Histoire militaire des Afro-Américains pendant la guerre du Viêt Nam

Les Afro-Américains ont joué un rôle de premier plan dans la guerre du Vietnam[1]. La guerre du Viêt Nam fut la première guerre américaine dans laquelle les troupes noires et blanches n'étaient pas formellement séparées[2] bien qu'une ségrégation de facto eut toujours lieu malgré la promulgation différentes lois fédérales comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégationnistes sur l'ensemble des États-Unis[1].

Un soldat de la 25e division d'infanterie balaye une ligne d'arbres avec une mitrailleuse M60 pendant l'opération Cedar Falls en 1967

Mobilisation

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Les afro-américains étaient plus susceptibles d'être appelés à servir sous les drapeaux que les Américains blancs. Bien qu'ils représentaient 11 % de la population américaine en 1967, les Afro-Américains représentaient 16,3 % de tous les appelés du contingent[2]. La majorité des Afro-Américains appelés du contingent n'étaient pas conscrit et 70 % des appelés afro-américains étaient exemptés de service militaire[1]. Le "Project 100,000", qui contribua à accroître considérablement la présence de troupes américaines au Viêt Nam de 23,300 en 1965 à 465,600 deux ans plus tard, augmenta fortement le nombre de troupes afro-américaines enrôlées. En abaissant le niveau d'éducation requis, environ 40 % des 246 000 appelés étaient afro-américains. Certains militants américains ont émis l'hypothèse que l’implémentation incohérente du projet de mobilisation était une forme de génocide noir. Les Afro-Américains furent nettement sous-représentés au sein des conseils de révision à cette époque, aucun d'eux n'étaient inclus dans ceux de Louisiane, du Mississippi, de l'Alabama ou de l'Arkansas. En Louisiane, Jack Helms, un grand sorcier du Ku Klux Klan, siégea au conseils de révision de 1957 à 1966[3]. En 1966, 1,3 % des membres des conseils de révision étaient afro-américains. En 1970, le nombre est passé de 230 à 1 265, bien que cela ne représente encore que 6,6 % de tous les membres du conseils de révision[4].

Affectations

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Les membres du 2e peloton, compagnie A, 1er bataillon, 50e régiment d'infanterie (mécanisé), mettent en position une mitrailleuse M-60 au cours d'une mission de recherche et destruction
Compagnie D, 1er Bataillon de police militaire des Marines garde le pont Cam Le

Parmi toutes les branches de l'armée, les Afro-Américains représentaient 11 % de toutes les troupes. Cependant, un faible nombre d'Afro-Américains furent nommés officiers : 5 % des officiers de l'armée[1] et 2 % dans toutes les branches[2]. Les troupes afro-américaines étaient plus susceptibles d'être affectées à des unités de combat : 23 % de ces troupes au Vietnam étaient noires[2]. Le racisme à l'encontre des Afro-Américains était particulièrement prononcé dans la Marine. Seuls 5 % des marins étaient afro-américains en 1971 et moins de 1 % des officiers de la marine étaient afro-américains[5].

Discrimination

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Le racisme manifeste était typique dans les bases américaines du Vietnam. Après l'assassinat de Martin Luther King Jr., certaines troupes blanches de la base de Cam Ranh portèrent des robes du Ku Klux Klan, défilèrent autour de la base[3],[6] et édifièrent une croix enflammée[7]. En écho, la base aérienne de Da Nang a battu le pavillon confédéré pendant trois jours[7],[3]. Des drapeaux et des symboles confédérés étaient couramment peints sur des jeeps, des chars et des hélicoptères ; les graffitis de la salle de bain proclamaient que les Afro-Américains, et non les Vietnamiens, étaient le véritable ennemi. Les troupes afro-américaines n'étaient pas encouragées à être fières de leur identité, un soldat ayant reçu l'ordre de retirer une affiche «Black is beautiful» (Noir est beau) de son casier[3]. Les publications et les discours sur l'identité des Afro-Américains étaient limités, certains commandants interdisant l'écoute des discours de Malcolm X ou la lecture du journal The Black Panther[6].

La culture et les coutumes afro-américaines n'étaient pas non plus initialement reconnues sur les bases. Les troupes afro-américaines n'avaient pas accès aux produits de soins pour leurs cheveux, aux cassettes de musique soul, ni aux livres ou magazines sur la culture et l'histoire afro-américaines. Au lieu de cela, le réseau de radio des forces armées diffusait principalement de la musique country. Les coiffeurs militaires n'avaient souvent aucune expérience sur la coupe de cheveux noirs et n'avaient reçu aucune formation officielle sur la façon de le faire[3].

Les Forces Armées prirent des mesures pour que les troupes afro-américaines se sentent plus incluses, notamment en ajoutant de la musique plus diverse dans les juke-box, en embauchant des groupes et des danseurs afro-américains pour des événements divers et en faisant venir des artistes afro-américains pour jouer, tels que James Brown, Miss Black America (en) et Miss Black Utah. Les magasins des bases militaires ont commencé à stocker des produits de soins capillaires noirs et des vêtements comme des dashikis, tandis que des livres sur la culture et l'histoire des Afro-Américains furent ajoutés aux bibliothèques des bases. En 1973, les coiffeurs militaires furent formés pour couper les cheveux noirs. Un bon nombre de ces changements furent mis en place vers la fin de la guerre lorsque le nombre de militaires était considérablement réduit, ce qui signifie qu'une majorité de troupes afro-américaines qui ont servi pendant la guerre du Vietnam n'ont pas pu bénéficier de ces réformes[6].

Résistance interne

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Les tensions raciales créèrent des conflits internes, amenant parfois les soldats noirs à refuser de se battre. Un exemple de ce type d'incidents se produit près de la vallée d'A Sầu (en) où quinze soldats afro-américains refusèrent de se présenter pour une patrouille de combat le lendemain d'une dispute. Près de 200 soldats noirs emprisonnés à la prison militaire de Long Bình déclenchèrent une grève du travail pendant plus d'un mois après une émeute. Dans un autre incident, une émeute raciale s'est produite sur l'USS Kitty Hawk (en), car le navire fut contraint d'annuler son voyage de retour et de retourner au Vietnam. Des marins noirs et blancs se battirent avec des chaînes et des tuyaux, entraînant l'arrestation de vingt-cinq marins noirs, mais aucun blanc. Sur l'USS Constellation, des marins afro-américains se sont organisés pour enquêter sur l'application de sanctions non judiciaires parmi les marins blancs et noirs. Six des organisateurs finirent leur service avec des primes minimums et des rumeurs selon lesquelles jusqu'à 200marinsafro-américains recevraient la même peine circulaient. Le , environ 100marins noirs et quelques marins blancs organisèrent un sit-in sur le pont du navire. Beaucoup de dissidents furent réaffectés, et quelques-uns réformés de leur obligations militaires[5].

Plusieurs troupes noires ont déserté leurs postes. Quelques-uns furent introduits clandestinement par l'URSS en Suède, tandis que jusqu'à 100 vivaient dans une région de Saigon connue sous le nom de Soul Alley[3].

Solidarité

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Les mouvements de solidarité de l'identité noire au sein des troupes de guerre du Vietnam augmentèrent au fil du temps, les troupes noires se faisant appeler « Bloods » (Sangs). Ils se distinguèrent en portant des gants et des amulettes noirs, ainsi que des bracelets en lacets de bottes. Les poignées de main "Dap", ou poignées de main ritualisées complexes, sont originaires des troupes noires de la guerre du Vietnam. Le Dap variait selon les unités. Les troupes noires et les officiers se reconnaissent en public avec le salut Black Power, le poing levé[3].

Le Front de Libération des Noirs des Forces Armées était un groupe de solidarité noir formé par Eddie Burney. En 1971, Burney et d'autres troupes noires stationnées au Vietnam organisèrent une manifestation en réponse à l'assassinat de Martin Luther King Jr. Au sein de l'US Air Force, au moins vingt-cinq groupes de solidarité noirs s'étaient formés en 1970, dont beaucoup étaient basés aux États-Unis. Un autre groupe se forma sur l'USS Constellation, connu sous le nom de The Black Fraction[5]. Les autres groupes qui se sont formés comprenaient Blacks In Action, Unsatisfied Black Soldier (soldat noir insatisfait), Ju Jus et Mau Maus, tous étaient semi- militants[3].

Sanctions et taux de victimes

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Marines tirant des obus de mortier

Les troupes afro-américaines étaient sanctionnées plus sévèrement et plus fréquemment que les troupes blanches. En effet, une étude du département de la Défense des États-Unis publiée en 1972 révéla que les troupes afro-américaines constituaient 34,3 % des cas de cours martiales, 25,5 % des sanctions non judiciaires et 58 % des prisonniers de la prison militaire de Long Binh Post (en)[1]. Ce rapport remarque qu' « Aucun commandement ou installation... n'est entièrement exempt des effets de la discrimination systématique contre les militaires des minorités »[5]. Les troupes afro-américaines étaient également presque deux fois plus susceptibles que les troupes blanches de recevoir une réforme punitive[5].

Pendant la guerre du Viêt Nam, les troupes afro-américaines ont initialement un taux de victimes beaucoup plus élevé que les autres ethnies[1], bien que celui-ci ait quelque peu diminué tout au long du conflit. En 1965, près d'un quart des soldats blessés étaient afro-américains. En 1967, il était tombé à 12,7 %[2]. Au total, 7 243 Afro-Américains sont morts pendant la guerre du Viêt Nam, ce qui représente 12,4 % du total des victimes[8].

Après la guerre

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Les anciens combattants noirs de la guerre du Vietnam étaient deux fois plus susceptibles que les anciens combattants blancs de souffrir du syndrome de stress post-traumatique, leur prévalence étant de 40 %[3]. Les raisons de la disparité de la prévalence du trouble de stress post-traumatique (TSPT) pourraient inclure la discorde sociale et raciale pendant la guerre, le racisme institutionnel au sein de l'armée et le racisme après la guerre. Les troupes afro-américaines étaient également plus susceptibles que les troupes blanches de s'identifier au peuple vietnamien en tant que groupe défavorisé et non blanc. De plus, les troupes noires étaient moins susceptibles de rationaliser la violence brutale employée contre les Vietnamiens et étaient beaucoup plus perturbées par celle-ci que les troupes blanches. Il a été suggéré que les troupes blanches étaient plus capables de déshumaniser les Vietnamiens que les troupes noires[9].

Les anciens combattants afro-américains étaient beaucoup moins susceptibles d'écrire des mémoires sur leurs expériences. Un article de 1997 a noté que, sur près de 400 mémoires de ce type par des participants à la guerre du Viêt Nam, sept seulement étaient des vétérans afro-américains (moins de 2 %)[10] :

  • (en-US) David Parks, GI Diary, New York, Harper & Row, Publishers, , 133 p. (OCLC 925988215),
  • (en-US) Samuel Vance, The Courageous and the Proud, New York, W. W. Norton & Company, , 176 p. (ISBN 9780393074444, lire en ligne),
  • (en-US) Terry Whitmore, Memphis, Nam, Sweden: The Story of a Black Deserter, Jackson, Mississippi, University Press of Mississippi, 1971, rééd. 1 février 1997, 212 p. (ISBN 9780878059843, lire en ligne),
  • (en-US) Fenton A. Williams, Just Before the Dawn: A Doctor's Experiences in Vietnam, Exposition Press, , 127 p. (ISBN 9780682473668),
  • (en-US) James A. Daly, A Hero's Welcome: The Conscience of Sergeant James Daly Vs. the United States Army, MacMillan Publishing Company, 1975, rééd. 1 octobre 1999, 288 p. (ISBN 9780672520303),
  • (en-US) Norman A. McDaniel, Yet Another Voice, Hawthorn Books, , 114 p. (ISBN 9780801589980),

James A. Daly et Norman A. McDaniel[11] étaient tous deux prisonniers de guerre, publiant leurs mémoires respectifs dans les deux ans suivant leur libération[10]. Parmi les travaux respectifs de Daly et Whitmore, le professeur de littérature américaine contemporaine Jeph Loeb a écrit : « ... leur qualité globale, leur perspective et leur degré d'auto-réflexion auraient dû, à mon avis, leur faire depuis longtemps une place parmi les meilleurs livres sur le Vietnam par des vétérans, blancs ou noirs, ainsi que de les avoir fermement installés parmi les œuvres autobiographiques afro-américaines contemporaines. Le triste fait est, cependant, que non seulement ces livres sont à peine mentionnés dans les ouvrages critiques, mais que les deux ont été autorisés à être en rupture de stock, bien que Whitmore ait récemment été réédité »[12].

Décorations et reconnaissance

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Des recherches ont été effectuées pour savoir si les troupes noires étaient moins susceptibles d'être nommées pour une médaille d'honneur (medal of honor) que les troupes blanches. Sur 3 500 récipiendaires, seuls 92 étaient Afro-Américains. En 2019, le plus récent récipiendaire Afro-Américain de la médaille d'honneur au titre de la guerre du Vietnam était John L. Canley (en), qui reçut sa médaille en 2018[13]. Vingt-deux hommes noirs ont reçu la médaille d'honneur pour leurs actions au cours de la guerre du Viêt Nam[14] :

Notes et références

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  1. a b c d e et f (en) Lily Rothman, « 50 Years Ago This Week: Vietnam and the Black Soldier », Time,‎ (lire en ligne).
  2. a b c d et e (en) Gerald F. Goodwin, « Black and White in Vietnam », The New York Times,‎ (lire en ligne).
  3. a b c d e f g h et i (en) James Maycock, « War within War », The Guardian,‎ (lire en ligne).
  4. (en) James E. Westheider, Fighting in Vietnam: The Experiences of the U.S. Soldier, Stackpole Books, , 33-34 p. (ISBN 9780811708319, lire en ligne).
  5. a b c d et e (en) D. Cortwright, « Black GI resistance during the Vietnam war », Vietnam Generation, vol. 2, no 1,‎ (lire en ligne).
  6. a b et c (en) James E. Westheider, Fighting on Two Sides: African Americans and the Vietnam War, NYU Press, , 76-77 p. (ISBN 9780814793015, lire en ligne).
  7. a et b (en) G. Simons, The Vietnam Syndrome: Impact on US Foreign Policy, Springer, (ISBN 9780230377677, lire en ligne), p. 243.
  8. (en) « Vietnam War U.S. Military Fatal Casualty Statistics », sur National Archives, .
  9. (en) I. M. Allen, « Posttraumatic stress disorder among black Vietnam veterans », Psychiatric Services, vol. 37, no 1,‎ , p. 55-61 (DOI 10.1176/ps.37.1.55).
  10. a et b (en) J. Loeb, « MIA: African American Autobiography of the Vietnam War », African American Review, vol. 31, no 1,‎ , p. 105-123 (DOI 10.2307/3042186).
  11. (en-US) « Veteran Tributes », sur veterantributes.org (consulté le )
  12. (en-US) Jeff Loeb, « MIA: African American Autobiography of the Vietnam War », African American Review, Vol. 31, No. 1,‎ , p. 105-123 (19 pages) (lire en ligne)
  13. (en-US) « John Canley - Recipient - », sur valor.militarytimes.com (consulté le )
  14. (en) « VFW Honors African-American Medal of Honor Recipients », sur Veterans of Foreign Wars.

Voir également

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Bibliographie

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  • (en-US) Stanley Goff, Brothers, Black Soldiers in the Nam, Novato, Californie, Presidio Press, , 244 p. (ISBN 9780891411390, lire en ligne),
  • (en-US) Bernard C. Nalty, Strength for the Fight: A History of Black Americans in the Military, Free Press, 1986, rééd. 1 août 1989, 456 p. (ISBN 9780029224113, lire en ligne),
  • (en-US) James A. Daly, Black Prisoner of War: A Conscientious Objector's Vietnam Memoir, Lawrence, Kansas, University Press of Kansas, , 314 p. (ISBN 9780700610600, lire en ligne),
  • (en-US) Kai Wright, Soldiers of Freedom: An Illustrated History of African Americans in the Armed Forces, Black Dog & Leventhal, , 312 p. (ISBN 9781579122539, lire en ligne),
  • (en-US) Ed Emanuel, Soul Patrol: The Riveting True Story of the First African American LRRP Team in Vietnam, Presidio Press, presidio press, 316 p. (ISBN 9780891418177, lire en ligne),
  • (en-US) Yvonne Latty, We Were There: Voices of African American Veterans, from World War II to the War in Iraq, Amistad, mars 2004, rééd. 1 février 2005, 214 p. (ISBN 9780060751593, lire en ligne),
  • (en-US) Karin Stanford, If We Must Die: African American Voices on War and Peace, Rowman & Littlefield Publishers Inc, 2008, rééd. 1 juillet 2009, 392 p. (ISBN 9780742541146, lire en ligne),
  • (en-US) Lawrence Allen Eldridge, Chronicles of a Two-Front War: Civil Rights and Vietnam in the African American Press, Columbia, Missouri, University of Missouri Press, 18 décembre 2011, rééd. 2012, 312 p. (ISBN 9780826219398, lire en ligne),

Articles connexes

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