Giara (cheval)

race de chevaux

Giara
Giara noir sur le plateau de la Giara de Gesturi.
Giara noir sur le plateau de la Giara de Gesturi.
Région d’origine
Région Sardaigne, Drapeau de l'Italie Italie
Caractéristiques
Morphologie Cheval sauvage
Taille 1,15 m à 1,35 m
Robe Bai, noir ou alezan
Tête Grande et carrée
Pieds petits et solides
Caractère Vif et craintif
Autre
Utilisation Le plus souvent à l'état sauvage

Le Giara (sarde : Cuaddeddu de sa Jara) est une race de chevaux rare, qui vit à l'état semi-sauvage sur le plateau de la giara de Gesturi (it), en Sardaigne. Vraisemblablement introduite sur cette île durant l'Antiquité, elle occupe peu à peu une vaste aire de répartition, et s'adapte aux conditions climatiques locales, notamment aux sécheresses estivales, en diminuant de taille sous l'effet de la sélection naturelle. Mis au travail agricole par les habitants sardes, ces petits chevaux risquent l'extinction avec la motorisation de l'agriculture. Des mesures de protection sont mises en place à partir de 1971, aboutissant à la création d'un stud-book.

Le cheval de la Giara présente des crins très fournis, et une robe sombre. Adapté à son environnement rude et sec, il est particulièrement rustique et résistant. La race est désormais surtout un argument touristique pour la Sardaigne. Dans les années 2010, le cheptel est d'environ 500 sujets.

Dénomination et sources modifier

En sarde, il est nommé Cuaddeddu de sa Jara[1],[2], son nom en italien étant Cavallino della Giara[3], ce qui se traduit par « petit cheval de la Giara ». La race porte le nom du plateau basaltique du centre et du Sud de la Sardaigne, où elle vit[4],[5].

Il est historiquement connu sous le nom d'« Achetta »[6] (une graphie plus correcte en sarde étant « Acchetta »)[7]. Ce mot sarde tombé en désuétude désigne tout cheval de petite taille[8]. Ce mot est un diminutif[7] issu de la racine ácha, arrivé dans la langue sarde via le catalan ou l'alguérois (h)aca (« petit cheval »), proche de l'espagnol haca, jaca[8].

Cette race est aussi connue sous le nom de « poney sarde »[3], et surnommée « cheval nain »[1].

Elle est décrite dans la base de données DAD-IS[9] et dans l'encyclopédie de CAB International (2016)[1], mais elle n'est que citée dans celle de l'université de l'Oklahoma (2007)[10].

Histoire modifier

Groupe de chevaux de la Giara à Gesturi.

Les origines de ce cheval sont anciennes et incertaines, mais il n'est vraisemblablement pas autochtone de Sardaigne, aucune recherche archéologique n'ayant permis de retrouver des squelettes de chevaux antérieurs à l'époque du Nuragique tardif[11]. Par le passé, il a été pris à tort pour une sous-espèce du cheval à part entière[12]. Il est peut-être importé en Sardaigne par les Phéniciens[3] ou les Grecs, au Ve ou IVe siècle av. J.-C.[13],[14]. Il est présumé présent sur cette île au moins depuis l'Antiquité[3],[15]. Les chevaux actuels sont un vraisemblable reliquat de populations sauvages présentes sur l'île à la fin du Moyen Âge[11]. Les études génétiques suggèrent que cette population équine a occupé par le passé une aire de répartition beaucoup plus vaste que l'actuelle[16].

La première attestation écrite d'une présence de chevaux sauvages en Sardaigne remonte à 1540[12]. En 1774, Cetti décrit trois différents types de chevaux en Sardaigne : le selvaticus (sauvage), le vulgar (ordinaire ou commun), et le di razza (de race)[17] : la description du selvaticus correspond au Giara actuel[4].

Jusque dans les années 1950, ces chevaux vivent totalement libres[1]. Si le cheval de la Giara est utilisé pour les travaux des champs, il ne l'est que quelques mois dans l'année ; le reste du temps, il retourne à son état sauvage[3]. Avec l'arrivée de la motorisation agricole dans les années 1960, il risque l'extinction[1]. De nombreux sujets de la race sont abattus pour leur viande ou dressés pour la selle[1]. Les sujets survivants retournent à l'état sauvage[5].

L'Institut d'Accroissement Hippique de la Sardaigne (Istituto di Incremento Ippico della Sardegna) à Orzieri créé, en 1971, à Foresta Burgos, un centre d'élevage et de repeuplement où sont élevés des sujets sélectionnés d'après les critères précis de la race[11]. Une association de race est ensuite créée, en 1976[1].

Depuis 1991, le Giara est inclus aux animaux gérés via le registre italien des races chevalines et asines à diffusion limitée (Registro Anagrafico delle razze Equine ed Asinine a limitata diffusione)[18]. En 2014, le gouvernement italien lève 300 000  de fonds pour la préservation du cheval de la Giara[1].

Description modifier

Groupe de chevaux de la Giara au printemps.

La base de données DAD-IS indique une taille moyenne de 1,30 m chez les juments, et 1,35 m chez les mâles[19]. CAB International cite une fourchette de taille allant de 1,15 m à 1,35 m[1]. Bien que cette taille soit celle d'un poney, le Giara est considéré comme un cheval en raison de sa morphologie[4]. Sa taille s'est réduite par sélection naturelle, avec les carences induites par son environnement, en particulier les sécheresses estivales[1].

Morphologie modifier

Le type général est dolichomorphe[5]. La tête est grande, carrée, avec des ganaches prononcées[13], deux oreilles « en amande », et un toupet abondant[20]. L'encolure est forte[21]. Le garrot est peu prononcé, le thorax peu profond, le dos solide et bien soutenu[21]. La croupe est courte et inclinée, avec une queue attachée bas[21].

Ses membres sont fins, et ses articulations sèches[13]. Le pied est petit et solide[21]. Le crin est remarquablement fourni[13].

Robe modifier

La robe est unie et de teinte sombre, généralement baie, noire ou alezane[19].

Tempérament, entretien et allures modifier

Il est adapté à son environnement rude et sec[19]. Le Giara est un animal agile et très rustique, de pied sûr[3], robuste, de par son habitat d'origine[13]. Son mode de vie semi-sauvage le rend plutôt craintif et vif[3]. Il l'expose aussi à de l'endoparasitage[22]. La race est notamment parasitée par Fasciola hepatica[23]. L'organisation sociale des hardes sauvages a été étudiée[24].

La concentration en testostérone dans le sang des étalons est la plus élevée au mois d'avril, et par extension durant la première moitié de l'année, ce qui est cohérent avec les taux trouvés chez d'autres races de chevaux[25].

Sélection modifier

Chaque année, les troupeaux sont rassemblés et les poulains marqués et enregistrés.

Le croisement entre un Giara et le cheval arabe donne un Giarab[6], plus sportif[3].

La race a fait l'objet de plusieurs analyses du génome mitochondrial[26]. Le Giara est génétiquement assez proche du Sarcidano, car il présente les mêmes haplogroupes, et souvent les mêmes haplotypes que lui, mais il est distinct de l'Anglo-arabe sarde[26]. Ces chevaux ont peu de variation d'haplogroupes, car ils sont souvent rattachés à l'haplogroupe G[27] (à 56,4 %), théoriquement originaire d'Asie et du Moyen-Orient[26], mais largement répandu chez de nombreuses races de chevaux de par le monde, ce qui le rapproche des autres races d'Eurasie occidentale[16].

Utilisations modifier

Chevaux de la Giara à Genoni.

Bien qu'il se rencontre le plus souvent à l'état semi-sauvage, on l'utilise aussi, rarement et s'il est bien dressé, comme monture pour les enfants[13],[3], notamment pour les sports équestres sur poney[19]. Il sert aussi de cheval agricole[11]. Il a été suggéré de l'utiliser en équithérapie[5]. Dans les années 1980, il était surtout élevé pour sa viande[28].

Les Giara actuels sont surtout un argument touristique pour l'île de Sardaigne[3]. Ces chevaux vivent en hardes sauvages[1],[15].

Diffusion de l'élevage modifier

Chevaux de la Giara en semi-liberté avec des bovins.

Ce cheval fait partie des races animales spécifiques de la Sardaigne[29]. Bien que le Giara vive sur la même île que le Sarcidano, les deux races occupent des régions séparées[30]. En effet, le plateau basaltique de la Giara, qui forme le biotope de cette race[21], étendu sur 45 km2 et situé à 500 ou 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, est entouré de montagnes qui empêchent les migrations de chevaux vers les vallées[4]. Les spécificités bio-écologiques du cheval de la Giara en font un riche héritage biologique, qu'il importe de préserver dans son environnement[4]. Un petit nombre de chevaux ont été transférés vers les parcs régionaux d'Alghero[1].

Cette race native et indigène de la Sardaigne est indiquée comme étant rare sur DAD-IS[19]. L'étude menée par l'université d'Uppsala, publiée en pour la FAO, le signale comme race locale d'Europe en danger d'extinction[31]. On dénombre en 2013 environ 500 sujets[19] : 481 chevaux sont enregistrés en 2014[4].

L'ouvrage Equine Science (4e édition de 2012) le classe parmi les races de poneys peu connues au niveau international[32]. Un musée du Cheval de la Giara se trouve à Genoni, dans la province d'Oristano : il est voué à la préservation et à la connaissance de cette race[33],[34].

Notes et références modifier

  1. a b c d e f g h i j k et l Porter et al. 2016, p. 501.
  2. (sc) Vittorio Angius, Giovanni Spano, Ignazio Delogu et Manlio Brigaglia, Grammatica e vocabolario dei dialetti sardi, Archivio fotografico sardo, coll. « Biblioteca illustrata sarda », , 733 p., p. 200.
  3. a b c d e f g h i et j Rousseau 2016, p. 119.
  4. a b c d e et f Morelli et al. 2014, p. 8242.
  5. a b c et d Dattilo 1998.
  6. a et b (en) Valerie Porter et Ian Lauder Mason, Mason's world dictionary of livestock breeds, types, and varieties, CABI Publishing Series, (ISBN 9780851994307, lire en ligne), p. 181.
  7. a et b (it) Giovanni Spano, Vocabulario Sardo-Italiano e Italiano-Sardo, Dalla Tipografia nazionale, , p. 13.
  8. a et b (sc) Max Leopold Wagner, Dizionariu Etimologico Sardo, Université de Heidelberg, .
  9. DAD-IS id-DAD-IS.
  10. (en) Bonnie Lou Hendricks, International Encyclopedia of Horse Breeds, Norman, University of Oklahoma Press, , 2e éd., 486 p. (ISBN 0-8061-3884-X, OCLC 154690199), p. 454Voir et modifier les données sur Wikidata.
  11. a b c et d (it) « Cavallino della Giara », sur Agraria.org (consulté le ).
  12. a et b Porter et al. 2016, p. 450.
  13. a b c d e et f Ravazzi 2002, p. 75.
  14. Swinney 2014.
  15. a et b Menardi 2020.
  16. a et b Morelli et al. 2014, p. 8255.
  17. (it) F. Cetti, « I Quadrupedi di Sardegna », dans Storia Naturale di Sardegna, Nuoro, Ilisso Biblioteca Sarda, .
  18. (it) Giuseppe Blasi, « Disciplinare del Registro Anagrafico delle razze Equine ed Asinine a limitata diffusione », .
  19. a b c d e et f DAD-IS.
  20. (it) « Cavallino della Giara », sur www.sardegnaagricoltura.it, Sardegna Agricoltura (consulté le ).
  21. a b c d et e (it) « Cavallino della Giara », dans Registro Anagrafico delle razze Equine ed Asinine a limitata diffusione, Associazione italiana Allevatori, (lire en ligne), p. 9.
  22. (en) A. Scala et M. Cancedda, « Factors affecting the survival of" wild" horses on the Giara tableland (Sardinia): endoparasitic diseases », Atti del Convegno Nazionale: Ecopatologia della Fauna Selvatica, Bologna, Italy, 15-17 dicembre 1994.,‎ , p. 111-117.
  23. (en) A. Scala et M. Cancedda, « Fascioliasis in Giara (Sardinia) horses. Parasitological and anatomic-hispatological findings », Atti della Societa Italiana delle Scienze Veterinarie (Italy),‎ .
  24. (en) M. Cancedda, « Social and behavioral organization of horses on the Giara (Sardinia): distribution and aggregation », Bollettino della Societa italiana di biologia sperimentale, vol. 66, no 11,‎ , p. 1089-1096.
  25. (en) B. Floris, P. P. Bini et P. Nuvole, « Seasonal changes in blood testosterone in the Giara horse », Bollettino della Societa italiana di biologia sperimentale, vol. 65, no 8,‎ , p. 735-741.
  26. a b et c (en) Irene Cardinali, Hovirag Lancioni, Andrea Giontella et Marco Rosario Capodiferro, « An Overview of Ten Italian Horse Breeds through Mitochondrial DNA », PloS One, vol. 11, no 4,‎ , e0153004 (ISSN 1932-6203, PMID 27054850, PMCID 4824442, DOI 10.1371/journal.pone.0153004, lire en ligne, consulté le ).
  27. Morelli et al. 2014, p. 8251.
  28. G. Lubas, B. Gugliucci, G. Mengozzi et T. Berardinis, « Genetic markers in the blood of four Italian horse breeds », Animal Blood Groups and Biochemical Genetics, vol. 15, no 2,‎ , p. 133–135 (ISSN 0003-3480, DOI 10.1111/j.1365-2052.1984.tb01108.x, lire en ligne, consulté le ).
  29. (en) Christian Huyghe, Alex De Vliegher, Bert Van Gils et Alain Peeters, Grasslands and herbivore production in Europe and effects of common policies, Éditions Quae, (ISBN 978-2-7592-2156-1 et 2-7592-2156-3, OCLC 893788969, lire en ligne), p. 187.
  30. Morelli et al. 2014, p. 8241.
  31. (en) Rupak Khadka, « Global Horse Population with respect to Breeds and Risk Status », Uppsala, Faculty of Veterinary Medicine and Animal Science - Department of Animal Breeding and Genetics, , p. 59 ; 65.
  32. (en) Rick Parker, Equine Science, Cengage Learning, , 4e éd., 608 p. (ISBN 1-111-13877-X), p. 63Voir et modifier les données sur Wikidata.
  33. (it) « Museo Del Cavallino Della Giara », sur P.AR.C Genoni (consulté le ).
  34. (it) « Benvenuti al Civico Museo del Cavallino della Giara », sur Museo del Cavallino della Giara (consulté le ).

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

Filmographie modifier

  • Rolando Menardi (trad. de l'allemand), « La harde sauvage – Libres chevaux de Sardaigne » [« Pferde im Sturm – Das wilde Herz Sardiniens »], Voyages et découvertes, giara di Gesturi (it), Arte « Nature et animaux »,‎ (résumé, lire en ligne [vidéo])

Articles connexes modifier

Liens externes modifier