La Crise du monde moderne

La Crise du monde moderne
Auteur René Guénon
Pays Drapeau de la France France
Genre Ésotérisme
Éditeur Bossard
Lieu de parution Paris
Date de parution
ISBN 2-07-023005-8
Chronologie

La Crise du monde moderne est un livre de René Guénon paru en 1927. Dans cet ouvrage, Guénon reprend et approfondit sa critique du monde occidental. L'ouvrage eut un grand retentissement.

Contenu du livre modifier

« Satan [en haut à droite] reparaît, accompagné de ses suppôts, la bête de la mer [en bas à droite: l'Antéchrist] et le Faux prophète [...] Ces monstres vomissent des grenouilles symboles des esprits diaboliques qui répandent inlassablement des rumeurs destinées à exciter les nations les unes contre les autres et contre Dieu [1] »; Tenture de l'Apocalypse d'Angers. Guénon considérait que l'humanité était proche de sa fin. Il voyait les forces occultes de la contre-initiation à l'œuvre dans les manœuvres politiques nationales et internationales qui « manipulaient l'opinion »[RC 1]. Il déconseilla très vivement à ses admirateurs qui lui demandaient son avis de s'engager dans les mouvements fascistes ou socialistes dans les années 1930[RC 2].

L'audience de ce livre fut bien plus grande que pour les ouvrages précédents[2]. L'ouvrage fut commandé par Gonzague Truc pour la maison d'édition dont il était le directeur, Bossard[3],[4] et fut écrit très vite[5]. Il s'inscrit pleinement dans les débats de l'époque, s'interrogeant sur le destin de l'Occident : André Malraux venait de publier La Tentation de l'Occident en 1926 suivi par la Défense de l'Occident d'Henri Massis[4] et Un nouveau Moyen-Âge de Nicolas Berdiaev[6]. Il précédait Malaise dans la civilisation de Sigmund Freud (1928), Regards sur le monde actuel de Paul Valéry (1931), La Grande Peur des bien-pensants de Georges Bernanos et La Crise des sciences européennes d'Edmund Husserl (1935)[5] .

1er chapitre : L'âge sombre modifier

Il présente tout d'abord la situation contemporaine dans le cadre de la doctrine hindoue des cycles humain (Manvantara) : l'humanité se situerait à la fin de son cycle et serait dans la période de Kali Yuga, soit «l'âge sombre », que Guénon fait correspondre à l'âge de fer de la mythologie grecque[7],[3]. Cet âge se caractériserait par un obscurcissement de la spiritualité traditionnelle. Pour Guénon, le Kali Yuga aurait commencé au VIe siècle avant l'ère chrétienne, avec, en particulier, le début du point de vue profane en Grèce[7]. La Renaissance aurait accéléré le processus: il en résulterait alors une civilisation qui nierait tout principe supérieur ramenant tout aux éléments purement humains. L'individualisme[3], l'égalitarisme, le chaos social (liés à la mise en place du système démocratique depuis la Révolution française), résultant de la fin de toute hiérarchie sociale (correspondant au système des castes en Inde), dominaient. Il en résultait un monde entièrement tourné vers le matérialisme[8].

2e chapitre : L'opposition de l'Orient et de l'Occident modifier

Selon Guénon, les sociétés traditionnelles seraient similaires entre elles, tandis que la civilisation occidentale, devenue anti-traditionnelle, s'opposerait aux sociétés traditionnelles de l'Orient. Pour accéder aux connaissances métaphysiques, non profanes, l'Occident doit se tourner vers l'Orient. Les élites intellectuelles occidentales sont les seules à pouvoir s'initier aux connaissances orientales et redonner à l'Occident le contact avec la vraie spiritualité.

3e chapitre : Connaissance et action modifier

4e chapitre : Science sacrée et science profane modifier

5e chapitre : L'individualisme modifier

6e chapitre : Le chaos social modifier

7e chapitre : Une civilisation matérielle modifier

8e chapitre : L'envahissement occidental modifier

9e chapitre : Quelques conclusions modifier

Le dernier chapitre dénonce l'envahissement occidental et prend violemment à partie Henri Massis qui venait de développer la thèse que l'Occident était mis en danger par l'influence orientale[4].

Critique et réception du livre modifier

Le livre fit tellement de bruit que, d'après André Thirion, l'on connaissait son contenu sans l'avoir lu[9]. La critique du monde moderne et de la démocratie étaient susceptibles d'attirer les partisans de la contre-révolution c'est-à-dire, à l'époque, essentiellement les néo-thomistes et l'Action française. Mais, en même temps, Guénon émit une critique virulente de l'un d'entre eux, Henri Massis[10]. À travers Massis, c'est le nationalisme que Guénon rejeta complètement. Le nationalisme apparaissait comme un pur produit de la modernité, Guénon souligna qu'il était incohérent d'être nationaliste et contempteur des conséquences de la révolution, point qu'il approfondit dans son ouvrage ultérieur Autorité spirituelle et pouvoir temporel[11]. D'autre part, plus que jamais, l'Orient était présenté comme supérieur à l'Occident. Alors que la France reprenait confiance en elle-même, la thèse déplut aux nationalistes. Pour la première fois, Charles Maurras, le « maître de l'Action française[12] » s'exprima publiquement contre Guénon en : « quoi qu'en pense René Guénon, tout empétré [sic] dans ses Kali-Yuga et ses Manvanture [sic], notre culture occidentale possède à son actif des œuvres assez fortes, son trésor spirituel réserve malgré les temps barbares des espérances assez sublimes pour que nous puissions franchir le front haut la porte étroite qui nous ouvrira seule des âges un peu moins sombres[13] ».

Les attaques du côté catholique touchèrent encore plus Guénon[14]. Plusieurs comptes rendus négatifs furent publiés[4]. Il faut dire que Guénon, dans La Crise du monde moderne, interpella et mit en garde directement la hiérarchie catholique. Il appela à une union « intellectuelle » (sous-entendu spirituelle), basée sur la métaphysique universelle ce qui reviendrait à réaliser le véritable « Catholicisme intégral » (catholique veut dire étymologiquement universel). Mais alors que dans Orient et Occident, l'hypothèse la plus probable semblait être un rétablissement prenant pour base l'Église catholique, il émit cette fois-ci l'opinion, que le redressement de l'Occident pourrait se faire sans elle. Dans la Crise du monde moderne, il écrivit, en effet,

«  [L'Église a ] tout intérêt, quant à son rôle futur, à devancer en quelque sorte un tel mouvement, plutôt que de le laisser s'accomplir sans elle et d'être contrainte de le suivre tardivement pour maintenir une influence qui menacerait de lui échapper (chapitre 9).  »

L'Église catholique n'apprécia pas une telle interpellation. Le père Anizan devait avouer à Guénon en 1928 que c'est bien la publication de La Crise du monde moderne qui précipita son éviction de Regnabit[14]. D'après Xavier Accart, beaucoup plus que les critiques des membres de l'Action française ou des universitaires et des partisans de l'Orient, c'est cette éviction qui fut un coup dur pour lui: il abandonna tout espoir de reconstituer une « élite intellectuelle » au sein du catholicisme[14].

Bibliographie modifier

Ouvrages au sujet de René Guénon modifier

Notes et références modifier

  • Xavier Accart René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-1970), 2005
  1. Tenture de l'Apocalypse d'Angers, L'envers et l'endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 67.
  2. Xavier Accart, Guénon, ou le renversement des clartés : influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-1970), Paris, Archè Edidit, , 1222 p. (ISBN 978-2-912770-03-5, OCLC 62533549, lire en ligne), p. 196
  3. a b et c Chacornac Paul, La Vie simple de René Guénon, Editions Traditionnelles, , p. 81
  4. a b c et d James Marie-France, Ésotérisme et christianisme autour de René Guénon, Paris, Nouvelles Editions Latines, , 476 p. (ISBN 2-7233-0146-X), p. 284
  5. a et b Accart Xavier, René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1927-1970), Paris, Archè Edidit, , p. 132
  6. Buisson Davis, René Guénon, une politique de l'esprit, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, , 528 p., p. 67
  7. a et b Laurent Jean-Paul, Le sens caché dans l’œuvre de René Guénon, Lausanne, L'âge d'Homme, , 282 p., p. 103
  8. Laurent Jean-Paul, Le sens caché dans l’œuvre de René Guénon, Lausanne, L'âge d'Homme, , 282 p., p. 106-108
  9. Accart Xavier, René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-19770), Paris, Archè Edidit, , 1222 p., p.133
  10. Buisson David, René Guénon, une politique de l'esprit, Paris, , 528 p., p. 67
  11. Accart Xavier, René Guenon ou le renversement des clartés, Paris, , p. 273
  12. Accart Xavier, René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-1970), Paris, Archè Edidit, , p. 109
  13. Accart Xavier, René Guénon ou le renversement des clartés, Paris, Archè Edidit, , p. 210
  14. a b et c Accart Xavier, René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1927-1970), Paris, Archè Edidit, , 1222 p. (ISBN 978-2-912770-03-5), p. 215-216