Le Pont du Nord

film français

Le Pont du Nord est un film français de Jacques Rivette sorti en 1981.

Le Pont du Nord

Réalisation Jacques Rivette
Scénario Jacques Rivette
Bulle Ogier
Pascale Ogier
Suzanne Schiffman
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Aventure, drame, fantastique
Durée 129 minutes
Sortie 1981

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Synopsis

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Marie sort de prison. À la rue et claustrophobe, elle tente de retrouver son compagnon. En chemin, elle rencontre Baptiste, sorte de Don Quichotte au féminin venue d'Ailleurs-les-Oies. Dans leurs pérégrinations autour de Paris, elles sont traquées par une sorte de police parallèle, les « Max ».

Fiche technique

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Distribution

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Critiques

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Les avis sur Le Pont du Nord sont on ne peut plus opposés.

Vincent Canby assassine le film dans le New York Times à sa sortie[2] :

« … ce genre de film semble tout simplement être une impasse. C'est un autre exemple du fossé qui ne cesse de se creuser entre le monde réel et les fantasmes d'un enfant dont le tempérament artistique est plus préoccupé par l'expression aléatoire que par l'expression de sentiments ou d'idées cohérents, qu'il s'agisse d'amour, d'aliénation, d'indignation, de politique ou même de cinéma. Il pétrifie l'imagination au lieu de l'enrichir. Tous ceux qui ont participé au Pont du Nord ont fait de bien meilleures choses… »

Lors de l’édition du DVD en 2018, Mathieu Macheret l’encense au contraire dans Le Monde[3] :

« … sans doute le plus beau film du regretté Jacques Rivette, […] Le Pont du Nord apparaît aujourd’hui, sans doute, comme le dernier film resté invariablement fidèle à un certain esprit ou idéal de la Nouvelle Vague, à savoir celui d’un cinéma "descendu" dans la rue, rendu disponible aux hasards et à l’aventure qui, dit-on, guettent à chacun de ses coins. »

Serge Daney insistait pour sa part en 1982 dans Libération sur l’événement rare que pouvait constituer le film[4] :

« Parfois, on voit vraiment un film, quelque chose qui ne ressemble à rien de connu. Le Pont du Nord par exemple. Et là, si on est honnête (et moins esclave d'un "un") on dit : j'ai vu des films, ou : j'ai vu du cinéma. […] Le Pont du Nord est aussi un thriller politique avec la chute de la femme et le décor urbain, un documentaire sur l'état de Paris en 1981, un vieux film moderne basé sur des histoires incomplètes et indécidables, comme Paris nous appartient, une métaphore moderne des mythes anciens avec un fil d'Ariane et un Minotaure, etc. Ce ne sont pas des "niveaux de lecture", ce sont des films à regarder et à écouter en même temps. »

Richard Brody, en 2018 dans le New Yorker, est pour sa part plus marqué par le tableau d’une ville en mutation sur fond de fin de cycle des combats post soixante-huitards[5] :

« Les excursions poétiques des femmes à travers les ruines de sites industriels et les paysages impressionnistes se transforment en un combat d'espion contre espion impliquant des complots terroristes de gauche et une infiltration gouvernementale. Rivette montre la ville romantiquement labyrinthique et les idéaux sanglants de l'héroïsme révolutionnaire disparaissant ensemble, alors même que le froid de l'ordre rationnel révèle une autre couche chatoyante d'autorité enracinée. »

Les critiques ont en commun d’insister sur le rôle de premier plan que joue un Paris mi réel, mi rêvé dans le film, filmé comme il ne l’avait jamais été (les lions de ses statues et de ses fontaines, monstres urbains, d’interminable escaliers…)[3],[4],[5] ; mais aussi sur la dimension particulière que donne au film son interprétation par Bulle et Pascale Ogier, mère et fille à la ville, errances parallèles à l’écran[3],[4],[5].

Autour du film

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Le titre du film est inspiré d’une chanson enfantine, Su’ le Pont du Nord.

« Sur le pont du Nord un bal y est donné […]

Non, non ma fille tu n'iras pas danser […]
Son frère arrive dans son bateau doré
Maman n' veut pas que j'aille au bal danser
Mets ta robe blanche et ta ceinture dorée […]
Le pont s'écroule et les voilà noyés
Voilà le sort des enfants obstinés. »

Le rapport du film avec la moralité de la chanson est quelque peu sibyllin. Aucune référence directe n'est d'ailleurs faite dans le film à un quelconque « pont du Nord », mais Marie décrit, dans le jeu de l'oie qui recouvre le plan de Paris, « la case 6, qui est le pont : la noyade ».

Santiago Gallego risque une interprétation[6] :

« Une comptine française traditionnelle, Sur le Pont du Nord, parle d'un bal où une jeune fille veut aller, ce que sa mère lui interdit. Le film de Rivette parle aussi beaucoup du jeu, de la découverte et de l'aventure loin des chaînes et des barrières qui nous en interdisent l'accès, même si aujourd'hui, à l'âge adulte, les dangers et les menaces sont bien plus grands que dans l'enfance. »

Genèse

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Le scénario communiqué à la commission d’avance sur recettes semble avoir surtout eu pour rôle d’obtenir son soutien. Le film réel fait largement appel aux discussions entre Jacques Rivette et Bulle Ogier, puis Pascale Ogier, jusqu’à une part d’improvisation lors du tournage[2],[7].

Bulle Ogier raconte ainsi ses premiers échanges avec Rivette, à l'origine du film[7] :

« … ce film a pris naissance sur une carte postale que j’ai envoyée à Jacques […]. Je lui disais : "on pourrait faire un film, et je sortirais du film de Rainer Fassbinder, La Troisième Génération [film sur les terroristes d’après Baader Meinhof], je reviendrais, après un long séjour dans les prisons allemandes, au pays, Paris", et c’est tout à fait dans la ligne de Rivette, de ses fantasmes, de ses fantaisies, de continuer, ou plus de faire un film, à partir d’un autre film, et de plus Fassbinder, et les terroristes, c’était tout à fait son [imaginaire], Paris, la clandestinité, les complots…

Puis il y a une deuxième carte : "Paris, acteur principal, vingt ans après Paris nous appartient [premier film de Rivette], envoi en commando son équipe, extrêmement réduite, trouver des lieux à Paris qui n’ont jamais été filmés.

Troisième carte : Jacques nous donne à lire, à Pascale et à moi, le Don Quichotte, il nous dit de regarder Macadam Cowboy, comme toujours. Jacques suggère les choses dont on va se servir, mais bien sûr, de très loin. Quatrième carte : Rivette propose à Pascale de jouer dans le film l’autre rôle principal. Nous avons été, Pascale et moi, dans une sorte de schizophrénie, refusant tout sentiment de parenté. Les autres amis, Pierre Clémenti, Jean-François Stévenin ont complété la [distribution], pendant que l’équipe caméra et le son filmeraient le plus souvent clandestinement, car sans permis de tournage, dans des lieux où c’est impossible, comme en haut de l’Arc de Triomphe, sur les rails de la Petite Ceinture, etc. »

Notes et références

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  1. Il y a divergence sur la date de sortie en France, entre le site de la société de production Les films du losange qui indique le 13 janvier 1982 et l'imdb ou Unifrance qui mentionnent le 24 mars 1982.
  2. a et b Vincent Canby, « Rivett's 'Le Pont Du Nord' », New York Times, Oct. 7, 1981 (lire en ligne, consulté le 7 janvier 2024
  3. a b et c « DVD : « Le Pont du Nord », une ode à la ville et à la vie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a b et c « Especial Jacques Rivette: Le Pont Du Nord, por Serge Daney », sur www.elumiere.net (consulté le )
  5. a b et c (en) « Le Pont Du Nord », sur The New Yorker (consulté le )
  6. (es) elkinetoscopiodigital, « Sobre el Puente del Norte hay un baile », sur El Kinetoscopio digital, (consulté le )
  7. a et b « Présentation de "Le Pont du Nord" de Jacques Rivette (Cinémathèque - Paris - 8 janvier 2022) » (consulté le )

Liens externes

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