Jean Lebas (cuisinier)

cuisinier, poète et musicien français

Jean Lebas est un cuisinier, poète et musicien actif à la fin de la Régence et sous Louis XV. On ne sait rien de lui sauf qu'il a laissé le premier livre de recettes de cuisine en vers (1738) et les musiques pour les chanter: Festin joyeux, ou La cuisine en musique, en vers libres. Non sans humour, la Poularde aux huîtres se chante sur l'air de Il n’est rien de plus tendre (de Jean-François Dandrieu)[1].

Jean Lebas
Description de cette image, également commentée ci-après
Lebas donne les musiques pour chanter ses recettes rimées
Naissance 16??
Angers ?
Décès 17??
Nationalité français
Profession
Chef de cuisine
Activité principale
cuisinier, poète, musicien
Autres activités
poète et musicien
Auteur
Langue d’écriture français
Genres
Recettes rimées

Œuvres principales

Festin joyeux, ou La cuisine en musique, en vers libres.

Biographie

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Il était né au XVIIe siècle, cuisinier de profession (il parle de ses collègues professionnels) et chanteur perfectible. Dans l'Anthologie du Sacavin, Charles de Morette (1871 - Bulletin historique) indique que Lebas cuisinier travaille de 1705 à 1711 à l'Hôtels des Trois trompettes à Angers[2]. Le cardinal Dubois (1656-1723) célèbre sous la Régence (1715-1723) lui aurait dit en l'entendant chanter «fais tes chansons d'après ta cuisine, et non jamais ta cuisine d'après tes chansons»[3]. La deuxième partie du livre fait référence au service à l'ambigu, service informel apparu au XVIIe siècle (les plats salés étaient présentés en même temps que les plats sucrés) qui est attesté en 1691[4].

Dans la préface de son livre Lebas se présente comme Officier de Bouche de Louis XV, depuis la fête de son sacre en octobre 1722 à Reims[5]. Il écrit avoir reçu les «applaudissements des princes et des autres seigneurs illustres du règne de Louis XV» (1715-1774) [6].

Les musiques approximativement datables sont de l'époque de Louis XIV (Quel plaisirs d'aimer sans contrainte de Thésée - 1675[7], Boire à la Capucine 1701[8], Sortez de l’amoureux empire d'Olimpia[9] 1703) et de la Régence: Mocquons nous des Ambitieux[10], La musique est incommode (1717), Les Dieux comptent nos jours (Hotteterre le Romain,1722-1723)[11]. Les recettes se retrouvent dans des livres eux aussi du temps de Louis XIV, beaucoup comme la Perdrix aux truffes vertes, la poularde à la Tartare, le Foie gras en crépine[12], les Truites aux huitres[13], les Pieds de mouton farcis[14] sont dans Le Nouveau cuisinier royal (1693[15], réed.1722-1729)[12] de François Massialot (1660-1733), les Pigeons au soleil chez Vincent La Chapelle (1735). Il est probable que les recettes versifiés et les musiques de Lebas étaient à la mode entre 1722 et 1740 époque où les grands services cèdent la place aux repas intimes[16].

Les recettes rimées et leurs musiques

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Publications

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  • J. Lebas. Festin joyeux, ou La cuisine en musique, en vers libres. Paris, Lesclapart père et fils. 1738,
  • Bertrand Guégan. 3 recettes rimées dans La fleur de la cuisine française [tome I, la cuisine de la vieille France] : où l'on trouve les meilleures recettes des meilleurs cuisiniers, pâtissiers et limonadiers de France, du XIIIe au XIXe siècle : enrichies de notices et d'un glossaire. Paris, Editions de la Sirène 1920. p.235 et sq.[17],
  • Alan Jones, Jeremy Barlow. Dictionnaire du désir de la bonne chère ; les recettes musicales du festin joyeux (1738) ; anthologie de menus et de dessins de table. Paris, Honore Champion. 574 p. 2011,
  • Lebas J. Festin joyeux, ou la Cuisine en musique, en vers libres. Paris Hachette livre-BnF 2022.

Un livre longtemps oublié

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Les 2 parties donne 171 compositions en vers rimés, dont des instructions de service, des plaisanteries, des énigmes et avant tout les recettes culinaires de services de 13 plats d'un repas de 14 à 15 couverts. Le plan de table et les partitions de 49 chants et chansons sont annexées. Le livre «injustement délaissé dans un coin de la Bibliothèque Nationale de Paris dort profondément depuis 3 siècles» écrit J-L Impe. Rares sont les mentions de Lebas avant le XXe siècle[18]. Charles Monselet (1877) dans un lettre au pianiste A. Quidant dit avoir découvert ce livre à partir duquel il compose un menu pour «déjeuner en musique»[19]. La presse spécialisée reproduit des recettes comme le Dindon à la Saingaras après l'édition de quelques extraits en 1920[20]. En 2023 Pierre Leclercq a organisé à Liège un repas dont le menu et les musiques étaient tirées de Lebas[21].

Toutes les crèmes sont sur l'air de Quand le Péril est agréable[22]. Ici Crème au chocolat[23].

Le menu, les recettes

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Table de 14 à 15 couverts servie de 3 services de cuisine à 13

54 plats répartis en 4 services, (repas inimaginable de nos jours[24]) sont typiquement un service à la française. Lebas donne le plan de table et numérote les plats qu'il versifie ensuite, autour du plat du milieu (Carpe à la Chambord pour le premier service), on range les divers potages (n°2 à 5, Potage d'agneau, coulis à la Reine, Purée de caneton aux pois verts), et les hors-d'œuvres. La mise en scène est théâtrale et les musiques ne sont pas faites pour le repas, ce ne sont pas des musiques de table[25], mais pour celles et ceux qui le préparent. Le livre veut «faciliter aux dames les moyens d'enseigner, en chantant, les moyens de faire des ragoûts et sauces à leurs sujets subalternes».

Crème frite

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Selon Le Gastronome : journal universel du goût (1830) la Crème frite était un plat obligé des petits soupers de la Régence. Prosper Montagné (1929) estime que la recette de la crème frite (sur l'air de Quand le péril est agréable[22]) est une recette incomplète,

Ici vous mettrez dans la crème

Des œufs, et le jaune et le blanc ;

Et ferez l'assaisonnement

Comme on sait et, de même.

Quand elle est cuite, on la farine.

Et quand elle est froide, il vous faut

La couper par morceaux

Qui soient de bonne mine.

Lorsque l'on veut, on la fait frire

Dans une pâte de beignets ;

Autrement, ces morceaux bien faits

Pourraient bien se détruire.

Il la perfectionne en prose en une croquette frite à la vanille, au citron ou à l'orange[26].

Postérité

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Polycarpe Poncelet (Chimie du goût et de l’odorat) en 1755 rapproche les gouts et les sons, avec sa musique savoureuse. Les 7 tons pleins correspondent aux 7 saveurs primitives (acide, fade, doux, amer, aigre-doux, austère, piquant), leur combinaison harmonique se fait à l'identique. Il construira un orgue gustatif[27]. Il faut attendre le XXIe siècle pour un renouveau des recettes rimées en musique, et la réédition de Lebas.

Bibliographie

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  • Jean-Luc Impe. Le Festin joyeux de J. Lebas ou Comment lire la saveur des plats en écoutant chanter les mets dans M-L G. Swiderski, S. Massé et F. Rubellin. Ris, masques et tréteaux: aspects du théâtre du XVIIIe siècle. Mélanges en hommage à David A. Trott. Laval, Presses de l'Université 2008. Lire p.103 et sq.[28].
  • Lana Lim, Festin Joyeux ou la Cuisine en Musique de J. Lebas : Tradução de receitas em versos na corte de Luís XV. Sao Paulo, Universidade - Mémoire de maîtrise – Faculté de philosophie. 173 p. 2011[5].

Notes et références

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  1. « Musique et Art culinaire : les rhapsodies du goût (1/3) », sur Food 2.0 LAB, (consulté le )
  2. Vin D'Anjou, L'Anthologie du Sacavin (lire en ligne)
  3. « Le Gastronome : journal universel du goût / rédigé par une société d'hommes de bouche et d'hommes de lettres », sur Gallica, (consulté le ), p. 2
  4. « Mercure galant », sur Gallica, (consulté le ), p. 176
  5. a et b https://teses.usp.br/teses/disponiveis/8/8146/tde-19082011-100808/publico/2011_LanaLim.pdf
  6. J. Lebas, Festin joyeux ou, La cuisine en musique, en vers libres, Lesclapart, (lire en ligne), pp VIII et sq.
  7. Philippe Quinault, Thesée, tragédie [in five acts, a prologue and in verse] ... Musique de Lully, Belin, Brunet, (lire en ligne), p 65
  8. aubonclos, « Boire à la capucine… », sur Au Bon Clos, (consulté le )
  9. Recueil General Des Opera Representez Par L'Academie Royale De Musique, Depuis Son Etablissement, Ballard, (lire en ligne)
  10. La Clef des chansonniers ou Recueil des Vaudevilles depuis cent ans et plus, notez et recueillis pour la première fois par J. B. Christophe Ballard,... Tome I, au MontParnasse, (lire en ligne)
  11. « Jacques Hotteterre (1684-1762) », sur www.musicologie.org (consulté le )
  12. a et b Le Nouveau cuisinier royal et bourgeois qui apprend à ordonner toute sorte de repas en gras & en maigre... & toutes sortes de pâtisseries, avec de nombreux dessins de tables.... Tome 1, (lire en ligne)
  13. François (1660?-1733) Auteur du texte Massialot, Le Nouveau cuisinier royal et bourgeois. Tome 1 / ; qui apprend a ordonner toute sorte de repas en gras & en maigre, & la meilleure maniere des ragoûts les plus délicats & les plus à la mode , & toutes sortes de pâtisseries : avec des nouveaux dessins de tables..., 1722-1730 (lire en ligne)
  14. unknown library, Le Nouveau cuisinier royal et bourgeois qui apprend à ordonner toutes sortes de repas en gras & en maigre ... & toutes sortes de pâtisseries, avec de nouveaux desseins de tables ouvrage trèsutile dans les familles, aux maitres d'hôtels & officiers de cuisine ; tome premier, aux depens de la Compagnie, (lire en ligne), p 306
  15. François Getty Research Institute, Le cuisinier royal et bourgeois : qui apprend à ordonner toute sorte de repas, & la meilleure maniere des ragoûts les plus à la mode & les plus exquis : ouvrage très-utile dans les familles, & singulierement necessaire à tous maitres d'hòtels, & ecuïers de cuisine, A Paris : Chez Charles de Sercy, au Palais, au sixième Pilier de la Grand'Salle, vis-à-vis la Montée de la Cour des Aydes, à la Bonne-Foy couronnée, (lire en ligne)
  16. (pt) Lana Lim, Festin Joyeux, ou, la Cuisine en Musique, de J. Lebas: Tradução de receitas em versos na corte de Luís XV, Sao Paulo, Universidade, , 172 p. (lire en ligne), p. 19 et suivantes
  17. Édouard (1905-1993) Préfacier Pignon, La fleur de la cuisine française. [tome I, la cuisine de la vieille France] : où l'on trouve les meilleures recettes des meilleurs cuisiniers, pâtissiers et limonadiers de France, du XIIIe au XIXe siècle : enrichies de notices et d'un glossaire, Editions de la Sirène (Paris), (lire en ligne)
  18. S. G. Sender et Marcel Derrien, La grande histoire de la pâtisserie-confiserie française, Minerva, (ISBN 978-2-8307-0725-0, lire en ligne)
  19. Charles Monselet, Lettres gourmandes: manuel de l'homme à table, E. Dentu, (lire en ligne), p 127 et sq
  20. « La Revue critique des idées et des livres », sur Gallica, (consulté le ), p. 464
  21. « Le festin joyeux », sur www.musees.uliege.be (consulté le )
  22. a et b (ko) Apple Music에서 만나는 David Chung의 Quand Le Peril Est Agréable,‎ (lire en ligne)
  23. J. (16 ?-17 ; cuisinier) Auteur du texte Lebas, Festin joyeux, ou La cuisine en musique, en vers libres . Premiere [-seconde] partie, (lire en ligne), p 185
  24. Un Jour dans l'Histoire - Le festin joyeux ou la cuisine en musique, consulté le
  25. Flavie Leroux, « Veille – séminaire : « Musiques de tables. Le repas en musique en France et en Europe à l’époque moderne : rituels, répertoires, pratiques » (CMBV, 2021-2022) », sur CRCV, (consulté le )
  26. « L'Œuvre », sur Gallica, (consulté le )
  27. « Musique et Art culinaire : les rhapsodies du goût (2/3) », sur Food 2.0 LAB, (consulté le )
  28. Collectif, Ris, masques et tréteaux : Aspects du théâtre du XVIIIe..., Presses de l'Université Laval, (ISBN 978-2-7637-0649-8, lire en ligne)

Annexes

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Liens externes

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Le Centre d'Etude et de Diffusion du patrimoine immatériel a mis en ligne (2021) quelques chansons de Lebas

Voir aussi

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