Janet Rowley, née Janet Davison, "JD Rowley", est une scientifique et médecin généticienne américaine, née le à New York et qui a vécu principalement à Chicago, dans l'Illinois. Elle y est morte le .

Par ses travaux, elle a eu une influence décisive au XXe siècle sur les recherches sur les cancers et sur la compréhension des processus à l'origine de cancers. C'est l'une des premières personnes à avoir démontré qu'une translocation chromosomique peut provoquer une leucémie ainsi que de très nombreux autres cancers.

Elle a été professeur à l'université de Chicago.

Biographie modifier

Née en 1925 à New York[1], elle épouse en 1948, à 23 ans, le médecin Donald Rowley[2] et obtient son doctorat en médecine à l'université de Chicago[1]. Elle devient en 1951 médecin traitant en milieu hospitalier tout en continuant des recherches[1]. A partir de 1955, elle enseigne la neurologie à l'école de médecine de l'université de l'Illinois[1]. Elle apprend en 1961 la cytogénétique dans l'unité de génétique de Marco Fraccaro au Medical Research Council à Oxford. De retour à Chicago en 1962, elle utilise un photomicroscope pour étudier les chromosomes dans le département d'hématologie de l'université de Chicago. Lors d'une nouvelle visite à Oxford en 1970, elle apprend les techniques de chromosome banding (marquage en bandes)[1].

Janet Rowley est la première à décrire la translocation récurrente t(8;21)(q22;q22) dans les leucémies aiguës myéloïdes au début de 1972[3], ainsi que la translocation t(15;17)(q24;q21), qui est pathognomonique de la leucémie aiguë promyélocytaire, en 1977[4].

Dès 1960, Peter Nowell et David Hungerford - ainsi que Albert G. Baikie et d'autres - avaient décrit une anomalie chromosomique, associée à la leucémie myéloïde chronique (LMC), le Chromosome de Philadelphie[5],[6],[7]. En 1973, Janet Rowley découvre que ce fameux chromosome de Philadelphie est la conséquence d'une translocation entre les chromosomes 9 et 22, la t(9;22)(q34;q11)[1],[5],[8].

Elle devient professeur en hématologie en 1977[1] et pilote des recherches. C'est son groupe de recherche qui clone le point de cassure de la t(8;21) ci-dessus nommée et les gènes impliqués: AML1 et ETO (maintenant appelés RUNX1 et RUNX1T1)[9].

Au cours des années qui suivent, de nombreux points de cassure de translocations sont clonés et les oncogènes impliqués sont identifiés. C'est ainsi que la cytogénétique est à l'origine de la découverte d'un très grand nombre de gènes du cancer (gènes normaux, nécessaires à la vie, mais qui, remaniés, peuvent provoquer le cancer : tout cancer passe par un/des évènements génétique(s)). « Les travaux de Janet Rowley ont établi que le cancer est une maladie génétique », déclare Mary-Claire King, professeur de sciences du génome et de médecine à la faculté de médecine de l'université de Washington (citée par Goss et Le Beau). « Ses travaux et ceux de ses collègues ont permis de reconnaître que les anomalies chromosomiques étaient associées à des sous-types distincts de leucémie et de lymphome [et des tumeurs solides, poumon, sein, etc.] et qu'elles avaient une valeur pronostique. »[10].

La connaissance des gènes du cancer (par exemple l'identification de la fusion BCR::ABL1 dans la t(9;22)) permet de plus le développement de thérapies ciblées avec l'introduction, par exemple, des inhibiteurs de la tyrosine kinase ABL1 pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique (LMC), ce qui a transformé les perspectives de survie des patients atteints de LMC. Il en est de même pour la leucémie aiguë promyélocytaire, la découverte de Janet Rowley a permis de mettre en évidence le mécanisme d'un médicament efficace: l'acide rétinoïque, qui rétablit la fonction normale de son récepteur protéique RARA[11].

Janet Rowley est auteur ou co-auteur de 416 articles scientifiques référencés par PubMed[12]. Elle et son équipe, son laboratoire, ont transformé la compréhension des cancers par les scientifiques[11]. Ils ont ouvert la voie à de nouvelles recherches[13], et ont été à l'origine de nombreuses autres avancées, tel le clonage d'un gène très important, commun à de nombreuses translocations impliquant 11q23; elle a appelé ce gène MLL, pour leucémie myéloïde-lymphoïde (aujourd'hui connu sous le nom de KMT2A)[14], conduisant finalement à l'émergence de la recherche sur les lysines méthyltransférases dans le cancer.

Elle et son équipe ont aussi travaillé sur TET1, les micro-ARN[15], les leucémies aiguës secondaires[16], etc.

En 2009, elle reçoit du président Barack Obama la prestigieuse médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction qui puisse être accordée à un civil aux États-Unis[1],[2],[17].

Enfin, les gens qui ont travaillés avec elle lui reconnaissent des qualités d'humilité et de gentillesse : « Clearly, humility and graciousness were qualities ascribed to Janet. She once said, “Looking down a microscope at banded chromosomes is not rocket science. If I had not found it, someone else would have.” », rapportent Goss et Le Beau[10].

Elle meurt le [18], à l'âge de 88 ans d'un cancer de l'ovaire à son domicile à Chicago[2].

Distinctions modifier

Prix modifier

Sociétés savantes modifier

Honneurs modifier

Elle a reçu un minimum de 14 Doctorat honoris causa[34] :

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a b c d e f g et h Doris Ménaché-Aronson et Madeleine Cottenet-Hage, « Rowley, Janet [New-York 1925] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions Des femmes, , p. 3762-3763
  2. a b et c (en) Margalit Fox, « Janet D. Rowley, Who Discovered Cancer Can Be Genetic, Dies at 88 », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  3. (en) Janet Rowley, « Identificaton of a translocation with quinacrine fluorescence in a patient with acute leukemia », Annales de Génétique et de Sélection Animales, no 16(2),‎ , p. 109– 112 (PMID 4125056)
  4. (en) Janet Rowley, H.M. Golomb et C. Dougherty, « 15/17 translocation, a consistent chromosomal change in acute promyelocytic leukaemia », The Lancet, vol. 309, no 8010,‎ , p. 549–550 (PMID 65649, DOI 10.1016/s0140-6736(77)91415-5)
  5. a et b « Leucémie myéloïde chronique. 20 ans après la révolution thérapeutique qui a changé la vie des patients », sur Vaincre le cancer (organisme de recherche dans la lutte contre le cancer)
  6. (en) Peter Nowell et David Hungerford, « Chromosome studies on normal and leukemic human leukocytes », Journal of the National Cancer Institute, vol. 25, no 1,‎ , p. 85-109 (PMID 14427847, lire en ligne)
  7. (en) Albert G. Baikie, WM Court-Brown, KE Buckton, DG Harnden, PA Jacobs et IM Tough, « A possible specific chromosome abnormality in human chronic myeloid leukaemia », Nature, no 188,‎ , p. 1165-1166 (PMID 13685929, DOI 10.1038/1881165a0)
  8. (en) Janet Rowley, « A new consistent chromosomal abnormality in chronic myelogenous leukaemia identified by quinacrine fluorescence and Giemsa staining », Nature, no 243,‎ , p. 290-293 (PMID 4126434, DOI 10.1038/243290a0)
  9. (en) Giuseppina Nucifora, Debra J. Birn, Paul Erickson, Jizong Gao, Michelle M. LeBeau, Harry A. Drabkin et Janet Rowley, « Detection of DNA rearrangements in the AML1 and ETO loci and of an AML1/ETO fusion mRNA in patients with t(8;21) acute myeloid leukemia », Blood, no 81,‎ , p. 883–888
  10. a et b (en) Kathleen H. Goss et Michelle M. Le Beau, « Janet Davidson Rowley (1925-2013) », Cancer Cell, vol. 25, no 1,‎ , p. 1-2 (PMID 24654260, DOI 10.1016/j.ccr.2013.12.020)
  11. a et b (en) Brian J. Drucker, « Janet Rowley (1925-2013) », Nature (revue),‎ (PMID 24451535, DOI 10.1038/505484a, lire en ligne)
  12. (en) « Rowley Jd [Author] », sur PubMed
  13. (en) « Janet Rowley: “Take risks” », The Cancer Letter, vol. 47, no 38,‎ (lire en ligne)
  14. (en) Ziemin-van der Poel et al., « Identification of a gene, MLL, that spans the breakpoint in 11q23 translocations associated with human leukemias », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 88, no 23,‎ (PMID 1720549, DOI 10.1073/pnas.88.23.10735)
  15. (en) Mel Greaves, « Janet Rowley (1925–2013) », Science, vol. 343, no 6171,‎ , p. 626 (PMID 24503847, DOI 10.1126/science.1251005)
  16. (en) Peter Hokland, « Janet Rowley 1925–2013 : a rock star of haematology and genetics », British Journal of Haematology, vol. 165, no 3,‎ , p. 269-270 (PMID 24588512, DOI 10.1111/bjh.12808)
  17. (en) Carrie Printz, « Janet Rowley, MD, continues to explore genetic causes of leukemia », Cancer,‎ (lire en ligne)
  18. (en) « Janet Rowley, cancer genetics pioneer, dies at 88 », MedicalXPress,‎ (lire en ligne)
  19. (en) « The William Procter Prize for Scientific Achievement », sur Sigma Xi (consulté le ).
  20. (en) « William Allan Award », sur American Society of Human Genetics (consulté le ).
  21. (en) « All Gairdner Winners », sur Prix Gairdner (consulté le ).
  22. (en) The University of Chicago Medicine, « 1998 Lasker Award to Janet Rowley : Janet Rowley, MD, wins coveted Lasker Award for 1998 », The University of Chicago Medicine, (consulté le )
  23. (en) « The Lasker Awards », sur Prix Albert-Lasker (consulté le ).
  24. (en) « The President's National Medal of Science: Recipient Details », sur National Science Foundation (consulté le ).
  25. (en) « Past Mendel Medal Recipients », sur Université Villanova (consulté le ).
  26. (en) « Benjamin Franklin Medal », sur Société américaine de philosophie (consulté le ).
  27. (en) « Presidential Medal of Freedom Recipients », sur Sénat des États-Unis (consulté le ).
  28. (en) « Jessie Stevenson Kovalenko Medal », sur Académie nationale des sciences [National Academy of Sciences] (consulté le ).
  29. (en) « Pearl Meister Greengard Prize », sur université Rockefeller (consulté le ).
  30. (en) « Laureates of the Japan Prize », sur Prix japonais (consulté le ).
  31. (en) Bob Brown, « 2012 Japan Prize honors cancer fighters, magnet man : 3 American medical experts, Japanese inventor honored with major award », Network World,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. (en) « Janet D. Rowley », sur National Academy of Science (consulté le ).
  33. (en) « The 50 Most Important Women in Science », sur Discover (magazine) (consulté le ).
  34. a et b (en) « Janet D. Rowley », sur National Women's Hall of Fame (consulté le ).
  35. (en) « Honorary Degrees », sur Université Harvard (consulté le ).

Liens externes modifier