L’intermédialité est un champ de recherche apparu à la fin des années 1980. Le professeur Jurgen Ernst Müller, de l’université d'Amsterdam aux Pays-Bas, est l‘un des premiers théoriciens à avoir introduit le concept[1].

Concept modifier

[2]Il s’agit d’une approche conceptuelle pluridisciplinaire s’intéressant aux relations et interactions entre des médias distincts à l’intérieur d’une œuvre et se développant « dans des contextes sociaux et historiques spécifiques »[3]. Il s’agit de s’intéresser à la production de sens qui émerge de ces convergences médiatiques et donc de cesser de considérer les médias comme isolés les uns des autres. Ce changement de perspective, qui se traduit par le choix du préfixe "inter", conduit à considérer que les relations entre les médias sont premières[4] et induit, par conséquent, une remise en cause de la définition même de la notion de média et de médium. Comme l'écrit Éric Méchoulan, « nous [devons] prendre en compte une pluralité de relations constitutive du « média », mais surtout [que] ce média n’est jamais séparé d’autres médias. C’est au contraire dans la relation aux autres médias qu’un média est constitué. D’où le grand intérêt du pluriel/singulier « média » qui l’indique dans sa formation même »[2]. La notion d'historicité est donc centrale dans les travaux inscrits dans le domaine de l'intermédialité.

Ce concept, bien que différent dans son approche théorique, est complémentaire des notions d'intericonicité, d’intertextualité, d'interdiscursivité, d’interartialité, voire d'intermatérialité[5]. Il peut également être relié à l'archéologie des médias telle qu'elle est notamment pratiquée par Wolfgang Ernst[6] ou Jussi Parrika[7].

L'historien et théoricien du cinéma André Gaudreault définit l'intermédialité comme suit : « L'intermédialité est, dans une acceptation minimaliste, ce concept qui permet de désigner le procès de transfèrement et de migration, entre les médias, de formes et de contenus, [...] norme à laquelle toute proposition médiatisée est susceptible de devoir une partie de sa configuration »[8]. Dans ses écrits sur le cinéma des premiers temps, il montre que l'émergence et l'avènement du cinéma résultent d'un « maillage intermédial » complexe : « L'intermédialité est, je pense, un concept indispensable pour étudier et comprendre le cinéma des premiers temps, un concept qui nous permet de formuler des propositions qui renouvellent notre façon d'envisager la place dudit cinéma des premiers temps dans l'histoire du cinéma. En fait le cinéma des premiers temps est le produit de ce que l'on pourrait appeler maillage intermédial »[8]. Selon lui, le développement des pratiques cinématographiques pré-institutionnelles, dans les années 1895-1905, doit pour beaucoup aux connexions intermédiales qu'elles nouent avec d'autres arts ou d'autres pratiques, en particulier avec le caf'conc, le spectacle de vaudeville, la prestidigitation, la lanterne magique, etc[9],[10],[11].

En 2003, à l'Université de Montréal, le professeur Éric Méchoulan fonde la revue Intermédialités. Histoire et théories des arts, des lettres et des techniques / Intermediality : History and Theory of the Arts. Il s'agit d'une revue pluridisciplinaire qui touche à la fois aux études médiatiques, cinématographiques et littéraires, à l'histoire de l'art, à l'anthropologie, à la sociologie ou encore à la philosophie. Elle est actuellement dirigée par James Cisneros et publiée aux Presses de l'Université de Montréal[12]. Une option doctorale en études littéraires et intermédiales a d'ailleurs été mise en place dans cette université[13].

Bibliographie modifier

Philippe Amangoua Atcha, « La pratique intermédiale: une nouvelle forme d'écriture dans le roman africain contemporain: Les naufragés de l'intelligence de Jean-Marie Adiaffi », Dialogues francophones, vol. 17, 2011, p. 151-160.

Sémir Badir & Nathalie Roelens (dir.), Intermédialité visuelle. Visible, vol. 3, 2007.

Daniel S. Larangé, « Pour un discours social postmoderne: phénomène de média(tisa)tion dans l'écriture franco-camerounaise: les exemples de Calixthe Beyala et Léonora Miano », Dialogues francophones, vol. 17, 2011, p. 127-149.

André Gaudreault, « The Diversity of Cinematographic Connections in the Intermedial Context of the Turn of the Century », dans Simon Popple et Vanessa Toulmin (dir.), Visual Delights. Essays on the Popular and Projected Image in the 19th Century, Trowbridge, Flicks Books, 2000, p. 8-15.

André Gaudreault & Philippe Marion, « Transécriture and narrative mediatics: The stakes of intermediality », dans Robert Stam et Alessandra Raengo (dir.), A Companion to Literature and Film, Malden, Blackwell Publishing, 2004, p. 58-70.

Jürgen E. Müller, (fr) « L’intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire : perspectives théoriques et pratiques à l’exemple de la vision de la télévision », Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 10, no 2-3, 2000, p. 105-134.

Jürgen E. Müller, « Vers l'intermédialité: histoires, positions et option d'un axe de pertinence », Médiamorphoses, vol. 16, 2006, p. 99-110.

Notes et références modifier

  1. Centre de recherche sur l'intermédialité. http://cri.histart.umontreal.ca/cri/
  2. a et b Eric Méchoulan, « Intermédialité, ou comment penser les transmissions », Fabula Colloques,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Müller, Jürgen E. « Vers l'intermédialité : histoires, positions et option d'un axe de pertinence », Médiamorphoses, vol. 16, 2006, p. 99-110.
  4. Éric Méchoulan, « Intermédialités : le temps des illusions perdues », Intermédialités: Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques, no 1,‎ , p. 9 (ISSN 1705-8546 et 1920-3136, DOI 10.7202/1005442ar, lire en ligne, consulté le )
  5. « Prolégomènes pour une définition de l'intermédialité », sur Cinémadoc, (consulté le )
  6. (en) Wolfgang Ernst, « Telling versus Counting? A Media-Archaelogical Point of View », Intermédialités: Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques, no 2,‎ , p. 31 (ISSN 1705-8546 et 1920-3136, DOI 10.7202/1005455ar, lire en ligne, consulté le )
  7. Parikka, Jussi (1976-...). et Guez, Emmanuel. (trad. de l'anglais), Qu'est-ce que l'archéologie des médias ?, Grenoble, UGA éditions, Université Grenoble Alpes, , 323 p. (ISBN 978-2-37747-022-8 et 237747022X, OCLC 1024291119, lire en ligne)
  8. a et b André Gaudreault, Du littéraire au filmique, Paris, Nota Bene/Armand Colin, 1999, p.  175.
  9. André Gaudreault, « Les vues cinématographiques selon Georges Méliès, ou : comment Mitry et Sadoul avaient peut-être raison d’avoir tort (même si c’est surtout Deslandes qu’il faut lire et relire) », Georges Méliès, l’illusionniste fin de siècle ?, sous la direction de Jacques Malthête et Michel Marie, Presses de la Sorbonne Nouvelle/Colloque de Cerisy, Paris, 1997, p. 111-131.
  10. André Gaudreault et Philippe Marion, « Transecriture and Narrative Mediatics : The Stakes of Intermediality », A Companion to Literature and Film, Robert Stam et Alessandra Raengo (dir.), Oxford, Blackwell, 2004, p. 58-70.
  11. André Gaudreault, « The Diversity of Cinematographic Connections in the Intermedial Context of the Turn of the Century », dans Simon Popple et Vanessa Toulmin (dir.), Visual Delights. Essays on the Popular and Projected Image in the 19th Century, Trowbridge, Flicks Books, 2000, p. 8-15.
  12. « Intermédialités : Histoire et Théorie des Arts, des Lettres, et des Techniques », sur cri.histart.umontreal.ca (consulté le )
  13. « Option doctorale en études littéraires et intermédiales », sur CRIalt (consulté le )

Liens externes modifier

CRI - Centre de recherche sur l'intermédialité

CRIalt - Centre de recherche intemédiale sur les arts, les lettres et les techniques.