Hôtel de Beauvais

hôtel particulier dans le 4e arrondissement de Paris
Hôtel de Beauvais
Cour et façade intérieures de l'hôtel de Beauvais vues du péristyle de l'entrée.
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L’hôtel de Beauvais est un hôtel particulier situé au 68, rue François-Miron, dans le 4e arrondissement de Paris, édifié à partir de 1655 dans le quartier du Marais. Il abrite la Cour administrative d'appel de Paris. Il est classé au titre des monuments historiques en 1966[3].

Les fondations gothiques modifier

À Paris, une maison est donnée à l'abbaye de Chaalis en 1243 par une dame du nom d'Éloïse de Palaiseau. Elle possédait deux corps de logis, dont l'un était appelé « l'hôtellerie du Faucon ». Début XIIIe siècle, les abbés de Chaalis font construire, sur l'emplacement actuel de l'hôtel, leur « maison de ville », bâtie à l’emplacement de cette ancienne maison médiévale dont il reste de belles caves gothiques sous le fond de la cour de l'hôtel de Beauvais, datée du xve siècle. Des modifications architecturales ont été apportées au XVIIIe siècle par Robert de Cotte puis Jean-Baptiste de Beausire.

L’hôtel particulier de Cateau la Borgnesse modifier

Gravure de Jean Marot montrant la façade d'origine de l'hôtel (1660)[4] et son registre décoratif[5].
Plan de l'hôtel dont la cour trop petite pour les manœuvres des carrosses, est percée de deux portails cochers.

Propriété de l’épouse de Nicolas Fouquet, surintendant des finances, cette demeure fut cédée, le , à Pierre de Beauvais. Il fit agrandir le domaine en achetant une maison contiguë. Cette maison de ville cède la place à un hôtel de prestige construit à partir de 1654 par Antoine Le Pautre, premier architecte du Roi, pour Catherine Bellier, épouse de Pierre de Beauvais et première femme de chambre de la reine Anne d’Autriche, pour service rendu. Surnommée Cateau la Borgnesse à cause de son œil divergent, cette roturière choisie pour sa laideur (afin que le roi ne s'éprenne pas d'elle) aurait, sur ordre de la reine, dépucelé le jeune Louis XIV alors âgé de 14 ans[6]. Elle en garda le privilège de figurer sa vie durant, parmi les premières personnes qui assistaient au lever du roi (donc avant les princes du sang), position stratégique pour briguer des faveurs, et privilège envié.

Catherine Bellier était sans doute très proche d'Anne d'Autriche puisque c'est elle qui lui administrait ses clystères, les lavements, traitements médicaux usuels à l'époque. Outre le don d'une partie de terrain sur lequel s'élèvera l'hôtel particulier par Fouquet pour lequel elle joue les espionnes, elle bénéficie de l'arrangement de son mariage avec un marchand drapier anobli. Assez riche toutefois puisque jouissant d'un privilège qui lui permettait de toucher une redevance sur les cadeaux qui entraient et sortaient du château de Versailles elle finit misérablement sa vie ruinée par le jeu et quelques gigolos. Réputée extrêmement laide et avare, il semblerait qu'elle réussît à récupérer sur ordre du roi des pierres destinées à la façade du Louvre et fait concevoir dès le départ son hôtel avec des boutiques en façade de façon à en percevoir les loyers.

Hôtel particulier sur rue, l'architecte est soumis aux contraintes du parcellaire médiéval dont la surface même, avec dix-sept côtés, n'est guère considérable[7]. Les appartements se développent à l'étage et à l'attique pour éviter cette promiscuité, ce qui incite Catherine Bellier, qui sait la fragilité de sa position à la cour, à faire ajouter quatre boutiques au rez-de-chaussée afin de lui assurer des revenus. Occurrence rarissime, dont le modèle est peut-être dans certains palais romains (palais Caprini), cet hôtel présente ainsi quatre arcades à boutique (surmontées d'un entresol ayant servi de logements et couronnés de mascarons qui sont des faux de 2001)[8]. Elle fait orner les métopes de la frise de la façade de têtes de lion et de têtes de bélier, celles-ci se voulant emblèmes allusifs du roi et de son nom de jeune fille[9].

C'est de son balcon que la reine-mère, Mazarin et Turenne assistent, le , date de l'inauguration, à l’entrée dans Paris de Louis XIV et de Marie Thérèse pour fêter leur mariage. Françoise d’Aubigné qui s’y trouvait, vit pour la première fois de sa vie son futur mari et souverain. Le porche est surmonté des armes de France en souvenir de la journée du .

Devenir de l’hôtel de Beauvais modifier

Hôtel de Beauvais vers 1886.

Le Troyen Jean Orry achète l'hôtel de Beauvais en 1706. Depuis 1697 Orry a fait fortune dans la fourniture aux armées, avant de devenir conseiller du roi. C'est lui que Louis XIV délègue à Madrid de 1701 à 1706 pour assister le duc d'Anjou appelé sur le trône d'Espagne. C'est lui encore que Philippe V rappelle outre-Pyrénées de 1713 à 1715, pour en faire son véritable premier ministre. Son fils, Philibert Orry, naît en 1689. Protégé du cardinal Fleury sous la minorité de Louis XV, il deviendra contrôleur général des finances et surintendant des bâtiments du roi pendant une quinzaine d'années, de 1730 à 1745. Décédé en 1747 sans descendance, c'est son neveu le poète Louis Philibert Orry qui hérite de tous ses biens par substitution, biens qu'il dilapide.

En 1763, l’hôtel est loué par le comte Maximilien Emmanuel Franz van Eyck (1711-1777), ambassadeur de l'électeur de Bavière, qui y installe un tripot en application de son droit d'extraterritorialité et des plein pouvoirs du roi, donnés en . Van Eyck avait épousé Maria Anna Felicitas (1741-1764), qui était la fille du premier chancelier de Salzbourg, le comte Georg Anton Felix von Arco. La jeune femme, que le jeune Mozart aimait remarquablement et qui le lui rendait bien, mourut le .

Plaque commémorative sur le mur renard de l'hôtel.

Il y accueille pendant six mois la famille Mozart pour la première tournée parisienne de sa tournée européenne. Accompagné de son père Léopold Mozart et de sa sœur Maria-Anna, le jeune Wolfgang est alors âgé de 7 ans et est trop petit pour voir le jardin suspendu, au-dessus des stalles prévues pour dix-huit chevaux dans la cour de l’hôtel. Les Mozart sont logés au second étage du à . L'occupant des lieux fait transporter le clavecin de la comtesse dans la chambre des Mozart[10].

Saisi pendant la Révolution française (car les filles de van Eyck avaient émigré) et transformé en bureau de diligences, l'hôtel est ensuite loué et modifié pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Christine de Suède y séjourna durant son exil[réf. nécessaire].

Lors de sa visite officielle à Paris, le roi Pierre Ier de Serbie, en , réclama de visiter l'hôtel de Beauvais. Il y fut accueilli par des locataires enthousiastes et applaudi aux fenêtres [source?].

Eugène Atget a réalisé une série de clichés de l’hôtel de Beauvais en 1902.

Acheté 200 000 francs par la mairie de Paris en 1943 à la famille Simon dans le cadre de la spoliation des familles juives (le jeune Morejno Simon, né le , est déporté en 1942 vers Auschwitz ou il est assassiné par les nazis dès son arrivée, le ), il devient à la Libération un immeuble de logements locatifs, couvert par la loi de 1948, occupé jusqu'en 1985/1986. Il est alors laissé quasiment à l'abandon et fait l'objet de nombreux projets, dont celui d'un institut des parfums de France.

L’hôtel de Beauvais aujourd’hui modifier

Cour ovale de l'hôtel de Beauvais formant un portique avec pilastres et mascarons[11] sous les œils-de-bœuf. Les frises sont ornées d'une alternance de têtes de lion (symboles du roi) et de têtes de bélier (ces dernières se voulant emblèmes allusifs au nom de jeune fille de la maîtresse de maison).

Après avoir été restauré, sous la direction de Bernard Fonquernie architecte en chef des monuments historiques, et remis dans son état initial par la suppression des découpes d’étage destinées à améliorer la rentabilité locative il accueille depuis 2004 la Cour administrative d’appel de Paris.

Les contraintes du terrain exigu, à quinze côtés, donnent un caractère insolite à cet hôtel. Le terrain de forme irrégulière a imposé un plan original, notamment à la cour semi-ovale. Les 5 portes à mascarons, petits masques décoratifs, correspondent aux anciennes écuries. L'escalier en pierre et à rampe en fer forgé est aussi remarquable. On peut également remarquer la porte principale avec son dessin courbe et sa porte plus petite réservée aux piétons.

Dans son Cours d'architecture, ou Traité de la décoration, distribution et construction des bâtiments : contenant les leçons données en 1750 et les années suivantes Tome 3. Jacques-François Blondel (1705-1774) fait une analyse architecturale de L’hôtel de Beauvais (page 444 et suivantes)

Il existe sous la cour, entièrement construite sur les voûtes, des caves ayant été vidées de leur gravats dans les années 1970 par les bénévoles de l'association du Paris Historique et du Festival du Marais qui avait ses locaux au rez-de-chaussée et au premier étage. En 1974, ces caves gothiques ont servi de lieu de spectacle (café théâtre) pour la première fois dans le cadre du Festival du Marais, après une restauration sommaire et provisoire. Une seconde série de caves gothiques, actuellement inaccessibles depuis la rénovation de l'hôtel, auraient permis une communication avec celles d'un immeuble de la rue de Jouy, face à l'hôtel d'Aumont. Sous la cour existe une vaste salle ou subsistent les restes d'un autel, vestige sans doute des occupants ecclésiastiques des locaux précédents.

« Des intérieurs ne subsistent que quelques rares épaves du XVIIIe siècle, conservées dans les pièces des combles, ainsi que d'intéressants vestiges du Premier Empire, glaces, cheminées, pilastres[12] ».

Du fait de sa conformation et de sa cour en forme de théâtre, l'hôtel de Beauvais apparaît dans de nombreux films français, notamment La Banquière (1980) avec Romy Schneider ou Camille Claudel (1988) avec Isabelle Adjani, ainsi que dans L'Insoutenable Légèreté de l'être (1988) du réalisateur américain Philip Kaufman.

Accès modifier

Ce site est desservi par la station de métro Saint-Paul.

Notes et références modifier

  1. Coordonnées trouvées sur Géoportail, OpenStreetMap et Google Maps
  2. « Hôtel de Beauvais », notice no PA00086277, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Notice no PA00086277, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  4. Cette gravure représente l'Entrée royale du roi Louis XIV avec sa jeune épouse Marie-Thérèse le 26 août 1660. La reine-mère Anne d’Autriche, Mazarin, la reine d’Angleterre, et les plus hauts personnages de la cour saluent le cortège royal depuis le balcon qui donne sur la rue.
  5. Ce registre décoratif, d'inspiration Renaissance, prend trois voies principales : la sculpture (balustrades des balcons, consoles, mascarons, fronton portant les armoiries de France et surmonté de deux anges assis sur les rampants), le jeu du bossage (chaînes de bossage dans l'avant-corps central et les extrémités), les ordres d'architecture (pilastres ioniques et corinthiens s'enlèvent sur un rez-de-chaussée à bossage dorique).
  6. Jean Paul Crespelle, Promenons-nous dans Paris, Hachette, , p. 37
  7. De l'hôtel de Beauvais à la cour administrative d'appel de Paris, Ministère de la culture, , p. 72.
  8. Alexandre Gady, Les hôtels particuliers de Paris : du Moyen-Âge à la Belle Époque, Parigramme, , p. 56.
  9. Bernard Champigneulle, Paris : architectures, sites & jardins, Seuil, , p. 44
  10. Alexandre Gady, Le Marais : guide historique et architectural, Le Passage, , p. 40.
  11. Celui du centre représente un faune, celui de droite Catherine Bellier et celui de gauche représenterait Anne d'Autriche.
  12. Alexandre Gady, Le Marais : guide historique et architectural, Carré, , p. 66.
  13. Œuvres du maître menuisier Étienne Carel, ces vantaux sont ornés en partie basse de panneaux octogonaux en pointe-de-diamant, et en partie haute d'une frise de postes, et de médaillons en profil à l'antique. Le linteau est orné d'une guirlande de feuilles de chêne et de glands.
  14. Pour les noms de Pierre Beauvais, Catherine-Henriette Bellier.
  15. Il se développe autour d'un jour central (escalier à vide central , « à la moderne ») soutenu par deux groupes de colonnes accouplées corinthiennes. Grâce aux progrès de la stéréotomie des voûtes en pierre surbaissées, les appareilleurs peuvent faire reporter les charges sur les murs de la cage et libérer le centre qui s'évide, construisant un escalier entièrement suspendu. Les murs, voussures et sous-faces des volées sont richement ornés de putti, sphinges, têtes de béliers, trophées, guirlandes, festons, mascarons et monogramme des Beauvais (sculptures dues à Martin Desjardins). Cet escalier ne dessert que le premier étage et donne accès à un vestibule implanté dans l'axe général de la composition. cf. De l'hôtel de Beauvais à la cour administrative d'appel de Paris, Ministère de la culture, , p. 32.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • L'Hôtel de Beauvais. Cour administrative d'appel de Paris, hors-série de Connaissance des arts, 2004 (ISSN 1242-9198)
  • Jean Marot, Daniel Marot, L'Architecture française, ou Plans... des églises, palais, hôtels et maisons particulières de Paris, planches 43 à 45, P.-J. Mariette (voir)
  • Bernard Fonquernie, Thomas Berthod, L'Hôtel de Beauvais, Artelia, 2019, 200 p.

Article connexe modifier

Liens externes modifier

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