Leishmaniose

maladie causée par des parasites du genre Leishmania

La leishmaniose est une maladie chronique due à l'infection par un protozoaires du genre Leishmania. C'est une maladie vectorielle transmise par la piqûre de phlébotomes, comprenant les insectes du genre Lutzomyia aux Amériques et du genre Phlebotomus en Europe, en Asie et en Afrique. Elle peut prendre trois formes : cutanée, viscérale ou muco-cutanée.

La leishmaniose peut affecter de nombreux mammifères, dont l'humain, ce qui en fait une zoonose. Ces réservoirs principaux dépendent de l'espèce, mais les trois réservoirs principaux sont le rongeur, le chien et l'humain. Certaines espèces de Leishmania peuvent aussi infecter les marsupiaux, les renards et les Hyracoidea[1].

En 2023, l'OMS estime à entre 700 000 et 1 million de nouveaux cas humains par an[2]. La répartition géographique des leishmanioses dépend de celle des phlébotomes vecteurs et des mammifères réservoirs.

Parasite modifier

Ulcère cutané de l'avant-bras gauche, causé par une leishmaniose.
Frottis d'échantillon de moelle osseuse (leishmaniose viscérale).
Première Guerre mondiale (ici en 1917) ; cas de leishmaniose cutanée fréquent au Moyen-Orient, localement dénommée « boutons de Jéricho » car fréquente près de la vieille ville de Jéricho.

Parmi les espèces du genre Leishmania, 30 sont des parasites des mammifères, dont 21 pouvant infecter l'humain. Parmi ces 21, on retrouve[1] :

  • le complexe de L. donovani avec 3 espèces (L. donovani, L. infantum et L. infantum chagasi) ;
  • le complexe de L. tropica avec 3 espèces (L. tropica, L. major et L. aethiopica) ;
  • le complexe de L. mexicana avec 2 espèces principales (L. mexicana, L. amazonensis) ;
  • le sous-genre Viannia avec 3 espèces principales (L. (V.) braziliensis, L. (V.) panamensis, L. (V.) guyanensis).

Ces différentes espèces sont morphologiquement indifférenciables mais peuvent être distinguées par analyse des isoenzymes, des séquences ADN, ou des anticorps monoclonaux.

Symptômes modifier

En fonction de l'espèce responsable de l'infection, la maladie peut prendre trois formes différentes : la forme viscérale, cutanée et muco-cutanée.

Leishmaniose viscérale modifier

Les symptômes les plus courants de la leishmaniose viscérale, ou kala-azar, sont la fièvre, une perte rapide de poids, un gonflement de la rate et du foie, et l'anémie. En l'absence de traitement, la leishmaniose viscérale est mortelle dans 95 % des cas[2].

Leishmaniose cutanée modifier

Le symptôme le plus visible de la leishmaniose cutanée est l'apparition de lésions cutanées et l'ulcères[2].

Leishmaniose muco-cutanée modifier

La leishmaniose muco-cutanée provoque la destruction partielle ou totale des muqueuses du nez, de la bouche et de la gorge[2].

Épidémiologie modifier

Carte mondiale du fardeau sanitaire de la leishmaniose en 2002 en années de vie perdues, corrigées des pertes de capacité, pour 100 000 habitants. Légende :
  • absence de données
  • moins de 20
  • 20-30
  • 30-40
  • 40-50
  • 50-60
  • 60-70
  • 70-80
  • 80-100
  • 100-120
  • 120-150
  • 150-200
  • plus de 200

L'humain n’est un réservoir prouvé et majeur que pour deux espèces : Leishmania donovani et Leishmania tropica. Toutes les autres espèces, dont la pathogénicité et la fréquence sont variables, sont des agents de zoonoses[1].

En 2023, l'OMS estime que entre 700 000 et 1 million de personnes sont nouvellement infectées chaque année[2].

Leishmaniose viscérale (LV) modifier

Chaque année, entre 50 000 et 90 000 personnes sont nouvellement infectées par la leishmaniose viscérale. On la retrouve surtout au Brésil, en Afrique de l'Est et en Inde[2].

Leishmaniose cutanée modifier

La leishmaniose cutanée est la forme la plus courante de leishmaniose, avec entre 600 000 et 1 million de nouveaux cas estimés par an. 95 % des cas se trouvent aux Amériques, dans le bassin Méditerranéen, en Asie centrale et au Moyen-Orient[2].

Seul 10 à 25 % des personnes infectées par le parasite développent la maladie, le reste étant asymptomatique[3].

Leishmaniose muco-cutanée modifier

Plus de 90 % des cas de leishmaniose muco-cutanée sont au Brésil, en Bolivie, en Éthiopie et au Pérou[2].

Prévention des leishmanioses humaines modifier

La prévention de la leishmaniose humaine repose sur plusieurs modes d'actions : le contrôle des populations vecteurs et réservoirs, et le dépistage et traitement rapides et efficaces des cas de leishmanioses humaines. L'utilisation de moustiquaires permet aussi d'éviter les contacts entre les phlébotomes et l'humain. Un vaccin contre la leishmaniose pour le chien est en cours d'évaluation, et pourrait permettre de prévenir la leishmaniose[3].

Cycle parasitaire modifier

Le Phlébotome femelle (ici prenant son repas de sang)
Le parasite manipule l'odeur de son hôte (qui attire des phlébotomes, qui transporteront alors le parasite vers d'autres hôtes)[4].
Cycle parasitaire des Leishmanioses. Cliquer sur l’image pour agrandir
Parasitologue travaillant sur L. major en environnement confiné et biosécurisé.
Illustration médicale, archives militaires médicales américaines, extrait de l’Atlas of Tropical and Extraordinary Diseases photograph.

Le phlébotome est l'hôte intermédiaire et le vecteur du Leishmania. Lorsqu'une phlébotome femelle se nourris du sang d'un mammifère infecté, des amastigotes présents dans le sang deviennent des promastigotes. Ils se multiplient et se logent dans le pharynx de la phlébotome, pour se préparer à infecter le prochain hôte. Au bout de 10 jours, la phlébotome devient contagieuse. Lors de son prochain repas de sang, les promastigotes entreront le système sanguin de l'hôte. Des macrophages mangent alors le promastigote, le transformant en amastigote qui se reproduit à l'intérieur du macrophage. La pression osmotique fait alors éclater le macrophage, libérant les promastigotes qui peuvent alors infecter de nouvelles cellules.

Le parasite modifie l'odeur de son hôte, ce qui attire des phlébotomes qui vont eux-mêmes s'infecter et alors contribuer à véhiculer la maladie[4] (un phénomène similaire a été suspecté puis récemment observé dans le cas du paludisme[5]).

Traitement modifier

La paromomycine est un traitement efficace pour lutter contre la leishmaniose.

Les traitements dépendent beaucoup du type de leishmaniose, ainsi que des autres maladies du patient. En 2010, l'OMS recommande 9 antileshmaniaux : l'antimoniate de méglumine, le stibogluconate de sodium, l'Amphotéricine B, la paromomycine, l'isethiomate de pentamidine, le miltéfosine, le kétoconazole, le fluconazole et le itraconazole[6].

Historique modifier

Les fossiles nous indiquent que des Leishmania existent depuis 100 millions d'années. On les retrouvait déjà dans le sang de vertébré ingéré par une mouche hématophage[7].

Les premières preuves de cas de Leishmaniose chez l'humain sont des tablettes du VIIe siècle av. J.-C. qui décrivent des symptômes correspondant à la maladie[7].

L'analyse de momies égyptiennes permet de savoir que la Leishmaniose viscérale était présente en Égypte antique, au moins depuis le IIe millénaire av. J.-C. Des symptômes ressemblant à ceux provoqués par la leishmaniose sont décrits par des médecins arabes durant le Moyen Âge. La première mention de kala-azar date de 1827, quand le chirurgien William Twining publie un article à son sujet, suivi d'un livre en 1832. Les premières observations du parasite datent de 1885, quand le médecin David Douglas Cunningham observe les parasites, et de 1898, quand Piotr Fokich Borovsky décrit le parasite et l'identifie comme un protozoaire[7].

C'est en novembre 1900 que William Boog Leishman observe les parasites, suite à quoi il publie un article en 1903 dans lequel il écrit que la maladie est une trypanosomiase. Quand d'autres scientifiques comprennent le parasite n'est pas un trypasome, mais un genre proche, ils décident de nommer ce genre Leishmania. Le nom du genre donnera ensuite son nom à la maladie : la leishmaniose[7].

Chez le chien modifier

La leishmaniose est une maladie commune au chien et à l'humain. Les zones d'endémie sont donc les mêmes. Due à Leishmania infantum, elle est considérée comme une maladie principalement méditerranéenne mais est actuellement en extension dans les régions au climat continental, en particulier dans le Nord-Ouest de l’Italie et en Allemagne. Elle est aussi fréquente en Amérique latine et, en particulier, au Brésil. Des cas de leishmaniose canine ont commencé à apparaître en Amérique du Nord en 2000, et au Canada en 2008. Dans la population canine de ces régions, il existe de nombreux porteurs asymptomatiques dont le rôle de réservoir n’est pas exclu. En France, bien qu'essentiellement cantonnée au pourtour méditerranéen, elle s'étend progressivement en remontant la vallée du Rhône et les vallées du Sud-Ouest[8].

La transmission du chien à l'humain est possible par l'intermédiaire du phlébotome. C'est dire s'il est important de connaître les signes d'appel chez l'animal. La maladie peut être grave chez le chien mais certaines lignées vivant en zone d'endémicité ont développé une tolérance à la maladie et sont des porteurs sains[9] (ils hébergent le parasite sans être malades pour autant). Ils constituent alors un réservoir de Leishmania.

Les symptômes de la maladie dépendent des organes atteints et ce polymorphisme rend le diagnostic d'autant plus difficile. Les principaux signes qui doivent attirer l'attention chez un chien dont on sait qu'il a séjourné dans des zones d'endémicité sont[9] : un amaigrissement progressif ; des lésions cutanées (alopécie, dermatite sèche, exfoliative ou ulcéreuse) principalement au niveau de la truffe (narines), des oreilles et des coussinets ; des griffes anormalement longues (onychogryphose ou« ongles de fakir »). Parmi les signes témoignant d’une forme viscérale, on note le gonflement des ganglions facilement palpables, des troubles oculaires[10], des épistaxis répétées et parfois impressionnantes résultant de troubles de la coagulation, une insuffisance rénale grave qui se traduit par une propension à boire beaucoup (polydipsie) et, par voie de conséquence, à uriner exagérément (polyurie). Ces derniers symptômes sont ceux qui amènent généralement le propriétaire à consulter.

La transmission canine s’effectue directement du phlébotome au chien. Le phlébotome femelle hématophage prélève le parasite par piqûre d’un chien réservoir. Après multiplication et transformation du parasite dans son tube digestif, il le transmet par piqûre à un autre chien. Aux États-Unis, des cas ont prouvé la transmission de chien à chien de Leishmania infantum avec contamination directe par le sang et les sécrétions ainsi que par voie transplacentaire d'une chienne infectée à ses chiots.

Le diagnostic est confirmé par la découverte du protozoaire dans un prélèvement fait dans le fond des lésions cutanées ou par la sérologie[9]. Il est toujours possible de rechercher les parasites au microscope, par exemple, dans un produit de ponction ganglionnaire. En pratique, les tests sérologiques sont les plus couramment utilisés. Les plus pratiques reposent sur les méthodes ELISA ou les bandelettes immunochromatographiques sensibilisées par un antigène. Ces dernières sont facilement utilisables sur le terrain ou en cabinet vétérinaire. De plus, leur positivité est très souvent corrélée avec une leishmaniose-maladie et non à un portage asymptomatique. Les diverses méthodes PCR actuellement proposées permettent la détection de l'ADN de Leishmania. Leurs sensibilités différent et la positivité est parfois en rapport avec un portage asymptomatique d’où l’importance de pratiquer des PCR en temps réel avec quantification de la charge parasitaire.

Le pronostic est toujours réservé car le traitement est long, parfois mal supporté par le chien et pas toujours efficace[9]. Le taux d'anticorps anti-leishmania apporte une notion pronostic intéressante pour le vétérinaire : plus ce taux est élevé, plus le pronostic est mauvais etce, d'autant plus que les symptômes sont développés[8].

Le traitement le plus couramment utilisé est l’association d’une injection quotidienne de Glucantime par voie intramusculaire pendant un mois associé à l'allopurinol[8] en comprimés donnés tous les jours pendant toute la vie[11]. L’efficacité dépend de la bonne observance, du stade clinique de l’animal au début du traitement, de l’apparition ou non de complications (rénales en particulier) et – plus rarement – de la résistance de la souche aux médicaments. Une rémission clinique est tout à fait possible mais ne suffit pas à arrêter le traitement sans lequel un risque de rechute est important[8].

Un traitement oral à base de miltéfosine, lancé par les laboratoires Virbac en 2007 et bénéficiant d’une AMM vétérinaire, est disponible dans les pays d’Europe du Sud, mais pas en France. D’autres alternatives thérapeutiques comme le Marbocyl ou l’Amphotéricine B peuvent être proposées.

Prévention et vaccins modifier

Il y a de profondes différences dans les mécanismes immunitaires et génétiques qui interviennent dans la prédisposition ou la résistance au développement de la maladie chez le chien. Les colliers à base de deltaméthrine portés par le chien ont démontré une efficacité certaine. Le phlébotome étant le plus actif du crépuscule à l'aube, garder un chien à l'intérieur de l’habitation la nuit permettra de minimiser l'exposition. Le premier vaccin contre la leishmaniose canine du nom de Leshmune a été commercialisé au Brésil en 2003. En , le premier vaccin contre la leishmaniose canine en Europe a été commercialisé par les laboratoires Virbac.

Nécessitant un protocole de trois primoinjections suivies d'un rappel annuel, celui-ci n'empêche pas la contamination mais renforce l'organisme du chien. Un animal vacciné a quatre fois moins de risque de développer la maladie qu'un non vacciné[8].

Chez le chat modifier

Le chat est un animal moins sensible à la leishmaniose en raison d'une réponse immunitaire plus solide. La symptomatologie est essentiellement cutanée et similaire, sur le plan lésionnel, au chien. La leishmaniose chez le chat n'en demeure pas moins une pathologie à surveiller car les experts tendent à s'accorder sur l'émergence possible de cette maladie chez les félins avec un risque de sous-estimation réel des cas[8].

Notes et références modifier

  1. a b et c (en) Abadías-Granado, A. Diago, P.A. Cerro, A.M. Palma-Ruiz et Y. Gilaberte, « Cutaneous and Mucocutaneous Leishmaniasis », Actas Dermo-Sifiliográficas (English Edition), vol. 112, no 7,‎ , p. 601-618 (DOI 10.1016/j.adengl.2021.05.011, lire en ligne Accès libre)
  2. a b c d e f g et h (en) « Leishmaniasis », sur www.who.int (consulté le )
  3. a et b (en) « Ending the neglect to attain the Sustainable Development Goals: A road map for neglected tropical diseases 2021–2030 », sur www.who.int (consulté le )
  4. a et b O’Shea B & al. (2002) Enhanced sandfly attraction to Leishmania-infected hosts. Trans R Soc Trop Med Hyg 96(2):117–118.
  5. Kelly, M., Su, C-Y., Schaber, C., Crowley, J.R., Hsu, F-F., Carlson, J.R., Odom, A.R. (2015) « Malaria parasites produce volatile mosquito attractants ». mBio doi: 10.1128/mBio.00235-15, vol. 6 no. 2 e00235-15
  6. (en) CONTROL OF THE LEISHMANIASES Report of a meeting of the WHO Expert Committee on the Control of Leishmaniases, genève, , 186 p. (ISBN 978 92 4 120949 6, ISSN 0512-3054, lire en ligne)
  7. a b c et d (en) Dietmar Steverding, « The history of leishmaniasis », Parasit Vectors, vol. 10, no 82,‎ (DOI 10.1186/s13071-017-2028-5, lire en ligne Accès libre)
  8. a b c d e et f « La leishmaniose du chien : symptômes, traitement et vaccin »
  9. a b c et d « La leishmaniose », wanimo.com (consulté le ).
  10. Avec des yeux rouges, larmoyants et douloureux, kératite, conjonctivite, kératoconjonctivite, uvéite).
  11. (en) Laia Solano-Gallego, Guadalupe Miró, Alek Koutinas, Luis Cardoso, Maria G. Pennisi, Luis Ferrer, Patrick Bourdeau, Gaetano Oliva, Gad Baneth, « LeishVet guidelines for the practical management of canine leishmaniosis », Parasites & Vectors, vol. 4, no 1,‎ , p. 86 (ISSN 1756-3305, PMID 21599936, DOI 10.1186/1756-3305-4-86, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi modifier

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Article connexe modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Elisabeth Lindgren, Torsten J. Naucke (2006). Leishmaniasis: influences of climate and climate change, epidemiology, ecology and adaptation measures. In : Menne B., Ebi K. Climate change and adaptation strategies for human health, Springer, Darmstadt, p. 131-156.
  • (en) Robert Killick-Kendrick, Mireille Killick-Kendrick, M.-C. Focheux, J. Dereure, MP Puech & M C Cadiergues (1997). Protection of dogs from bites of phlebotomine sandflies by Scalibor ProtectorBands for control of canine leishmaniasis. Med Vet Entomol 11, 105-111.
  • (en) Robert Killick-Kendrick, Jean-Antoine Rioux, MW Guy, TJ Wilkes, FM Guy, I. Davidson, R. Knechtli, RD Ward, E. Gulivard, J. Perieres, H. Dubois, (1984). Ecology of leishmaniasis in the south of France. 20. Dispersal of Phlebotomus ariasis Tonnoir, 1921 as a factor in the spread of visceral leishmaniasis in the Cevennes. Ann. Parasitol. Hum. Comp., 59: 555-572.

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