Limes Arabicus

ligne romaine de défense frontalière

Le limes Arabicus est une frontière du désert de l'Empire romain, protégeant la province de l'Arabie Pétrée (Arabia Petraea) des incursions nomades et perses, sur environ 1500 km, de l'Euphrate au nord de la Syrie à Ayla sur la mer rouge. Un ensemble de forts et de tours de guet sont parsemés le long de cette frontière qui constitue la partie méridionale du limes Orientalis[1],[Note 1].

Diocèse d'Orient vers 400.
Qasr Bshir, fort fondé sous Dioclétien sur la partie extérieure du Limes Arabicus romain tardif dans l'actuelle Jordanie.
Ruines de Qasr Burqu' (en) (Jordanie).
Proche-Orient vers 500.

Histoire modifier

Le limes vise à protéger la province romaine d'Arabie (Arabia Petraea) des attaques des tribus du désert d'Arabie et de l'incursion des armées perses. Il est mis en place après la conquête romaine du royaume nabatéen en 106[1] et servira durant près de cinq siècles.

Trajan, sous la protection de cette frontière, construit une route majeure, la Via Nova Traiana, de Bostra (Bosra) à Ayla (Aqaba) sur la mer Rouge, soit près de 400 km, entre 111 et 114, pour assurer le transport efficace des marchandises et les mouvements des troupes et des responsables gouvernementaux. Elle est achevée sous Hadrien.

Une partie des forts sont construits durant le IIe siècle, souvent sur d'anciens sites de défense nabatéens.

Durant la dynastie des Sévères (193-235), les Romains réparent et améliorent les routes, et construisent plusieurs forts, à l'extrémité nord-ouest de l'oued Sirhan, dont Humeima, devenu Qasr Azraq[réf. nécessaire], sur la Via Nova Traiana entre Pétra, 44 km au nord, et Ayla, 55 km au sud, dans le Hisma, désert du sud de la Jordanie.

La forteresse de Humeima (Humayma, Hauarra, Auarra) est construite à l'extrémité nord d'une importante communauté nabatéenne, romaine et byzantine. Elle a probablement été abandonnée au IVe siècle. Elle occupe environ trois hectares, est de forme rectangulaire, avec quatre portes, une au milieu de chaque mur, et quatre tours d'angle[2]. Elle pourrait avoir abrité une unité auxiliaire standard de 500 hommes.

De nouvelles fortifications sont édifiées aux IIIe et IVe siècles après les guerres avec la perse sassanide et la signature de la paix de Nisibe (297)[1]. La Strata Diocletiana, dans la partie nord du limes arabica est construite sous le règne de l'empereur Dioclétien. Ses principales places fortes sont Sura, Oresa et Palmyre[1].

Vers 300, Dioclétien découpe à nouveau l'ancienne province d'Arabie, en transférant la région sud à la province de Palestine, qui devient ensuite une province distincte, Palaestina Tertia. Chaque province est administrée par un praeses avec l'autorité civile et un dux avec l'autorité militaire.

Dioclétien engage une importante expansion militaire dans la région, avec la construction d'un certain nombre de forts (castella), de miradors et de forteresses le long de la frange du désert à l'est de la Via Nova Traiana. L'ensemble de ces installations militaires prend le nom de limes Arabicus, « frontière d'Arabie ». Cette ligne de défense est élargie du sud de Damas à Wadi al-Hasa. La région du Wadi Mujib au Wadi al-Hasa est gardée par quatre castella et un camp de légionnaires.

La zone frontalière au sud de Wadi al-Hasa est nommée "limes Palaestina», elle s'étend jusqu'à la mer Rouge à Ayla (Aqaba), et comporte dix castella et un camp de légionnaires, identifiés.

La ligne de protection et de contrôle se compose principalement d'un fort tous les 100 km : au sud, la forteresse légionnaire d'Augustopolis (actuellement Udhruh (en)), à l'est de Pétra, similaire à celle de Betthorus (actuellement Lejjun), en superficie (12 hectares) et en organisation, a abrité la Legio IIII Martia. Alistair Killick et Samuel Thomas Parker, qui ont fouillé le site, ont des avis divergents concernant les datations.

Un camp légionnaire semble avoir existé à Ayla (Aqaba), fouillé par Parker depuis 1994. La ville, située à l'extrémité nord du golfe d'Aqaba, a été et est un centre du trafic maritime. Plusieurs voies terrestres s'y coupent. La Legio X Fretensis, à l'origine stationnée à Jérusalem, y a été transférée, pour protéger le terminus de la Via Nova Traiana. Des éléments de construction ont été identifiés, mais restent mal datés.

Dans la première moitié du VIe siècle, les troupes ont été progressivement retirées du limes Arabicus, et remplacées par des soldats locaux, natifs, arabes, foederati, christianisés, principalement les Ghassanides.

Après la conquête arabe, le limes arabicus a été globalement laissé à l'abandon. Certaines fortifications ont été utilisées et renforcées, avec des objectifs différents, dans les siècles suivants.

Études archéologiques modifier

De 1980 à 1989, l'archéologue américain Samuel Thomas Parker dirige le Central Limes Arabicus Project, qui a pour mission l'étude de la partie centrale du limes dans la province d'Arabie, depuis sa constitution par une série de constructions militaires vers 300, jusqu'à son abandon deux siècles plus tard. Les campagnes de fouilles se localisent sur le plateau de Moab (Jordanie) qui domine la vallée du Jourdain et la mer Morte, et portent principalement sur la grande forteresse légionnaire de Betthorus (moderne Lejjun) et ses environs[3].

Forts modifier

Carte du limes arabicus en Jordanie, partie centrale du dispositif militaire.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Durant l’Antiquité tardive (IVe – Ve siècles), la frontière entre l’Empire romain et l’Empire perse est constituée d’un district militaire, le limes Orientalis, et s’appuie sur un des 2 fleuves : l’Euphrate ou le Tigre.

Références modifier

  1. a b c et d Ignacio Arce 2015, p. 99.
  2. Ignacio Arce 2015, p. 103.
  3. Parker 1981, p. 171.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Ignacio Arce, « Severan castra, tetrarchic quadriburgia, justinian coenobia and ghassanid diryat : patterns of transformation of limes arabicus forts during late antiquity », dans Rob Collins, Matthew Symonds and Meike Weber, Roman Military Architecture on the Frontiers, Oxford & Philadelphia, Oxbow Books, (ISBN 978-1-78297-991-3, lire en ligne), p. 98-122
  • Atallah Nabil, Inscriptions grecques et latines de la Syrie. Tome XXI - Inscriptions de la Jordanie. Tome 5 - La Jordanie du Nord-Est. Fascicule 1, Beyrouth, Presses de l’Ifpo, coll. « Bibliothèque archéologique et historique » (no 187), , 390 p. (lire en ligne).
  • (en) David Kennedy et Derrick Riley, Rome’s Desert Frontier from the Air, Londres, Batsford, , 256 p. (ISBN 9780203481035).
(en) Fergus Millar, « Review: Rome's Desert Frontier » [« Compte-rendu de lecture de Rome's Desert Frontier »], The Classical Review, vol. 41, no 1,‎ , p. 189-191 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, « The Limes Arabicus Project: the 1980 Campaign », from: Annual of the Department of Antiquities of Jordan, no 25,‎ , p. 171-178 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, « The Limes Arabicus Project: the 1985 Campaign », from: Annual of the Department of Antiquities of Jordan, no 30,‎ , p. 233-252 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, « The Limes Arabicus Project: The 1987 Campaign », from: Annual of the Department of Antiquities of Jordan, no 32,‎ , p. 171-188 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, « The Roman limes in Jordan », Studies in the History and Archaeology of Jordan, no 03,‎ , p. 151-164 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, « The Typology of Roman and Byzantine Forts and Fortresses in Jordan », Studies in the History and Archaeology of Jordan, no 05,‎ , p. 251-260 (lire en ligne).
  • (en) Samuel Thomas Parker, The Roman Frontier in Central Jordan : Final Report on the Limes Arabicus Project, 1980–1989, Dumbarton Oaks Studies, , 1104 p. (ISBN 9780884022985, lire en ligne).

Liens internes modifier

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