Histoire du féminisme rural au Québec

Le féminisme rural au Québec emerge dans les années 1950 au sein des agricultrices du Quebec, pour se developper dans la seconde moitié du XXeme siècle.

Histoire modifier

Avant 1950 modifier

Le féminisme rurale demarre dans les années 1950 au Québec avec l'emergence d'une prise de conscience des enjeux liés aux droits des femmes. Comme le travail agricole des femmes était alors vu comme une prolongation naturelle du rôle de la femme à la maison[1], leurs droits au travail n'étaient que peu reconnus avant les années 1950. L’industrialisation du XIXe siècle a un grand impact sur le milieu agricole. L'introduction de la machinerie requerant de la force physique et de l'habiletés techniques, l’agriculture se masculinise. Dans les années 1911 à 1941, les femmes représentaient seulement 1.2 % de la main d'œuvre agricole[2].

Années 1950 et 1960 modifier

A partir de 1951, la proportion des femmes en agriculture double tous les 10 ans pendant deux décennies[2]. Au fil des années, les agricultrices prennent peu à peu conscience de leur « valeur économique ». La revendication première des agricultrices était alors la rémunération de leur travail, comme aucun salaire n'était encore prévu pour le travail agricole exécuté par les femmes à cet époque. En effet, les statistiques et les études portant sur le travail agricole ne considérait pas le travail des femmes[3], même si, en 1982, il est reconnu que plusieurs tâches importantes, comme la laiterie, étaient, étaient exécutées principalement par celles-ci[4]. En effet, les femmes avaient beau occuper un rôle actif de l’élevage au travail de champ, celui-ci n'était peu reconnu à l’époque, et donc non rémunéré[3].

Les Cercles des fermières du Québec sont des associations qui ont œuvré de 1915 à 1945 spécifiquement dans le but de faire valoir l’apport des femmes dans le milieu agricole. Bien que ces organisations, fondées en 1915, ne puissent être définies comme explicitement féministes, elles ont comme but l'amélioration des conditions de vie des femmes travaillant dans les fermes. Dans les années où tout était à faire en termes de conditions de travail pour les femmes, ces organisations a su militer publiquement pour la valeur économique de la femme, son statut de salariée, son environnement de travail et bien d'autres enjeux[5]. Avant 1964, année d’adoption de la loi sur la capacité juridique de la femme pilotée par Marie-Claire Kirkland, les femmes mariées étaient dans l’impossibilité de gérer leurs propres biens et donc, encore moins de démarrer et gérer une exploitation agricole. La femme était vue comme « la collaboratrice » au métier d’agriculteur de son mari, ce qui était évident comme leur statut juridique limitait drastiquement leurs prises de décisions économiques, leur accès à la formation agricole et leur accès à la propriété. Or, à partir des années 50, les femmes revendiquent maintenant le modèle « d’associée » et exigent que leur travail cesse d’être invisibilisé[6]. Par exemple, dans les années 60, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFÉAS), (fondée en 1966) une organisation principalement formée de femmes considérées « collaboratrices » à l'entreprise que gère leur mari, travaillera à la promotion de l'autonomisation des femmes et de leur intervention plus active dans leur milieu[7].

La loi de 1964 ouvre la porte à une plus grande autonomie des femmes dans la gestion de leurs biens, mais également dans la prise de décisions en lien avec leur métier d’agricultrice. Malgré tout, la rémunération demeure un enjeu, car on clame que le salaire devrait être calculé en fonction de la force physique des travailleurs et donc, qu’il est normal que le salaire des hommes exerçant les mêmes tâches soit supérieur. De plus, les conditions de travail sont souvent mauvaises et dangereuses dans le secteur agricole, autant pour les hommes que pour les femmes. En effet, à l'époque il n'existe pas de lois sur la santé et la sécurité au travail[1]. Aussi, les administrateurs de sociétés agricoles embauchaient ouvertement les femmes en se basant sur l'idée que celles-ci acceptaient de travailler pour un moindre coût, se plaignaient moins et travaillent de plus longues heures[1].

Années 1970 modifier

À partir des années 1970, des regroupements comme l'association féminine d'éducation et d'action sociale, ainsi que le Comité provincial des femmes en agriculture et la Fédération des agricultrices du Québec, militent afin d’augmenter la reconnaissance de la contribution des femmes au domaine agricole et de favoriser l’accès à la propriété, de meilleures conditions de travail et permettre une meilleure conciliation travail-famille pour les agricultrices[8], dans un contexte de forte hiérarchisation sexuée et la faible représentation des agricultrices dans les organismes de gouvernance.

La fédération des agricultrices du Québec est un regroupement de syndicats exclusivement féminins agissant comme lobby dans les décisions touchant le secteur agricole et la condition féminine. Elle peut être considérée féministe, car ayant usé de son influence pour obtenir plusieurs avancées pour les femmes agricultrices, comme des congés parentaux pour les travailleuses autonomes, un accès facile à la propriété pour les femmes agricultrices et la mise en place de services pour la santé psychologique des travailleuses agricoles[9].

Années 1980 et 1990 modifier

En 1980, un nouveau genre de féminisme apparaît: le féminisme territorial. Au Québec, il se concentre sur les enjeux spécifiques aux femmes vivant en milieu rural. Il vise à sensibiliser et à défendre des politiques pour améliorer leur vie, en mettant en lumière leurs contributions à l'économie rurale et en abordant des problématiques telles que l'accès limité aux services de santé et l'isolement social[10].

En 1989, les femmes travaillant aux côtés de leur mari sont reconnues par la loi comme salariées[11].

Dans les années 90, les femmes revendiquent un autre droit : celui de l'accès à la propriété. En effet, les agricultrices ont longtemps eu seulement le mariage comme porte d’entrée vers le monde agricole[8].  Grâce aux nombreuses luttes menées par différents groupes, dont celles pour l’équité salariale et la reconnaissance du travail des femmes sur les fermes, de plus en plus de femmes sont devenues propriétaires et ont eu la possibilité de s’engager seules en agriculture, par elles-mêmes. En effet, de 1983 à 1994, la proportion de femmes détenant des titres de propriété parmi l’ensemble des agricultrices est passée de 21 % à 46 %[8]».

Années 2000 modifier

Au tournant des années 2000, les luttes pour les femmes travaillant en milieu rural se concentrent sur la reconnaissance de l’importance du rôle des femmes et sur l’obtention de leurs multiples demandes. Parmi celles-ci, figure celle du droit d’obtenir des congés parentaux.

Grâce au groupe de pression de 2006 à 2008 ou le « lobby visant à ce que les Agricultrices aient le droit d’obtenir des congés parentaux (Régime québécois d'assurance parentale)[11]. », les agricultrices acquiérent le droit aux congés parentaux avec toutes les travailleuses autonomes. Finalement, en 2008, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) publie l’étude «Les Agricultrices du Québec : qui sont-elles?», une importante étude faite en collaboration avec la Fédération des agricultrices du Québec, dans le but de mieux connaître les préoccupations et les besoins de celles-ci concernant la conciliation travail-famille[12].

Références modifier

  1. a b et c Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, Place aux femmes dans l'agriculture, Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, , 234 p. (ISBN 0662941160), p.118
  2. a et b Lucie Desrochers, Oeuvre de femmes, 1860-1961, Québec, Les publications du Québec, , 207 p. (ISBN 9782551195992), p.150
  3. a et b Francine Barry, Le Travail de la femme au Québec : l'évolution de 1940 à 1970, Presses de l'Université du Québec, coll. « Histoire des travailleurs québécois », , 124 p. (ISBN 978-0-7770-0195-0)
  4. Rose-Marie Lagrave, « Femme et terre », PENELOPE pour l'histoire des femmes, no 7,‎ , p. 80
  5. Les cercles des fermières du Québec, « Les cercles des fermières du Québec », sur Les CFQ, (consulté le )
  6. Rose-Marie Lagrave, Celles de la terre : agricultrice, l'invention politique d'un métier, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Recherches d'histoire et de sciences sociales », (ISBN 978-2-7132-0890-4)
  7. Violette Brodeur, Suzanne G. Chartrand, Louise Corriveau et Béatrice Valay, « Le mouvement des femmes au Québec: études des groupes montréalais et nationaux », Centre de formation populaire,‎ , p. 25 (lire en ligne [PDF])
  8. a b et c Nathalie Bissonnette, « La relève agricole féminine au Québec : Remuer ciel et terre », Le Conseil du Statut de la femme,‎ , p. 12 (lire en ligne [PDF])
  9. Agricultrices du Québec, « Qui sommes-nous? »
  10. Marie-Lise Semblat, « L’émergence du « féminisme territorial » : développement local et pratiques collectives de femmes rurales », Économie et Solidarités, vol. 43, nos 1-2,‎ , p. 39–54 (ISSN 1923-0818, DOI 10.7202/1033274ar, lire en ligne, consulté le )
  11. a et b « Femmes en agriculture »
  12. Alexandra Poiré et Lucie Jean, « Les agricultrices du Québec : Qui sont-elles? », MAPAQ,‎ (lire en ligne)

Articles connexes modifier