Un lichen crustacé, incrustant ou encore encroûtant, est un champignon faisant partie du clade des fonges.

L'hypothalle[1] noir bien visible enclave les aréoles du lichen géographique. L'hypothalle mélanisé délimite les individus de la même espèce lichénique : cette mélanisation induite par la réaction d'incompatibilité somatique (en)[2] montre que les lichens ou les champignons peuvent adopter une stratégie territoriale qui limite la compétition intraspécifique, comme chez les animaux[3]. La mélanine qui imperméabilise et rigidifie les parois fongiques, forme également une barrière qui limite la compétition interspécifique[4],[5].

Cette sous-catégorie de lichens est la plus fréquente, elle représente 80 à 90 % des espèces lichéniques[6],[7].

La majorité vit sur des supports rocheux dans des conditions climatiques très variées. Certains lichens crustacés se fixent en profondeur[8] dans les murs ou les écorces d’arbres où il est difficile de les déloger sans emporter le support sur lequel ils sont fixés[9]. Dans de nombreux thalles crustacés, le cortex inférieur du thalle est remplacé par un hypothalle, formé d'hyphes parallèles à la surface du substrat dans lequel il émet des hyphes fixatrices. Dans les thalles crustacés très minces, plus spécialement dans les thalles endolithiques et endophléodes, l'hypothalle et le cortex inférieur font défaut, le cortex supérieur (réduit à quelques hyphes lâches) et la médulle s'amincissent, la structure tendant à devenir homomère[10]. Le nom de crustacé, qui signifie « incrusté », est adapté pour ces lichens endosubstratiques ou épisubstratiques : ils ont un aspect de croûte et leur thalle présente une délimitation peu précise[11].

Les lichens crustacés peuvent être séculaires[12]. Une espèce arctique, le lichen géographique, peut vivre plusieurs milliers d'années. Un individu a été daté à 8 600 ans BP, ce qui fait de lui un des organismes les plus longévifs (en) sur Terre[13].

Ils peuvent se fixer sur des arbres et sont appelés corticoles ou sur des roches ou murets et sont appelés rupicoles[14] ou saxicoles.

Types de thalles

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Selon l'aspect de la surface du thalle, les lichénologues distinguent plusieurs types (distinction qui soustrait les nombreuses formes de transition souvent observées)[15] :

  • les thalles continus, presque seulement hypophléodes ou endolithiques.
  • les thalles fendillés, divisés par de fines fissures non profondes, qui ne séparent pas le thalle en petits compartiments.
  • les thalles aréolés, profondément divisés par des fissures profondes en compartiments appelés aréoles, le plus souvent plats et polygonaux, mesurant le plus souvent moins de 1,5 mm.
  • les thalles verruqueux, formés de compartiments mesurant de 0,5 à 1,5 mm de diamètre, plus ou moins arrondis et convexes.
  • les thalles glébuleux (en forme de petite motte de terre), formés de compartiments verruqueux, superficiellement creusés d'anfractuosités, qui sont généralement formés de plusieurs granules agglomérés
  • les thalles granuleux, analogues aux thalles verruqueux, mais formés de compartiments convexes de 0,2 à 0,5 mm de diamètre qui ont l'aspect de petits grains à surface lisse.
  • les thalles lépreux (pulvérulents ou granulo-pulvérulents), formés de petits granules (0,1 - 0,2 mm) avec surface non lisse, isolés ou juxtaposés en groupes.

Intérêt biologique

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Ces lichens présentent, le plus souvent, des résistances à la pollution azotée, ils sont donc nitrophiles[16]. Ainsi les lichens crustacés vont plus facilement se développer dans des milieux pollués. Ils sont donc utiles en tant que biomarqueur de pollution, car leur présence implique une mauvaise qualité de l’air[9].

Intérêt géologique

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Les lichens crustacés sont les plus lents à se développer. Ils apparaissent en premier, puis les lichens foliacés et enfin les lichens fruticuleux. Ce sont donc des bons indicateurs d’âge des roches lorsqu’ils se développent dessus, de plus, ils en modifient les composés par hydrolyse. Cette technique de datation des roches est appelée la lichénométrie[17].

Ce type de lichen se fixe préférentiellement sur les roches calcaires[12].

Quelques espèces de lichens crustacés

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Notes et références

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  1. À la périphérie du thalle et entre les aréoles, on peut observer l'hypothalle noir, appareil végétatif qui remplace le cortex inférieur dans de nombreux thalles crustacés. Cet hypothalle, formé d'hyphes parallèles à la surface du substrat dans lequel il émet des hyphes fixatrices, constitue le mycélium du champignon seul, sans les photobiontes symbiotiques.
  2. L'incompatibilité somatique (appelée aussi l'incompatiblité végétative, par opposition à l'incompatibilité sexuelle qui permet l'appariement uniquement entre individus génétiquement distincts au moment la caryogamie) est « un système multigénique (le nombre de gènes impliqués varie selon l’espèce) d’incompatibilité des mycéliums végétatifs. Lorsque tout ou une partie des allèles sont différents pour deux mycéliums, l’incompatibilité bloque physiquement leur fusion. Si les mycéliums sont compatibles, ils fusionnent par plasmogamie et partagent leur ressources. Ce système autorise la fusion ou refusion fréquente des mycéliums de génets apparentés, ou totalement similaires selon l’espèce ». Cf Lucie Vincenot, De l'individu à l'espèce : structure génétique multi-échelles des populations du Basidiomycète ectomycorhizien Laccaria amethystina, thèse de doctorat de l'Université Montpellier II, 2009, p.33
  3. La compétition intraspécifique et interspécifique est en effet marquée par la territorialité qui a un impact sur la croissance relative des deux thalles. Plusieurs effets sont distingués lors de la mise en contact de deux marges de thalles : un thalle recouvre l'autre et peut provoquer la dégénérescence de certaines de ses parties ; un thalle se développe épiphytiquement sur l'autre et peut le détruire ; le plus souvent les deux thalles se juxtaposent en cessant de croître (réaction de « trêve »), et constituent des « frontières » mélanisées qui les séparent, simulant pour Rhizocarpon geographicum une carte géographique, d'où l'épithète spécifique donné à ce lichen.
  4. Guy Durrieu, Écologie des champignons, Masson, , p. 123.
  5. (en) Richard A. Armstrong, « The biology of the crustose lichen Rhizocarpon geographicum », Symbiosis, vol. 55,‎ , p. 53–67 (DOI 10.1007/s13199-011-0147-x).
  6. « lichen crustacé », sur gdt.oqlf.gouv.qc.ca (consulté le )
  7. Franck Massé, Les mousses, les lichens et les fougères, CNPF, , p. 24.
  8. Pierre Le Pogam, Andreas Schinkovitz, Béatrice Legouin et Anne-Cécile Le Lamer, « Matrix-Free UV-Laser Desorption Ionization Mass Spectrometry as a Versatile Approach for Accelerating Dereplication Studies on Lichens », Analytical Chemistry, vol. 87, no 20,‎ , p. 10421–10428 (ISSN 0003-2700 et 1520-6882, DOI 10.1021/acs.analchem.5b02531, lire en ligne, consulté le )
  9. a et b K. Rebbas, L. Boutabia, Y. Touazi et R. Gharzouli, « Inventaire des lichens du Parc national de Gouraya (Béjaïa, Algérie) », Phytothérapie, vol. 9, no 4,‎ , p. 225–233 (ISSN 1624-8597 et 1765-2847, DOI 10.1007/s10298-011-0628-3, lire en ligne, consulté le )
  10. Paul Ozenda, Georges Clauzade, Les lichens, Masson, , p. 20.
  11. « Biologie des Lichens », sur liboupat2.free.fr (consulté le )
  12. a et b « Le monde mystérieux et fascinant des lichens », sur Club Alpin Suisse CAS (consulté le )
  13. (en) Tom Bradwell, Richard A. Armstrong, « Growth rates of Rhizocarpon geographicum lichens: a review with new data from Iceland », Journal of Quaternary Science, vol. 22, no 4,‎ , p. 311-320 (DOI 10.1002/jqs.1058).
  14. Yannick Agnan, « Les lichens dans leur environnement », sur Futura (consulté le )
  15. G. Clauzade & C. Roux, « Généralités sur les lichens et leur détermination », Bulletin de la société botanique du centre-ouest, t. 18,‎ , p. 152 (lire en ligne).
  16. « Les lichens : sentinelles de l’environnement – outils pédagogiques | PnrBV », sur Parc naturel régional des Ballons des Vosges (consulté le )
  17. « Les lichens, de surprenants organismes pionniers », sur Encyclopédie de l'environnement, (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (en) Richard Armstrong & Tom Bradwell, « Growth of crustose lichens: a review », Geografiska Annaler. Series A, Physical Geography, vol. 92, no 1,‎ , p. 3-17 (DOI 10.1111/j.1468-0459.2010.00374.x)
  • (en) Thomas H. Nash, Lichen Biology, Cambridge University Press, , p. 29-51

Articles connexes

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