Les Petites Marguerites

film sorti en 1966

Les Petites Marguerites (Sedmikrásky) est un film d'art et une comédie satirique, psychologique, surréaliste et avant-gardiste[1] de la Nouvelle Vague tchécoslovaque réalisé et co-écrit par Věra Chytilová, sorti en 1966.

Les Petites Marguerites

Titre original Sedmikrásky
Réalisation Věra Chytilová
Scénario Věra Chytilová, Ester Krumbachová et Pavel Juráček
Acteurs principaux
Sociétés de production Barrandov Studios
Pays de production Drapeau de la Tchécoslovaquie Tchécoslovaquie
Genre Comédie psychologique
Satire
Arthouse
Expérimental
Surréalisme
Durée 74 min
Sortie 1966

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Généralement reconnu comme un chef-d'œuvre de la Nouvelle Vague tchécoslovaque[2],[3], Les Petites Marguerites présente l'histoire de deux jeunes filles, toutes deux appelées Marie, qui, en réponse au mal dans le monde, décident de devenir malfaitrices à leur tour[4]. Ce film est généralement considéré comme l'un des plus importants du mouvement de la Nouvelle Vague tchécoslovaque et du cinéma surréaliste, du cinéma d'art et du cinéma d'avant-garde.

Marie II au lit, montrant la mise en scène fragmentée du film.

Initialement prévu comme une satire de la décadence de la bourgeoisie, le film s'adresse à ceux qui sont attachés aux règles et Chytilová l'a qualifié de « nécrologie sur un mode de vie négatif »[5]. Le film inverse également les idées stéréotypées sur les femmes et les redessine au profit d'héroïnes. Le film est également un cadre du cinéma féministe considéré comme critique de l'autoritarisme, du communisme soviétique et du patriarcat[6],[7],[8] et a été interdit dans les cinémas ou à l'exportation en République socialiste tchécoslovaque. Aujourd'hui, le film est consacré comme l'un des meilleurs films du cinéma tchèque, l'un des meilleurs films des années 1960, le chef-d'œuvre de Chytilová, l'une des meilleures comédies surréalistes jamais réalisées et l'un des grands films réalisés par une femme de tous les temps[9],[10].

Résumé modifier

La séquence d'ouverture montre des images de guerre enregistrées par l'armée américaine dans le Pacifique durant la Seconde Guerre mondiale. La Tchécoslovaquie, à cette époque, vit des changements politiques turbulents. Les deux Marie, assises à discuter en bikini avec nonchalance constatent ensemble que le monde entier devient mauvais. Marie I (Jitka Cerhová) a une illumination, et Marie II (Ivana Karbanová) comprend ce qu'elle a derrière la tête : devenir mauvaises à leur tour — « dévergondées » disent-elles.

Elles sont ensuite transportées dans un nouveau monde abondant de beauté, cette fois-ci les yeux excessivement maquillés de noir. Elles y retrouvent un arbre rempli de fruits. Marie II cueille une pêche et la mange. L'action se poursuit soudainement dans leur appartement, dans lequel Marie I force Marie II à recracher le morceau de pêche.

Elles s'ennuient et décident de sortir. Le reste du film montre les deux jeunes femmes commettant une série de mauvaises actions : elles deviennent violentes l'une envers l'autre, séduisent des hommes par intérêt, volent, détruisent des objets, dérangent des personnes, provoquent des incendies, gaspillent de la nourriture, etc.

Elles tentent de devenir le plus méprisable possible et refusent d'accorder une signification à leurs gestes. À travers le film, les deux Marie ont cet échange à plusieurs reprises :

« Vadí ? Nevadí. »

« Est-ce important ? Non, ça ne l'est pas. »

Le film prend un brusque tournant lorsque les deux Marie découvrent un festin dans un entrepôt abandonné. Après avoir mangé de chaque assiette et bu de chaque verre, elles se déshabillent, détruisent la pièce, dansent sur la table, les pieds dans la nourriture. Elles grimpent au lustre, se balancent, le lustre se décroche et elles se retrouvent projetées dans l'eau. La narration explique qu'il s'agit de leur seul destin en tant que malfaitrices. Elles appellent à l'aide, promettant qu'elles ne veulent plus faire de mal. La scène revient à la salle du festin, et les deux Marie tentent de tout nettoyer et de replacer porcelaine et verres, maintenant sales et brisés, bien en place sur la table. Puis elles s'allongent sur la table ; mais leur destin est scellé : l'énorme lustre au-dessus d'elles se détache, et les écrase.

Le film se termine comme il a débuté, avec des images de guerre. Sur fond sonore de coups de feu de mitraillette, l'épigraphe du film s'inscrit sur la dernière séquence :

« Ce film est dédié à ceux dont la seule source d'indignation est une salade piétinée. »

Fiche technique modifier

Distribution modifier

Autour du film modifier

Jitka Cerhová a expliqué ultérieurement :

« L'année de mes 18 ans, je vivais chez mes parents, à Liberec, où j'ai grandi, et je suivais des cours d'économie au lycée local. J'allais parfois au cinéma, où je voyais surtout des films tchécoslovaques, même si j'ai un souvenir magnifique de l'adaptation russe de Guerre et Paix. Je ne me serais jamais vue actrice et d'ailleurs, je n'ai jamais désiré le devenir. Mais j'ai rencontré Věra, et elle m'a choisie. »

Réception critique modifier

Tourné deux ans avant le Printemps de Prague, le film sera censuré par les autorités communistes, après l'invasion du pays par l'URSS et ses alliés du pacte de Varsovie en 1968, et son réalisateur sera marginalisé jusqu'en 1975.

Récompenses et distinctions modifier

Sortie vidéo modifier

Les Petites Marguerites ressort en 2013 en France.

Le sort en DVD une édition limitée à 1 000 exemplaires, éditée par Malavida, avec un nouveau master restauré, des bonus inédits, un livret (20 pages) et une nouvelle jaquette dessinée.

Notes et références modifier

  1. « Daisies is Art-House Fun »
  2. « Banquet de grossièretés : nourriture et subversion dans « Les Petites Marguerites » de Vera Chytilová »
  3. « Les petites pétroleuses de Prague », Libération, , Lors de sa seconde interview (la première ayant eu lieu en 1965), Jitka Cerhová raconte le tournage du film.
  4. « Les Petites Marguerites »
  5. Melissa Anderson, « Mod Madness de New Wave Daisies de Vera Chytilová »
  6. « Au revoir, FilmStruck : un guide doux-amer des films à voir avant la fin »
  7. « Avant-Garde to New Wave: Czechoslovak Cinema, Surrealism and the Sixties » [« De l'avant-garde à la Nouvelle Vague : le cinéma tchécoslovaque, le surréalisme et les années soixante »]
  8. « The Power of the Powerless: Banned Films from the Czechoslovak New Wave Returns September 21 » [« Le pouvoir des impuissants : les films interdits de la nouvelle vague tchécoslovaque reviennent le 21 septembre »]
  9. «  Le film tchèque Les Petites Marguerites classéno 6 sur la liste de la BBC des 100 meilleurs films réalisés par des femmes  »
  10. « Les 1 000 plus grands films »

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Michel Duvigneau, « Jarry pas mort. Les Petites Marguerites », Téléciné no 138, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , p. 25 (ISSN 0049-3287)
  • Jean-Louis Veuillot, « Les Petites Marguerites », Téléciné no 146, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , fiche no 495, p. 7-11 (ISSN 0049-3287)
  • (fr) « Les petites pétroleuses de Prague », Libération, Lors de sa seconde interview (la première ayant eu lieu en 1965), Jitka Cerhová raconte le tournage du film.
  • Eugénie Zvonkine, "Les Petites Marguerites" de Vera Chytilová, CNC, coll. « Lycéens et apprentis au cinéma » (no 203), , 20 p. (lire en ligne)

Liens externes modifier