l'humanité sont commis sur le territoire de l'Union des républiques socialistes soviétiques vers Krasnodar, où environ 6 700 civils sont tués par empoisonnement dans les Gaswagen. Les témoignages de ces crimes ont été donnés au procès de Nuremberg. Le nombre total de victimes de ces instruments de mort au cours de la période de la Seconde Guerre mondiale est, selon le Mémorial Yad Vashem, de 700 000[9].
Notes et références
modifier- (en) Erika Thurner, « Nazi and postwar policy against Roma and Sinti in Austria », dans The Roma: a Minority in Europe : Historical, Political and Social Perspectives, Central European University Press, coll. « CEUP collection », , 55–67 p. (ISBN 978-615-5211-21-8, lire en ligne)
- Christopher Browning, Les origines de la Solution finale
- Kogon, Langbein et Rückert 1987, p. 56.
- Brayard 2004 : l'idée d'utiliser du gaz comme moyen de mise à mort de masse émerge fin juillet 1941 en Lettonie
- Christian Ingrao, Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS, Paris, Le Grand livre du mois, , 521 p. (ISBN 978-2-286-06980-3, OCLC 763012344, BNF 42297752), p. 277
- Francis Goumain, Renault sent le gaz (le gaswagen de Renault), 27 avril 2018, jeune-nation.com
- Brayard 2004.
- Kogon, Langbein et Rückert 1987, p. 74-75.
- Mémorial de Yad Vashem Gas Vans, yadvashem.org
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Eugen Kogon, Hermann Langbein et Adalbert Rückert, Les Chambres à gaz, secret d'État, Édition du Seuil, coll. « Points/Histoire », (ISBN 978-2-02-009628-7). Consulter particulièrement le chapitre 4.
- Mathias Beer (trad. Carole Daffini), « Les camions à gaz : leur mise au point et leur utilisation dans le meurtre des Juifs » [« Die Entwicklung der Gaswagen beim Mord an den Juden »], Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, no 35, (lire en ligne)
- Florent Brayard, La Solution finale de la question juive : la technique, le temps et les catégories, Fayard, , 654 p. (ISBN 978-2-213-67358-5, lire en ligne)
- (de) Saul Friedländer, Das Dritte Reich und die Juden, C.H. Beck, , p. 774
- (de) Sybille Steinbacher (de), Auschwitz : Geschichte und Nachgeschichte, C. H. Beck, , p. 106
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- Camions à gaz, articles et documents sur PHDN