Les Lusiades

poème épique de Luís de Camões

Les Lusiades (Os Lusíadas en version originale portugaise) est un poème épique de Luís de Camões, probablement achevé en 1556 mais publié en 1572, trois ans après son retour des Indes.

Les Lusiades
Image illustrative de l’article Les Lusiades
Os Lusíadas. Couverture de la première édition (1572)

Auteur Luís de Camões
Pays Portugal
Genre Épopée
Version originale
Langue portugaise
Titre Os Lusiadas
Lieu de parution Portugal
Date de parution 1572

À l’instar de l’Iliade ou de l’Odyssée pour la Grèce Antique ou l’Énéide pour Rome, Les Lusiades est une œuvre destinée à raconter et à glorifier la naissance et le destin de la nation et de l’Empire portugais.

Ce poème est considéré comme l’œuvre la plus importante du patrimoine littéraire portugais, à la fois par ses qualités littéraires mais aussi par le patriotisme qu’il répand. Il figure en première place sur la Liste des 50 œuvres essentielles de la littérature portugaise établie en 2016 par le prestigieux Diário de Notícias[1].

Le poème est dédié au roi dom Sébastien Ier, qui disparaît mystérieusement par la suite lors de la bataille des Trois Rois (1578) et devient le roi caché du Portugal. Par ironie du sort, la mort du dédicataire des Lusiades fait passer le Royaume de Portugal sous la domination des Habsbourg et entraîne l'Union ibérique. Elle fait également naître le sébastianisme, source d'inspiration d'innombrables œuvres littéraires.

Le poème évoque également la période précédant la reprise de Valence en 1102 par les Almoravides[2], ainsi que celle des Almohades, dont la capitale est Marrakech.

L’action centrale de l’œuvre est la découverte de la route maritime des Indes par Vasco de Gama. Autour de cet axe, on découvre d’autres épisodes de l’histoire du Portugal depuis ses prémices jusqu’à l’époque de Luís de Camões. Il y glorifie le peuple portugais, faisant de fréquentes références à la mythologie et aux périodes classiques. Il s’agit de mettre l’Empire portugais, alors à son apogée, sur le même plan que les précédents grands empires. Le terme Lusiades désigne d’ailleurs les portugais eux-mêmes, descendants des Lusitaniens.

Structure

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Pour ce qui est de la structure externe (analyse formelle du poème, nombre de strophes, nombre de vers par strophes, nombre de syllabes, type de rimes, rythme, figures de style, etc.) :

  • Les Lusiades se compose de dix parties, désignées sous le terme de chant.
  • Chaque chant possède un nombre variable de strophes (110 en moyenne). On compte 1 102 strophes au total.
  • Chaque strophe est composée de huit vers (ottava rima).
  • Chaque vers est composé de dix syllabes (le décasyllabe) caractéristique de la poésie épique) accentuées sur la sixième et la dixième syllabe (dit décasyllabe héroïque). Au total, 8 816 vers. Ces vers suivent un schéma rythmique AB AB AB CC (six rimes croisées et deux rimes plates, très caractéristiques du style de Camões).

Comme tout texte de la Renaissance, Les Lusiades n’échappent pas à l’esthétique grecque qui accorde une importance particulière au nombre d’or. Ainsi, le récit atteint son climax avec l’arrivée aux Indes, épisode placé au point qui divise l’œuvre suivant les proportions définies par ce nombre (début du Chant VII).

La structure interne se rapporte au contenu du texte: on peut diviser l’œuvre en quatre parties caractéristiques de l’épopée classique :

  • Proposition - introduction, présentation du thème et des héros (strophes 1 à 3 du Chant I)
  • Invocation - le poète invoque les nymphes du Tage pour inspirer son écriture (strophe 4 et 5 du Chant I)
  • Dédicace - le poète dédie son œuvre au roi Sébastien Ier (strophes 6 à 18 du Chant I)
  • Narration - le récit débute en plein milieu du voyage de Vasco de Gama, puis revient sur tout ce qui a précédé, depuis les origines de l’histoire du Portugal jusqu’au moment présent, avant de poursuivre chronologiquement (récit in medias res).

Un épilogue vient conclure l’œuvre (strophe 145 à 156 du Chant X).

Mais l’on peut aussi voir que l’œuvre évolue sur plusieurs plans, avec leur espace et leur chronologie propre :

  • Le plan du voyage - qui décrit la découverte de la route maritime vers les Indes par Vasco de Gama et ses compagnons.
  • Le plan de l’Histoire du Portugal - qui cite différents épisodes de l’histoire du pays.
  • Le plan du poète - Camões évoque sa propre admiration du peuple et des héros portugais.
  • Le plan de la mythologie - qui décrit les influences et les interventions des dieux de la mythologie greco-romaine sur l’action des héros portugais.

Au cours du récit, les épisodes alternent, belliqueux, mythologiques, historiques, symboliques lyriques et naturalistes.

Avis du Saint-Office

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Le poème épique traditionnel chante la fondation d’une nation avec l’aide des dieux. Les Lusiades, comme l’Énéide, n’échappe pas à cette règle. Pourtant l’intervention des dieux de la mythologie grecque dans le récit n’est qu’un artifice purement littéraire. C’est bien la foi en un dieu chrétien unique qui transparaît dans toute l’œuvre. On ne peut donc parler d’hérésie de la part de Camões surtout en pleine Contre-Réforme. Le fait que l’œuvre n’ait pas été interdite par l’Inquisition en est la preuve.

Même si certains passages ont été censurés lors des premières éditions, le Saint-Office a eu soin de déclarer dans l’édition de 1572 qu’il avait compris que ce recours n’avait d’autre but que stylistique. Il ajoutait toutefois que les dieux païens sont tous des démons.

Néanmoins, ces dieux occupent une place de choix dans le poème. Ce sont leurs intrigues qui permettent de lier les différents épisodes de l’épopée, ce sont leurs interventions deus ex machina qui permettent d’expliquer les événements inespérés du voyage relatés ici.

Le héros

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Comme le titre l’indique, le héros de cette épopée est un héros collectif, les Lusiades, descendants du dieu Lusus, c’est-à-dire les Portugais. Dès les premières strophes de l’intervention de Jupiter, lors du concile des dieux de l’Olympe qui ouvre le récit, apparaît le caractère laudatif de l’auteur.

Le roi des dieux affirme que, depuis Viriatus et Sertorius, le destin (fatum qui a donné fado) des vaillants Portugais est d’accomplir de hauts faits qui feront oublier ceux des empires antérieurs (Assyriens, Perses, Grecs et Romains).

Leur histoire l’atteste, outre les victoires successives contre les Maures et les Castillans, elle révèle comment un pays aussi petit découvre de nouveaux mondes et impose sa loi dans le concert des nations.

Au terme du poème survient l’épisode de l’île des Amours, récompense fictive pour le glorieux parcours des Portugais à travers le temps. La crainte de Bacchus de voir ses exploits de conquêtes dépassés par ceux des Portugais est confirmée.

Camões dédie son chef-d’œuvre au roi Sébastien Ier. Les récentes découvertes portugaises et l’arrivée aux Indes motivèrent sans aucun doute l’écriture de l’épopée portugaise qu’il ambitionnait depuis longtemps de narrer.

Un sentiment de fierté et d’audace existait chez les Portugais à cette époque. Les marins et les capitaines étaient les nouveaux héros de ce petit pays, des hommes capables d’exploits extraordinaires, tel le capitaine João de Castro, vice-roi des Indes, mort peu de temps avant que le poète n’arrive aux Indes. Sans oublier Vasco de Gama, à qui l’on doit la découverte de la route vers les Indes lors d’un voyage difficile, dont les chances de succès étaient faibles, et qui remporta de nombreuses batailles contre des royaumes musulmans sur des terres hostiles aux chrétiens. Ce voyage épique fut donc utilisé comme histoire centrale de l’œuvre, à partir de laquelle des épisodes de l’histoire du pays nous sont racontés.

La croisade

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On peut également aborder le poème dans le cadre de la croisade contre les maures, croisade que des faits récents avaient replacée dans l’actualité. Les batailles menées en orient à l’époque de l’auteur seraient une continuation de celles menées au Portugal au détriment de l’Islam durant la Reconquista et en Afrique du Nord au début de l’expansion portugaise. Cette expansion s’est inscrite dans la lutte contre le puissant Empire ottoman qui menaçait l’Europe chrétienne, incapable de venir à bout de cet ennemi dans une guerre ouverte. L’objectif était entre autres de concurrencer les musulmans sur le terrain commercial, en faisant des profits d’une part et en fragilisant l’économie des rivaux. On estimait possible par ailleurs de trouver des alliés dans les nouvelles terres, voire d’autres chrétiens.

En 1571, la prétendue invincibilité du sultanat turc avait été mise à mal lors de la bataille de Lépante. Il était clair que les ottomans ne dominaient plus la Méditerranée. Le chef des forces chrétiennes fut Don Juan d'Autriche, fils bâtard de l’empereur Charles Quint, grand-père de dom Sebastien. C’est dans ce contexte d’exaltation guerrière que le poète aura contribué à inciter le jeune roi portugais à repartir à la conquête de l’Afrique avec les effets désastreux qui s’ensuivirent.

Les narrateurs et leurs discours

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Chacun des discours de ce poème révèle des particularités stylistiques concrètes. Suivant le sujet traité, le style est tour à tour héroïque et exalté, saisissant, plaintif et mélancolique, humoristique, admiratif.

Les Lusiades est une œuvre narrative mais les narrateurs sont presque toujours des orateurs qui font des discours grandiloquents ; le narrateur principal, Camões, qui ouvre l’œuvre de manière grandiose et reprend la parole en diverses occasions ; Vasco de Gama, désigné comme l'« éloquent capitaine » ; Jupiter qui prend également la parole en diverses occasions ; Paulo de Gama (au chant VIII, strophes 2 à 42) ; le vieillard du Restelo (chant IV, strophes 95 à 104) ; Thétis ; la sirène qui prophétise en musique (chant X, strophes 10 à 74), etc.

Résumé du récit

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. (pt) « As 50 obras essenciais da literatura portuguesa », sur dn.pt, Diário de Notícias, (consulté le )
  2. (pt-BR) Luis de Camões, Os Lusiadas de Luiz de Camõez, J. Eusebios dos Santos, (lire en ligne)