Jean-Louis Treton
Jean-Louis Treton

Surnom Jambe d'Argent
Naissance
Astillé
Décès (à 25 ans)
Cosmes
Mort au combat
Origine Français
Allégeance Chouan
Grade Colonel
Années de service 17931795
Commandement Division de Nuillé-sur-Vicoin
Conflits Chouannerie
Guerre de Vendée
Faits d'armes Virée de Galerne
Distinctions Chevalier de Saint-Louis

Jean-Louis Treton, dit Jambe d'Argent (, Astillé - , Quelaines), est, avec Jean Chouan, un des chefs de l'insurrection contre-révolutionnaire et royaliste qui s'est développée en Mayenne en 1793 et 1794.

Biographie modifier

Origine modifier

Il naquit en 1770 à la Closerie des Petits-Aulnais, à Astillé. Fils d'un paysan chargé de famille, Jean-Louis fut élevé chez des parents de sa mère. Son père était métayer et il est le second fils d'une famille qui compte 12 enfants [1].

À douze ans on l'employa comme berger dans une métairie ; mais l'enfant se blessa si grièvement à la jambe en voulant séparer deux taureaux qui se battaient qu'il lui devint impossible d'exercer cette profession, car il ne pouvait plus suivre les bestiaux dans les champs.

Il revint donc dans la chaumière paternelle, où sa blessure, mal soignée, ne fit que s'envenimer. Jean-Louis Treton, impropre à tout travail, fut obligé de prendre le bissac, le bâton du mendiant, et d'aller de porte en porte dans les métairies demander le pain de la charité. Presque toujours il était bien accueilli ; Treton s'efforçait d'ailleurs de reconnaître le bon accueil qu'il recevait en rendant quelques petits services, en se chargeant de quelques commissions, toujours remplies avec autant de fidélité que d'intelligence.

Mendiant modifier

Des personnes charitables, mesdames de Souvré, qui demeuraient dans ce canton, prirent intérêt au jeune mendiant. Elles voulurent le voir, lui parler, et ses réponses les frappèrent par leur bon sens et un discernement remarquables. Elles le firent entrer à l'hôpital d'Angers ; mais, au bout de six mois, on jugea sa plaie incurable et on le renvoya de nouveau à ses parents. Toutefois, avant son départ, les médecins ont protégé la plaie de l’infortuné. En appliquant sur la jambe malade une plaque métallique. Cette plaque donne l'origine de son surnom.

Dans le bourg de Cossé, chaque dimanche après la messe, un marchand d'orviétan venait vendre son spécifique. On lui amena le pauvre estropié, le charlatan s'engagea à le guérir gratis, à condition que, pour prix de ses soins, l'enfant paraîtrait à côté de lui sur ses tréteaux. Mais au bout de quelques mois, qui n'apportèrent aucun espoir de guérison, le charlatan partit, abandonnant son malade qui dut reprendre son bâton et sa besace. Devenu plus âgé, Treton, à qui pesait l'existence de mendiant et qui cherchait sans cesse les moyens de gagner sa vie, voulut se faire colporteur et se mit à vendre quelques menues merceries. Mais il n'avait pas l'esprit du commerce et il donnait toujours sans bénéfice sa marchandise aux paysans qui l'avaient secouru dans sa misère. Bientôt, il abandonna ce petit négoce qui ne lui profitait pas et chercha une autre profession. Celle de batelier lui parut convenir à son état d'infirmité.

Âgé alors de dix-neuf ans, grand et robuste, quoique boiteux, il partit pour Angers afin de se livrer à ce genre d'occupation qui ne devait pas fatiguer sa jambe malade. Depuis ce moment, environ quatre ans se passèrent sans que ses parents entendissent parler de lui.

La virée de Galerne modifier

Mais le premier cri de guerre qui retentit aux oreilles du batelier boiteux suffit pour le révéler à lui-même, pour l'enflammer d'une irrésistible ardeur. Les Vendéens, dans leur expédition d'outre-Loire, en octobre 1793, viennent à traverser le pays. Treton va les joindre à Candé. Il se présente aux chefs; il demande un fusil. On lui refuse cette arme, la jugeant inutile dans les mains d'un boiteux. Sans se décourager, Jean Treton suit l'armée ; il arrive avec elle à Château-Gontier, où une affaire s'engage. Il s'élance dans les rangs des républicains et, avant la fin du combat, il a conquis sur l'ennemi le fusil refusé à son infirmité. Il fait avec les Vendéens toute cette fatale et glorieuse campagne. Il participe à la Virée de Galerne, atteint Granville, subit les défaites des Vendéens et leur retraite jusqu'à l'écrasement de la bataille de Savenay. Enfin, ce n'est qu'après la dispersion totale de l'armée qu'il revient dans son pays. C'est en 1794 qu'il revient à Astillé se cacher dans le bois de la Saudraie.

La Chouannerie modifier

Mais alors que les campagnes du Maine sont terrifiées par le spectacle de la catastrophe des Vendéens, il ranime par ses exhortations les courages abattus ; il promet des succès et des armes. Vers le commencement de 1794, il rassemble une petite troupe, formée en partie d'hommes qui, comme lui, avaient servi parmi les Vendéens, en partie de jeunes gens tout à fait inexpérimentés, au métier de la guerre.

À Nuillé-sur-Vicoin, le , il est présent comme chef du groupe de Chouans lors de la Bataille de la Châtaigneraie de la Bodinière (victoire des Chouans)[2].

Dès les premières affaires, Treton, par son courage et son sang-froid, par la fermeté de son coup d'œil et son éloquence entraînante, y acquiert un tel ascendant sur ses compagnons que ces hommes le proclament unanimement pour leur chef. Bientôt, dans tous les environs de Laval, on cite le nom de Jambe-d'argent [3] comme celui d'un franc soldat et d'un vaillant capitaine.

C'est à Montchevrier que Jambe d'Argent fut nommé chef des Chouans du canton, le [4]. Le bois voisin servit souvent de lieu de réunion à sa division. Le nouveau chef royaliste avait au plus vingt-quatre ans quand il fut investi du commandement [5].

Jambe-d'Argent, loin de se borner à une guerre de haies et d'embuscades, il attaqua souvent à découvert des colonnes républicaines supérieures aux forces royalistes. Les chouans, surtout dans le Maine et une partie de l'Anjou limitrophe, agissaient d'ordinaire par petites troupes, plutôt que par grandes masses. Du reste, ils affrontaient l'ennemi en face tout aussi bien que les Vendéens. Plus d'une fois il fit preuve, à l'égard des troupes républicaines, d'une certaine humanité.

Le , il est présent lors de l'attaque du poste d'Astillé avec Jean Bezier (défaite des Chouans) : 500 hommes. La précipitation d'un de ses capitaines, Noël Jamois dit Placenette, rend l'attaque inutile. À Parné-sur-Roc, le , il est présent lors de l'attaque du poste (victoire des Chouans). À La Chapelle-Rainsouin, le , il est présent lors de l'attaque des Républicains à trois reprises (victoire des Chouans). À Houssay, en 1795, il s'empare de 9 voitures de transport militaire qui avaient 200 hommes d'escorte (victoire des Chouans). Il y a 30 morts.

À Quelaines-Saint-Gault, en 1795, il est présent lors de procès de Salmon dit Dur-au-Feu, déserteur républicain devenu Chouan, pour trahison devant l'état-major des Chouans. Il est condamné à être fusillé[6]. À Ampoigné, en , il lance une attaque qui avait pour but d'empêcher les Républicains de récupérer du fourrage.

Astillé modifier

À l'attaque d'Astillé, sa paroisse natale, les bleus s'étaient retirés dans l'église, qu'ils avaient crénelée et barricadée. Les chouans, maîtres du reste du bourg, assiégeaient en vain l'église. Il faut la menace du sabre de Jambe-d'Argent pour empêcher Charles Harnois, dit Mousqueton d'y mettre le feu.

Jambe-d'Argent guerroyait ainsi depuis près de deux ans. Il avait repoussé tous les efforts de plusieurs généraux républicains.

Une armée modifier

Ses succès avaient prouvé en lui, outre un courage à toute épreuve, des talents innés et un instinct d'habile militaire qui, sur un plus grand théâtre, auraient pu faire du jeune paysan estropié un général célèbre. Il commandait à vingt-cinq paroisses et à 2 000 soldats[7],[8] ; Marie Paul de Scépeaux de Bois-Guignot, Prosper Turpin de Crissé, Châtillon, de Dieuse, les plus nobles chefs royalistes, lui témoignaient une haute estime et avaient obtenu pour lui la croix de Saint-Louis [9] quand la mort vint l'arrêter dans sa carrière, à peine âgé de 25 ans.

Jambe-d'Argent, le , vient s'aboucher dans les murs du château de Champfleury en Arquenay avec Monsieur Jacques.

Jambe d'Argent est mort dans un combat à Cosmes le et inhumé de nuit dans le cimetière de Quelaines (actuelle place de l'église).

Quatrevingt-Treize modifier

Ses exploits ont servi à Victor Hugo pour son roman Quatrevingt-Treize:

« [...] Sachez d’abord que monseigneur le marquis, avant de s’enfermer dans cette tour où vous le tenez bloqué, a distribué la guerre entre six chefs, ses lieutenants ; il a donné à Delière le pays entre la route de Brest et la route d’Ernée ; à Treton le pays entre la Roë et Laval ; à Jacquet, dit Taillefer, la lisière du Haut-Maine ; à Gaullier, dit Grand-Pierre, Château-Gontier ; à Lecomte, Craon ; Fougères, à monsieur Dubois-Guy, et toute la Mayenne à monsieur de Rochambeau ; de sorte que rien n’est fini pour vous par la prise de cette forteresse, et que, lors même que monseigneur le marquis mourrait, la Vendée de Dieu et du Roi ne mourra pas. [...][10] »

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. Jeanne et Jacques Treton, ses frères et sœurs, sont à l'âge de 12 et 10 ans arrêtés dans une affaire de faux-saunage le et condamnés à 100 et 200 livres d'amendes.
  2. . Sont aussi présents : - Pierre Mongazon (Présent) - Jean Bezier (Présent) . Souvenirs de la Chouannerie, p. 137.
  3. On a donné plusieurs explications de ce surnom. La plus vraisemblable est celle donnée par Jalut, ancien soldat de Jambe-d'Argent. D'après cette version, le surnom de Jambe-d'Argent serait venu de la plaque de métal que Treton portait sur la plaie qui existait toujours sur sa jambe malade.
  4. Comme on le pense bien, Jambe d'Argent n'en était point venu là tout d'un coup. D'abord confondu avec les autres chouans, il leur avait laissé faire l'expérience de sa supériorité. Il s'était successivement dévoué pour chacun et tous, avant de devenir ses soldats, avaient été ses obligés. Moustache surtout ne pouvait oublier que, surpris par les bleus sur la route de Cossé, il avait dû à Jambe-d'Argent de revenir sain et sauf et sans déshonneur parmi les siens. Appuyés épaule contre épaule, tous deux avaient traversé, le fusil en joue et au petit pas, les rangs des républicains qui, frappés d'admiration, s'étaient écartés en criant : - Laissez passer les braves. - Dès ce jour, l'ancien garde-chasse du marquis de Monteclerc avait dit : - Il faut que tu sois notre chef. Et il ne négligea rien pour préparer à ce choix les autres insurgés. Les victoires de la Bodiniére, puis de Nuillé, qu'ils durent à Jambe d'Argent, et la défaite d'Ahuillé, par laquelle ils furent punis d'avoir repoussé ses conseils, décidèrent sa nomination. Ceux qui avaient cherché dans la guerre civile une cocarde pour couvrir leurs crimes osèrent seuls protester. De ce nombre furent Moulins, lâche bandit, instruit à toutes les bassesses dans les égouts de la gabelle, et bon seulement à colporter la terreur au moyen de marches prodigieuses; Barbier, dit la Risque, Jamois, surnommé Place-Nette, et enfin Mousqueton, cet horrible Quasimodo de la chouannerie, que l'odeur du sang enivrait comme le vin, et qui sabrait les prisonniers à petits coups pour sa réjouissance. - Souvenirs de la Chouannerie
  5. L'abbé Angot donne dans son Dictionnaire deux signalements de lui :
    • Age, vingt sept à vingt huit ans ; cheveux châtain ; figure pâle et blême ; taille, 5 pieds trois pouces (environ 1,70 m) ; une jambe très grosse.
    • 5 pieds trois pouces, cheveux noirs très plats, figure jaunâtre un peu huileuse, la jambe gauche plus grosse que l'autre. Juin 1794.
  6. Souvenirs de la Chouannerie, p. 471.
  7. Ce chiffre est sans doute fort exagéré.
  8. Sa sœur Jeanne est arrêtée le , accusée de recevoir de l'argent et des effets de son frère. Elle déclare qu'elle a 5 frères dont 3 sont soldats.
  9. Jacques Duchemin des Cépeaux, p. 499.
  10. Texte intégral de Quatrevingt-treize, de Victor Hugo.
  11. Ce livre est intéressant à consulter. Journaliste, Émile Souvestre fit une enquête auprès des survivants et sans trop prendre parti entre deux thèses qui resteront toujours diamétralement opposées, nous permet de mieux comprendre ce mouvement de la Chouannerie qui prit naissance dans ce Bas-Maine, à la frontière de ce qu'on appelait alors, la province de Bretagne.

Source partielle modifier

« Jean-Louis Treton », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail de l’édition]

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