La Bibliothèque engloutie

mémorial à Berlin, Allemagne
La Bibliothèque engloutie
le mémorial rappelle l'autodafé du .
Artiste
Micha Ullman (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Date
Type
Matériau
salle en béton de ciment, verre, plâtrier (en) et bois, Portique (construction) en métal et couleurVoir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L × l)
529 × 706 × 706 cm
Localisation
Coordonnées
Carte

Le mémorial de l’autodafé à Berlin (en allemand : Denkmal zur Erinnerung an die Bücherverbrennung, litt. « monument du souvenir de l'autodafé »), aussi appelé La Bibliothèque engloutie[1] (en allemand : Versunkene Bibliothek) ou simplement Bibliothek ou Autodafé est une œuvre du sculpteur israélien Micha Ullman (en)[2] inaugurée en 1995 et dédiée au souvenir des autodafés de livres perpétrés à cet endroit à Berlin en . Entièrement intégré au sol de la Bebelplatz, le mémorial n'est visible que par ceux qui passent à proximité immédiate.

Situé au centre de Berlin à côté de l'avenue Unter den Linden, le mémorial rappelle le , quand les membres de l'organisation étudiante du parti nazi, la Nationalsozialistischer Deutscher Studentenbund et de nombreux professeurs de l'université Frédéric-Guillaume (renommée en 1949 université Humboldt de Berlin) accompagnés par des factions de SA et de SS, brûlent en public plus de 20 000 livres de nombreux auteurs, principalement juifs, communistes, homosexuels ou sociocritiques, devant l'ancienne bibliothèque de l'université et au milieu de la Kaiser-Franz-Josef-Platz (portant ce nom de 1911 à 1947, rebaptisée par la suite Bebelplatz)[3].

Conception modifier

Contexte historique modifier

Autodafé à Berlin, le 10 mai 1933.

Le , le bureau de la presse et de la propagande de l'Association des étudiants nazis annonce une initiative nationale « contre l'esprit non allemand », devant culminer dans une « Säuberung » littéraire ou nettoyage par le feu[4]. Les sections locales du groupe sont chargées de la distribution de listes d'auteurs juifs, marxistes, homosexuels, socialistes, ou de littérature jugée anti-familiale et anti-allemande, et planifient de grandes cérémonies pour que le public rassemble et élimine leurs livres, désormais interdits[5]. À Berlin, l'Union des étudiants allemands organise les incendies de livres (autodafés) du lors d'une soirée pluvieuse[4]. Quelque 40 000 personnes se pressent sur la Kaiser-Franz-Josef-Platz (renommée ultérieurement Bebelplatz) alors que 5 000 étudiants, tous munis de torches, mettent le feu à l'amoncellement de livres saisis pour cet événement. Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande, prend la parole pour déclarer : « l'ère de l'intellectualisme juif exagéré est maintenant terminée […] et le futur homme allemand ne sera pas seulement un homme de livres […], à cette heure tardive je confie aux flammes les déchets intellectuels du passé »[5]. Trente-quatre autres incendies ont lieu à travers le pays ce mois-là[5].

Concours pour le mémorial de 1993 modifier

À l'occasion du 60e anniversaire de l'autodafé de la Bebelplatz en 1993, le Senat de la construction et du logement de Berlin invite trente artistes à participer à un concours de design pour le mémorial. C'est la soumission de l'artiste d'installation israélien Micha Ullman qui est sélectionnée[6]. Ullman, dont le travail traite fréquemment des thèmes de l'absence et de la mémoire, propose de creuser un mémorial sous la Bebelplatz, créant ainsi un vide[7]. Le monument est dévoilé le [8].

Design modifier

Le mémorial, avec la cathédrale Sainte-Edwige à l'arrière-plan.

Apparence modifier

Le mémorial de l’autodafé à Berlin se compose d'une salle souterraine bordée d'étagères blanches vides, sous une plaque de verre enchâssée dans les pavés de la place. Le mémorial illustre ce que l'historien de l'art James E. Young qualifie de « forme négative », s'enfonçant dans les pavés de la Bebelplatz pour créer un vide[7]. La disposition de la pièce sous les pavés oblige les spectateurs à tordre le cou pour regarder à l'intérieur. Se rapprochant du volume des 20 000 livres brûlés sur ce site le , l'intérieur du monument est climatisé pour éviter la condensation sur la vitre supérieure et reste continuellement allumé. Alors que le plancher de la Bibliothèque engloutie peut le rendre difficile à repérer pendant la journée, la nuit, il illumine la Bebelplatz d'une étrange lumière blanche[6].

Emplacement modifier

Le mémorial de Micha Ullman est situé sur la Bebelplatz dans le quartier de Mitte à Berlin, en Allemagne. Situé en face de l'ancienne bibliothèque royale et en face de l'Unter den Linden de l'université Humboldt, le monument se trouve au même endroit que le bûcher de livres brûlés le , à la hauteur de la rampe ouest remblayée du Lindentunnel, qui a été démolie pour la construction sur une longueur de 25 mètres[3].

Plaque modifier

Plaque avec la citation de Heinrich Heine.

Plusieurs années après la construction de la structure principale du mémorial, une plaque de bronze a été incrustée dans les pavés à quelques mètres de là[6]. Gravée d'une citation de la pièce Almansor (1820) de l'auteur juif allemand Heinrich Heine, elle contient le message prémonitoire suivant :

« Ce n'était qu'un prélude ;
là où ils brûlent des livres,
ils finiront également par brûler les gens[8]. »

Les paroles de Heine, écrites en 1820, sont remarquablement prémonitoires dans le contexte de l'Holocauste. Des copies de ses œuvres, qui figuraient sur les listes noires littéraires nazies, ont probablement été détruites lors de l'autodafé de Berlin aussi[5].

Entretien modifier

Les frais d'entretien et de maintenance du mémorial (par exemple, la vitre spéciale qui doit être remplacée tous les trois mois) sont pris en charge par Wall AG (de)[9],[10].

Controverse modifier

Des années après la construction du mémorial, un parking a été construit sous la Bebelplatz. Ullman s'est opposé à la construction, formulant des inquiétudes concernant la résonance philosophique du monument comme marqueur d'un espace vide[11]. Le monument est nettoyé deux fois par an par un accès depuis le parking[11].

Galerie modifier

Références modifier

  1. « Les Juifs de Berlin, de la destruction au renouveau » [PDF] sur memorialdelashoah.org.
  2. Irène Kruse, « Le mémorial de l'Holocauste de Berlin », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 67,‎ , p. 21–32 (ISSN 0294-1759, DOI 10.2307/3772626, lire en ligne, consulté le ) :

    « […] en passant par des monuments enterrés (l'œuvre Autodafé de l'artiste israélien Micha Ulmann à Berlin (1995), chambre souterraine inaccessible, tapissée de rayonnages vides, visible à travers une plaque de verre posée à même le sol au milieu du Bebelplatz à Berlin-Mitte) […] »

  3. a et b (de) NDR, « 10. Mai 1933: Bücherverbrennungen in Deutschland », www.ndr.de (consulté le ).
  4. a et b J. M. Ritchie, « The Nazi Book-Burning », The Modern Language Review, vol. 83, no 3,‎ , p. 636–640 (ISSN 0026-7937, DOI 10.2307/3731288, JSTOR 3731288).
  5. a b c et d (en) US Holocaust Memorial Museum, « Book Burning », encyclopedia.ushmm.org (consulté le ).
  6. a b et c James Edward Young, « Harvard Design Magazine: Memory and Counter-Memory », www.harvarddesignmagazine.org (consulté le ).
  7. a et b James Edward Young, The stages of memory : reflections on memorial art, loss, and the spaces between, Amherst, University of Massachusetts Press, , 158 p. (ISBN 978-1-61376-493-0, OCLC 963603953).
  8. a et b (en) « Book burning memorial at Bebelplatz », www.visitberlin.de (consulté le ).
  9. (de) Berlin Mitte, « Mahnmal für die Bücherverbrennung am Bebelplatz – Wall AG verlängert Pflege um weitere zwei Jahre », CDU Kreisverband Berlin-Mitte (consulté le ).
  10. (de) Christian Latz, « Bücherverbrennung: Neues Glas für Mahnmal am Bebelplatz », www.morgenpost.de, (consulté le ).
  11. a et b (en) Ofer Aderet, « Israeli Sculptor Gives Rare Tour of His Book-burning Memorial in Berlin », Haaretz,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes modifier

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