Le soldat et le diplomate

Le soldat et le diplomate est le nom donné à une doctrine de la philosophie politique de Raymond Aron. Ce dernier les tient pour les représentants des deux modes de l'État dans le cadre des relations internationales. Cette doctrine s'inscrit dans le sillon de l'école réaliste des relations internationales.

Concept modifier

En tant que réaliste, Raymond Aron pense les relations internationales sous le prisme d'une alternance entre phases de guerre et de paix et entre les puissances souveraines, seuls sujets de relations internationales[1],[2]. Il conceptualise l’alternance nécessaire entre ces deux états par deux figures : le soldat et le diplomate[3]. Le premier est le symbole de la modalité d'action de la puissance publique en temps de guerre, tandis que le second est son avatar en temps de paix[4]. Le premier a pour objectif de gagner la paix, l'autre d'empêcher la guerre[5],[6]. Ils « vivent et symbolisent les relations internationales »[7].

Parce qu'il pense les relations internationales comme l'alternance entre guerre et paix, entre le soldat et le diplomate, Aron développe une philosophie des relations internationales qui conclut à la nécessité d'une « conduite diplomatico-stratégique », où une fonction épaule l'autre par alternance, et parfois, concomitamment[8],[9]. Aron se distingue du réalisme classique en soutenant que l'idéologie joue un rôle majeur dans les phases d'alternance et dans les missions des soldats et diplomates. Il conclut que « le vrai réalisme, aujourd'hui, consiste à reconnaître l'action des idéologies sur la conduite diplomatico-stratégique », et que l'on ne peut comprendre l'alternance si l'on ne saisit pas les idéologies qui président aux régimes politiques en jeu[10].

Critiques modifier

Critique relative à l'absence de la société civile mondiale modifier

La thèse d'Aron a été ultérieurement critiquée sur son incapacité à saisir l'ampleur des relations transnationales et du poids de la société civile au sein de l'espace public mondial[11]. Résumer les relations internationales aux activités des États, comme le font les réalistes classiques, évacue la possibilité pour les États d'être en paix sur une durée prolongée et d'établir des relations commerciales, culturelles ou humanitaires irréductibles à la situation de guerre ou de paix[12]. Frédéric Charillon écrit ainsi que depuis que « le système bipolaire a disparu, des puissances nouvelles ont émergé, et le soldat et le diplomate, chers à Raymond Aron, ont vu leur autorité sur les relations internationales concurrencées férocement »[13].

Critique relative aux techniques de guerre en temps de paix modifier

La thèse du soldat et du diplomate a été critiquée pour son réductionnisme. En effet, Aron n'explore pas les techniques de guerre cognitive et de propagande, qui ne constituent pas nécessairement des actes de guerre, et qui par conséquent n'engagent ni le soldat, ni le diplomate, mais l'officier de renseignement. Cet élément est soulevé dans un rapport du ministère de la Défense français en 1983[14].

Critique marxiste et économiciste modifier

La thèse est également critiquée par les théories marxistes des relations internationales, qui considèrent que le soldat et le diplomate ne sont que les avatars du capitalisme bourgeois qui cherche à dominer des ressources économiques[15].

Références modifier

  1. Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, (ISBN 2-7021-3469-6 et 978-2-7021-3469-6, OCLC 417654154, lire en ligne).
  2. Nouvelle revue théologique, Casterman., (lire en ligne).
  3. Henri Mova Sakanyi, Congo: survie et grandeur : pari d'une géopolitique nouvelle dans la mondialisation, Editions Safari, (lire en ligne).
  4. Daniel Colard, Les relations internationales de 1945 à nos jours, Masson, (ISBN 978-2-225-83976-4, lire en ligne).
  5. Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, (lire en ligne).
  6. Élisabeth Dutartre, Raymond Aron et la démocratie au XXIe siècle: centenaire de la naissance de Raymond Aron : actes du colloque international de Paris, 11 et 12 mars 2005, Fallois, (ISBN 978-2-87706-629-7, lire en ligne).
  7. Pascal Boniface, Le monde contemporain: grandes lignes de partage, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-053837-0, lire en ligne).
  8. Pascal Boniface, Comprendre le monde - 4e éd.: Les relations internationales expliquées à tous, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-61910-7, lire en ligne).
  9. Jérôme de Lespinois, L'armée de terre française: 1981-1996, L'Harmattan, (ISBN 978-2-7475-1415-6, lire en ligne).
  10. Olivier Beaud et Jean-Michel Blanquer, La responsabilité des gouvernants, Descartes, (ISBN 978-2-84446-010-3, lire en ligne).
  11. Roland Ganghofer, Le droit de la famille en Europe: son évolution depuis l'antiquité jusqu'à nos jours : actes des Journées internationales d'histoire du droit, Presses universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-86820-117-1, lire en ligne).
  12. Notes et études documentaires, La Documentation Française, (lire en ligne).
  13. Frédéric Charillon, La France peut-elle encore agir sur le monde?, Colin, (ISBN 978-2-200-35480-0, lire en ligne).
  14. Défense nationale, (lire en ligne).
  15. Nicolas Baverez, Raymond Aron, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-31834-1, lire en ligne).