Ian Berzine

membre des services soviétiques d'origine lettonne
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Jānis Bērziņš ou Ian Karlovitch Berzine (en russe Ян Карлович Берзин), de son vrai nom Pēteris Ķuzis (), est un agitateur, un homme de main et un membre des services soviétiques d'origine lettonne.

Jānis K. Bērziņš
Timbre postal soviétique à l’effigie de Ian Berzine émis en 1989
Biographie
Naissance
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Jaunpils (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 48 ans)
Коммунарка (en) ou LoubiankaVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom de naissance
Pēteris ĶuzisVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Ziemilis, OlonietisVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Allégeance
Activités
Autres informations
Parti politique
Grades militaires
Général
Army Commissar 2nd rank (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conflits
Distinctions

Sous Lenine puis sous Staline, il fut tchékiste, commissaire politique de l’Armée rouge (2e rang) et directeur du service de sécurité des armées (GRU) de 1924 à 1935, puis de nouveau pendant quelques mois durant l’été 1937[note 1]. « Il a été le plus talentueux, inventif et efficace des directeurs de l’espionnage soviétique, et a été le créateur de l’officine d’espionnage la plus puissante et la plus efficace jamais connue[trad 1] ».

Ian Berzine a été aussi actif dans le domaine de la coopération secrète entre la Russie soviétique et l'Allemagne, dans les années 1928-1933.

Il a eu de nombreux pseudonymes : Starik, Papus (= le Vieux), Butler, Gall, Donizetti…

Sa biographie est imprécise, d'autant qu'il existe de nombreux militaires et hommes politiques homonymes contemporains, dont plusieurs ont été liquidés eux aussi en 1938, pendant la Grande Purge.

Jeunesse

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Dans un décor qui rappelle Crime et Châtiment (noter la femme en robe mauve derrière la porte : elle évoque Sonia Marmeladova…), arrestation d'un suspect politique. Peinture d'Ilia Répine

Issu d'une famille de paysans de Livonie, Ian Berzine (né Pēteris Ķuzis, le , à Zaube, aujourd'hui Amata en Lettonie) se destine à l'enseignement. Élève au séminaire de Kuldiga, il s’enthousiasme pour la révolution russe de 1905. Il s'associe à une bande de guérilleros (les « Frères de la Forêt ») et harcèle les troupes tsaristes venues réprimer le soulèvement. Il est blessé, pris par les Cosaques, et échappe vu son jeune âge à l'exécution sommaire. Fouetté, emprisonné, il est condamné à mort par la cour martiale de Tallin. La condamnation est commuée en déportation en Sibérie.

En Sibérie, Pēteris travaille à la pharmacie du bagne, étudie, apprend des rudiments de pharmacopée. Il est gracié au bout de 3 ans, revient en Livonie. Il rejoint les bolcheviks, milite, est arrêté à nouveau en 1911. Il s'évade d'Irkoutsk début 1914, prend une fausse identité : « Ian Karlovitch Berzine »[note 2], est brièvement enrôlé dans l'armée tsariste, déserte, entre dans la clandestinité, est ouvrier serrurier à Petrograd. Il participe activement à la Révolution d'Octobre comme membre du comité du parti bolchevik de Vyborg, puis de Saint-Pétersbourg, entre dans l'entourage de Léon Trotsky.

Agent de la Tchéka et officier de l'Armée rouge

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Ian Berzine entre à la Tchéka dès la formation par Lénine (fin ) de ce corps armé destiné à la répression des contre-révolutionnaires de toutes tendances ; son niveau d’instruction lui permet d’entrer au comité de rédaction du Bulletin de la Tchéka, qui glorifie les résultats de la lutte et désigne les objectifs.

Ian Berzine devient un des plus efficaces agents de la Terreur rouge instaurée par Lénine et les bolcheviks. À Iaroslavl, il écrase les membres du Parti socialiste révolutionnaire russe () ; contre les nombreux soulèvements populaires qui cherchent à secouer la mainmise bolchevique, il est le promoteur d'une méthode de répression efficace : la prise systématique de familles en otages et l'exécution des proches, qui brise les résistances (en particulier celle des membres des Armées vertes)[1].

Début 1919, les bolcheviks ayant occupé la Lettonie, Ian Berzine est nommé sous-commissaire de l’Intérieur à Riga, capitale de son pays natal. Mais les puissances occidentales (surtout la Grande-Bretagne) réagissent, font intervenir la Baltische Landeswehr, et les bolcheviks doivent évacuer Riga. Ian Berzine est alors commissaire politique en chef[note 3] de la 11e division d’infanterie de l'Armée rouge lettone, qui fera par la suite partie de la 15e armée soviétique et participera en à la défense de Petrograd contre l’armée blanche du Nord-Ouest de Nikolaï Ioudenitch, puis à la guerre polono-soviétique.

En , la 15e armée soviétique est anéantie lors de la bataille de Varsovie ; Ian Berzine réussit à échapper à la capture par les Polonais.

Débuts dans le renseignement militaire

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 : les soldats de l’Armée rouge, marchant sur la glace, attaquent le port de guerre de Kronstadt, occupé par les marins qui se sont soulevés

Nommé en (sur recommandation de Felix Dzerjinski, le chef de la Tchéka) officier du département de renseignement militaire de l’Armée rouge (le futur GRU), Ian Berzine se signale dès mars 21, après l’écrasement de l’insurrection de Cronstadt, par son impitoyable répression des marins mutinés : il poursuit activement les rescapés qui, fuyant à pied sur la glace, cherchent à se réfugier en Finlande, en liquide un grand nombre, et persécute leurs familles.

Ian Berzine est nommé en avril 21 chef de la Division 2 (espionnage à l'étranger), et en décembre directeur-adjoint du 4e Bureau de l’Armée rouge (il le dirigera de facto pendant 3 ans, avant d’en être nommé officiellement directeur en 1924).

Outre son action locale (demande de meilleurs salaires et de nourriture plus abondante pour ses agents, vu la famine russe de 1921-1922 – et continuation de la surveillance du moral de l’Armée rouge), Ian Berzine développe hors des frontières soviétiques un service d’espionnage extrêmement actif et structuré. Il effectue incognito (sous le pseudonyme « Butler ») plusieurs voyages à l’étranger (Grande-Bretagne, Pologne, Tchécoslovaquie, République de Weimar), et crée un réseau d’agents nombreux et efficaces en Bulgarie, Allemagne, Autriche et Italie. Ces agents, outre leurs activités d'espionnage, se consacrent aussi à la persécution des émigrés russes blancs (en particulier à Sofia, Serbie), et au soutien et au développement des PC locaux via le Komintern.

Par ailleurs, Ian Berzine instaure une coopération avec l'espionnage « civil » (la Tchéka, puis le GPU), et n'hésite pas à avancer masqué (par exemple en camouflant son action sous une manifestation caritativo-mondaine, ou une campagne de la Croix-Rouge).

Ses résultats immédiats sont cependant variables, et en particulier la mondialisation de la révolution marque le pas dès le début des années 1920 : le soulèvement de Hambourg fomenté par Radek et Zinoviev en échoue, de même que celui du [note 4]. Et une tentative de coup d'État en Estonie est un échec complet. Mais la Division 2 parvient à fournir au Kremlin un inventaire complet des flottes aériennes des principales puissances.

Directeur du GRU (d'avril 1924 à avril 1935)

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En (Lénine est mort le 24) sur recommandation du directeur Arvid J. Seybot, Ian Berzine prend le 4e Bureau de l’Armée rouge (le GRU) en main.

Il tire la leçon des échecs récents des soulèvements populaires dans les démocraties voisines[2] et, en accord avec Staline, pense que, hors des frontières de l’Union soviétique, ces énormes sacrifices en logistique et en numéraire n'ont amené qu'à créer au Komintern une classe de parasites attendant les subsides du GRU[3]. Il juge bien plus utile de créer dans les pays voisins des « résidences » : des officines qui, camouflées en respectables institutions ou firmes commerciales, infiltreront les démocraties, réaliseront en immersion complète une étude en profondeur de leurs tendances socio-économiques et de leurs options stratégiques, et recruteront leurs nationaux haut placés. De plus, ces firmes commerciales rapporteront des bénéfices, ou tout au moins permettront à leurs animateurs d’avoir un train de vie correct, ce qui diminuera les dépenses du 4e bureau.

Surtout, Ian Berzine travaille sur le long terme : il a recruté et formé pendant son exercice une équipe d'agents secrets émérites (« les grands illégaux »), qui serviront efficacement l’URSS pendant les années critiques de la 2de guerre mondiale : Yakov Mrachkovski (Gorev), Moshe Milstein (Mikhail M), Rolf et Ruth Werner (Ursula Kuczynski), Richard Sorge, Lev Manevitch, Alexandre Radó, Karl Ramm, Mme Aino Kuusinen, Ignace Reiss, Vilis Lācis[4], Constantin Loukitch Efremov[5], ainsi que Leopold Trepper, Anatoli Gourevitch, Walter Krivitsky, Manfred Stern, Willi Lehmann[note 5]

À l’automne 26, le Kremlin fit circuler une rumeur selon laquelle l’Europe voulait se coaliser et attaquer l’URSS. Bien qu'Ian Berzine, dans un mémorandum basé sur les rapports émanant de ses agents européens, ait démontré que l'Europe ne songeait plus à faire la guerre à l'URSS, la rumeur continua à circuler, entretenant chez les Soviétiques une psychose obsidionale et permettant de justifier auprès d’une population famélique les énormes dépenses consacrées à l'armement.

En tenue décontractée, 25 chercheurs de la Gasübungplatz Tomka (Centre d'expérimentation des gaz de Tomka, près de Chikhany et de Volsk, oblast de Saratov) posent autour de leur chef sur un perron rustique en troncs de bouleau. En 1928, l’Allemagne a investi près d'un million de marks dans ce centre d'essais secret commun à la Reichswehr et à l'Armée rouge. On y étudiait des armes chimiques à base de LOST (ou Senfgas, gaz moutarde), Perstoff (Diphosgène ClCO2CCl3) , Blaukreuz (« Croix bleue », famille des phenylarsine et cyanoarsine), ainsi que leurs vecteurs (obus, fusées ou avions), et leurs antidotes et contre-mesures[6].

Par ailleurs, le Kremlin, dans une optique ultra-pragmatique, avait jugé utile dans les années 1920 de profiter de l'isolement de la république de Weimar — et de l'énorme potentiel intellectuel, industriel, économique et militaire d’une Allemagne traumatisée et frustrée à la fin de la Première Guerre mondiale pour essayer de s’en rapprocher. Karl Radek avait entamé un rapprochement entre « les deux parias » (l'URSS et l'Allemagne), rapprochement qui aboutit au 2d traité de Rapallo (1922), et Ian Berzine se chargea de continuer et d'amplifier activement cette coopération soviéto-allemande[note 6], tant sur le plan économique que sur le plan militaire (recherche, élaboration et essais en commun d’armes nouvelles, au mépris du traité de Versailles).

Ainsi, dans un rapport secret du à Kliment Vorochilov, Ian Berzine passe en revue les résultats et l’avenir de cette coopération[7] : il déplore que la fourniture d'avions par la firme Junker, et la construction d'une usine d'avions piétinent ; et que le marché monté en collaboration avec l’homme d’affaires allemand Hugo Stolzenberg ait avorté : les firmes Bersol et Metachim devaient coconstruire une usine d’explosifs et de gaz moutarde baptisés engrais agricoles. Mais il propose d’augmenter l’activité du centre de recherche d’armes chimiques de Tomka (près de Volsk, oblast de Saratov), en y effectuant des stages conjoints soviéto-allemands, et de mettre en route une formation en commun d'aviateurs soviétiques et allemands à l'école de pilotage de Lipetsk. Ainsi que la formation conjointe de tankistes à l'école des blindés de Kazan. Et d’intensifier les rencontres visant à la connaissance mutuelle et à l'instauration d'amitié entre militaires soviétiques et allemands. Sans oublier l’application du partage de renseignements sur la Pologne, le pays qui sépare la Russie de l’Allemagne et qui à l’époque cherchait à ménager chacun de ses deux voisins.

Billet de banque américain de $ 100 de 1922, convertible en or à la demande du porteur.

En 1927-33, les services de Ian Berzine furent chargés de l'application pratique d'une stratégie économique élaborée par le Kremlin : la mise en circulation en Chine, Europe et aux États-Unis de faux billets de $ 100[note 7], destinée à fournir des devises. La provenance des faux billets fut bientôt découverte par le Trésor américain, qui trouva une parade : la mise sous presse de nouveaux billets plus petits. Mais les effets pernicieux de la manœuvre pour l’économie des démocraties se firent sentir jusqu'en 1936.

Autre action contre les États-Unis : fin 1928, Ian Berzine reçoit à Moscou le communiste letto-américain Nicholas Dozenberg (en), récemment recruté par Alfred Tilton (en), résident du GRU aux États-Unis (et lui aussi d'origine lettone). Berzine enrôle Dozenberg, qui va travailler aux États-Unis pendant une dizaine d'années avant d'être démasqué par le FBI[8].

Après l'accession au pouvoir des nazis en Allemagne, les réseaux d'espionnage soviétiques déjà installés fonctionnèrent à plein, et de nombreux militants anti-nazis, en particulier juifs, proposèrent au GRU de les prendre au service de la cause prolétarienne. Le Kremlin suivit les étapes de l'ascension d'Hitler avec attention (en particulier l'élimination d'un des rivaux d’Hitler : Ernst Röhm) , ainsi que les effets consécutifs sur l’opinion allemande[9].

Disgrâce. Épurateur en Extrême-Orient

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Début 1935, Ian Berzine est démis de ses fonctions de directeur du GRU, à la suite de la « catastrophe de Copenhague » : en février, tout un groupe de ses agents, pensant être en sécurité dans un petit pays tranquille, s’est réuni pour festoyer, et a été pris dans un coup de filet de la police danoise. Or la même catastrophe avait eu lieu en 1931 en Allemagne, et visiblement toutes 2 étaient dues aux mêmes négligences : manque de cloisonnement, non-respect des règles élémentaires de sécurité, et aussi choix des agents secrets dans les rangs des militants communistes affiliés au Komintern, militants bien entendu tous connus et listés par les polices des pays hôtes[10].

Et de plus, c'est son concurrent direct, Artour Artouzov, chef de la section INO (espionnage extérieur) de l'OGPU (la sécurité « civile ») , qui a exposé et dénoncé en haut lieu les carences du directeur du GRU[11].

I.K. Berzine est remplacé par le général Semion P. Ouritskyi, et envoyé en Extrême-Orient.

D' à , Ian Berzine (sous le pseudonyme de Gall) élimine les éléments douteux dans l'armée d'Extrême-Orient commandée par Vassili Blücher[note 8], et espionne les Japonais qui cherchent à s’étendre en Mandchourie.

« Conseiller militaire » en Espagne

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Laissant la direction du GRU à Semyon P. Ouritskyi, I.K. Berzine arrive en Espagne dès le début de l'insurrection nationaliste contre le gouvernement légal (). Sous le pseudonyme de « général Grishin » (ou de « Donizetti »), il commande le premier corps expéditionnaire soviétique : 2 000 hommes, surtout des techniciens (aviateurs, tankistes) et des officiers supérieurs. Il réorganise les forces républicaines et fait nommer à leur tête un vieux général populaire et représentatif aux yeux des Espagnols : José Miaja.

Surtout, I.K. Berzine coordonne et galvanise la défense de Madrid par les Brigades internationales et les républicains espagnols, et stoppe l'avance jusque-là inexorable et rapide des insurgés.

En revanche, au nord-ouest de l'Espagne, il ne parvient pas à unir et à faire combattre jusqu'au dernier les républicains encerclés, qui capitulent.

Par ailleurs il continue à Madrid à recruter des agents et à diriger le GRU.

En , alors que le front autour de Madrid est momentanément stabilisé, le Kremlin reçoit un rapport de I.K. Berzine : selon lui, le massacre des anarchistes et POUMistes espagnols par Alexandre Orlov et ses séides du NKVD prive la République espagnole de nombreux combattants valeureux, casse le moral des troupes, et finalement sert les insurgés franquistes. Ce rapport déclenche controverses et colères au Kremlin, Vorochilov encourt les reproches de Staline.

I.K. Berzine, immédiatement rappelé à Moscou, quitte l’Espagne via Paris. Son interprète, l’intellectuel espagnol José Robles Pazos (ami intime de John Dos Passos), « disparaît ».

Directeur du GRU pour la 2e fois (été 1937)

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Début , I.K. Berzine de retour à Moscou est rétabli dans son poste de directeur du GRU. Semyon P. Ouritskyi, jugé incompétent, est emprisonné à la Loubianka ; il sera liquidé en 1938.

I.K. Berzine, nommé commissaire politique de l'armée de 2d rang[12], et décoré de l'Ordre de Lénine[note 9], se consacre à remettre de l'ordre dans les affaires du GRU, et surtout à aider l'Espagne dans sa lutte contre les nationalistes. Il demande une notable augmentation des envois d’armes et de soldats : non pas des hommes d’état-major, mais des officiers de ligne, qui pourront aider utilement les Espagnols sur le terrain lors des batailles. Staline note de sa main en marge des demandes de I.K. Berzine : « Lui donner la moitié ». Berzine demande aussi que des aviateurs espagnols soient formés à l'école d'aviateurs de Kirovabad.

Puis la nouvelle tombe : I.K. Berzine a été arrêté en même temps que "les ennemis du peuple Nikonov[13], Voline, et Stelmach"[14].

Arrestation et mort

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Entrée de la propriété Kommunarka appelée « datcha Iagoda » au temps de la Grande Purge, sise près de Moscou, au km 24 de la route de Kalouga. Un des abattoirs du NKVD alors dirigé par Nikolaï Iejov : on estime que plus de 20 000 personnes y ont été assassinées et enterrées

C'est apparemment à l'instigation de Vorochilov (qui soutenait Orlov), qu'I.K. Berzine fut arrêté par le NKVD à l'automne 1937, et emprisonné à la Loubianka. Accusé de trotskisme, et de trahison au profit du IIIe Reich, exclu du parti en , il est condamné à mort le par le Collège militaire de la Cour suprême de l'URSS, en même temps qu'une quinzaine de ses collaborateurs[note 10].

I. K. Berzine est exécuté le jour même du verdict et enterré dans les charniers de la Kommunarka, dans la banlieue de Moscou.

Selon Léopold Trepper[15], que Berzine avait convoqué à l'automne 1937 pour lui confirmer sa mission en Belgique[16], le chef du GRU ne se faisait alors plus aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il avait appris à Madrid l'arrestation du maréchal Mikhaïl Toukhatchevski et des siens et était cependant revenu à Moscou pour protester contre les excès du NKVD en Espagne. Il continuait à travailler pour la grandeur de l'Union soviétique et du socialisme, mais savait qu'il serait une victime du système qu'il avait si bien servi.

Mémoire

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I. K. Berzine a été réhabilité en 1956. Un timbre postal soviétique à son effigie fut mis en circulation en 1989. Un film letton retraçant son action, intitulé « Le chef des services de renseignement », lui a été consacré en 1990[17].

Décorations

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Annexes

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Bibliographie

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  • O. A. Gorchakov OA, Ian Berzin, commandant du GRU, Saint-Pétersbourg, édit. Neva, 2004
  • O. A. Gorchakov, « À la tête de l'intelligence de l'Armée rouge » in Le Soldat soviétique, 1972, No 18-19

Article connexe

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Notes et références

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Citations originales

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  1. « He was one of the most talented, industrious and successful heads of intelligence, the creator of the most powerful and successful intelligence organisation in existence anywhere. » dans http://www.rulit.net/books/inside-soviet-military-intelligence-read-90462-46.html
  1. Ian Berzine est donc resté exceptionnellement longtemps au poste de directeur du GRU, la durée moyenne d’exercice des directeurs ayant été de 2 ou 3 ans
  2. Ian Berzin (« Jean Petitbouleau » en letton) : il gardera ce nom, aussi répandu dans les pays baltes que « John Smith » chez les Anglo-saxons, se différenciant de ses homonymes par le prénom patronymique : Karlovitch
  3. commissaire politique en chef : en tant que tel il a dû rechercher et punir tous les cas d’incompétence et de trahison (réelles ou supposées) qui ont entraîné la perte de Riga
  4. on peut corréler cette diminution de l’efficacité des soulèvements à l’étranger au début des années 1920 avec la baisse d’activité de Lénine (affaibli, il meurt en janvier 24), la montée en puissance de Staline (il était hostile à l’internationalisme), et la diminution de l’influence de Trotsky
  5. Willi Lehmann (en), capitaine de la SS et membre haut placé de la Gestapo, recruté en 1929 par le GRU, sera un de ceux qui transmettront au printemps 41 au Kremlin l'annonce de la prochaine opération Barbarossa, annonce qui sera considérée comme une désinformation par Staline, et négligée)
  6. Mise en sommeil début 1933 après l'arrivée au pouvoir des nazis, cette coopération reprendra progressivement, et sera très active pendant presque deux ans, entre la signature du Pacte germano-soviétique (23 août 1939) et l'invasion de l’URSS par le Troisième Reich (22 juin 1941). Voir Relations économiques entre l'Union soviétique et l'Allemagne nazie et Gestapo-NKVD Conferences (en)
  7. C'est peut-être par défi que les bolcheviks ont choisi d'imiter un billet de banque américain porteur de l'effigie de Thomas Hart Benton, surnommé « Old Bullion » et partisan de la « destinée manifeste ».
  8. pour avoir pris des habitudes d’indépendance en Sibérie, Vassili Blücher sera assassiné par le NKVD en 1938, au motif de trahison.
  9. I. K. Berzine dut apprendre à son retour qu'Artur Artuzov, qui avait causé sa disgrâce en 1935, avait été arrêté en mai 1937. Il sera tué en août 1937.
  10. Il semble qu'I. K. Berzine ait été englobé par le NKVD dans l'imaginaire « Complot des Lettons », dont la répression fit environ 20 000 victimes en 1937-38. Les Lettons étaient nombreux aux postes de responsabilité. Voir l’article de la Wikipédia en letton « Latviešu iznīcināšana PSRS (1937—1938) » (« Complot letton contre l'Union soviétique (1937-1938) »). Quatre autres personnalités nommées Berzine furent exécutées en 1938 : Reinhold Y. Berzine 1988-1938 (général) - Edouard Petrovitch Berzine, 1893-1938 (fondateur du Goulag) - Ian Andreïevitch Berzine (1890-1938) : politicien, syndicaliste et industriel soviétique et Ian Antonovitch Berzin 1881-1938 (politicien, diplomate).

Références

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  1. Selon Viktor Souvorov, ex-agent du GRU, dans son livre Renseignement militaire soviétique, pp. 226-227. Voir aussi Left-wing uprisings against the Bolsheviks (en).
  2. ce que Trotsky appelait : « tester à la pointe de l’épée ». Voir Manfred Stern, § 2
  3. selon Walter Krivitsky, « J’étais un agent de Staline » p. 113.
  4. (lv) Archive national de Lettonie, « Arhīva dokumentu kopa par politiķi un rakstnieku Vili Lāci. », sur archiv.org.lv (consulté le )
  5. selon (http://www.rulit.net/books/inside-soviet-military-intelligence-read-90462-46.html)
  6. voir les articles de WP de et WP en : « Tomka », « Blue Cross (chemical warfare) » - « Nasen- und Rachenkampfstoff », « Shikhani »
  7. Voir http://www.hrono.ru/dokum/192_dok/ber_doc.html
  8. in « Dozenberg, Executive Session Testimony, House Committee on Un-American Activities, Investigation of Un-American Propaganda Activities in the United States: Volume 13, 2 mai 1940 », p. 574
  9. Walter Krivitsky, dans J'étais l'agent de Staline, p. 17-18), demande dans quelle mesure l'élimination des chefs des SA et de certains opposants allemands (Nuit des Longs Couteaux) par Hitler, avec pour motif un prétendu complot, a pu donner à Staline l'idée de la Grande Purge et des procès instrumentalisés.
  10. selon http://militera.lib.ru/research/kolpakidi_prohorov1/04.html
  11. selon http://fisechko.ru/100vel/razved/16.htm
  12. selon l'article de WP ru « Армейский комиссар 2-го ранга » (« Commissaire de l'Armée, 2e rang ») I.K. Berzin a été nommé Armkom 2 le 14 juin 1937, donc à son retour à Moscou. L'article mentionne aussi qu'il a été nommé membre du conseil militaire du « Commissariat du Peuple à la Défense »
  13. selon l'article de WP ru « Александр Матвеевич Никонов » (Aleksandr Mateïevitch Nikonov) et l'article de WP pl Aleksandr Nikonov, en 1928 Alexander M. Nikonov, chef du 3e bureau du GRU (analyse et compilation du renseignement) , avait (à la demande du maréchal Mikhaïl Toukhatchevski) coécrit avec son ami I.K. Berzine un mémorandum sur l'éventualité d'une guerre entre l'URSS et ses voisins. En 1929, Nikonov publia un livre intitulé Se préparer à la guerre contre l'URSS. Il remplaça brièvement Berzine et fut arrêté et liquidé lui aussi
  14. selon http://nvo.ng.ru/spforces/2007-12-07/7_berzin.html : « Le 2e exercice de Berzin »
  15. « Военная литература --[ мемуары ]-- треппер л. большая игра », sur lib.ru (consulté le ).
  16. selon http://militera.lib.ru/memo/russian/trepper_lz01/02.html, I. K. Berzine avait déjà utilisé Trepper : en décembre 1936, il l’avait envoyé en mission à Paris, et Trepper avait découvert qui infiltrait le journal L'Humanité et renseignait le contre-espionnage français (un certain Robert Gordon)
  17. « Le chef des services de renseignement », documentaire par Romuald Pipars, 35 mm, durée 90 minutes, sorti en 1990. Voir http://www.latfilma.lv/d/106/

Sources

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