Lionel Meney

linguiste français

Lionel Meney est un linguiste, un lexicographe et un polémiste franco-québécois né à Saulieu en Bourgogne.

Carrière

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Lionel Meney a étudié la linguistique et la slavistique à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (1964-1969)[1], à la Sorbonne (1964-1969) et à la Faculté de philologie de l’Université de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg). À partir de 1969 il est recruté à l'Université Laval en qualité d'assistant pour la langue russe au département des langues étrangères en qualité de coopérant militaire. Un contrat à titre de civil est signé à partir de décembre 1970. En décembre 1970 il a fondé l'Association des professeurs de russe du Québec et a organisé des séjours en Union soviétique avec des étudiants de l'Université Laval. Il a étudié le fonctionnalisme avec André Martinet à la Sorbonne et la psychomécanique du langage de Gustave Guillaume avec Roch Valin à l’Université Laval (Québec). Plus tard, il s’est initié à la sociolinguistique française et anglo-saxonne. Il est titulaire d’un doctorat ès lettres (linguistique) de l’Université Laval (1976).

Il a fait sa carrière universitaire à l’Université Laval de 1969 à 2004. Il s’est spécialisé dans l’étude contrastive ou différentielle du français québécois et du français international et des rapports entre la langue, ses représentations et l’idéologie. Par ses publications et ses nombreuses interventions souvent polémiques dans les médias, Lionel Meney est l'un des acteurs dans le débat sur la norme linguistique en français québécois.

Il a aussi été interprète de langue russe.

Publications et polémiques

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En tant que lexicographe, il a publié le Dictionnaire québécois-français : pour mieux se comprendre entre francophones (1999), un dictionnaire bivariétal ou bilectal, dont la variété de langue de départ est le français québécois et celle d’arrivée, le français international.

À propos de cet ouvrage, l’écrivain québécois Victor-Lévy Beaulieu a émis ce jugement : « Ce dictionnaire est fabuleusement bien fait. Non seulement comporte-t-il l’explication et l’origine de chaque mot, mais chaque sens est illustré par un exemple tiré de la littérature québécoise. Tout écrivain devrait avoir cet ouvrage sur sa table de travail. Les écoles primaires aussi. Ça donnerait sûrement le goût aux enfants de jouer avec la langue. Je l’ai pour ma part pratiquement lu de la première à la dernière page, comme un ouvrage de fiction ! »[2]

Mais l'ouvrage, qui prétend traduire le français québécois en français, a suscité ce que François Ost qualifie de "nouvelle querelle des dictionnaires" [3]. Querelle relancée dans les médias, en 2004 et 2005 par Lionel Meney qui "défend l'alignement du français parlé au Québec sur le français standard défini par "l'élite francophone internationale" " [3] et se voit qualifié de "nouveau Vaugelas" par d'autres linguistes comme Claude Poirier ou Claude La Charité (idem). Selon François Ost, du Conseil supérieur de la langue française, Lionel Meney "part en guerre" contre ses collègues du projet de dictionnaire du Français standard en usage au Québec sur des bases que Jean-Claude Corbeil, de l'Académie des lettres du Québec, qualifie de "révisionnistes" [3].

Par la suite, Lionel Meney devient selon la linguiste franco-canadienne Gaëlle Planchenault une "tête de proue de vraie croisade" dans les médias[4], et c'est dans la même veine polémique qu'il publie Main basse sur la langue : Idéologie et interventionnisme linguistique au Québec, où il critique des thèses et des ouvrages des linguistes et des organismes québécois promoteurs d’une norme linguistique endogène. Il a introduit l’emploi du terme endogénisme pour désigner la position qui consiste à défendre et à promouvoir une norme nationale endogène, et endogéniste, pour désigner les partisans de l’endogénisme linguistique.

Il défend l’idée selon laquelle la société québécoise se caractérise par une situation de bilinguisme français-anglais et de diglossie français québécois-français international. Il s’attache à faire ressortir les interactions entre les trois systèmes linguistiques (anglais, français vernaculaire et français international), décrivant la concurrence à laquelle ils se livrent et ses conséquences sur l’emploi des structures et des termes. Il montre que le phénomène de la variation linguistique existe non seulement entre le français québécois et celui d’Europe, mais aussi à l’intérieur tant du français québécois que de celui d’Europe. Il défend la thèse selon laquelle, dans certaines situations de communication (langage surveillé), la variation entre les deux variétés de français tendrait à se neutraliser et que la tendance lourde du marché linguistique québécois serait à une convergence avec le marché francophone international.

À propos de cet ouvrage, le linguiste québécois Jacques Maurais a porté ce jugement : « Le livre de Lionel Meney est une contribution majeure qui pourrait redéfinir les termes de la discussion [sur la norme]. […] L’acceptation de l’existence d’une situation de diglossie au Québec est, peut-être paradoxalement, ce qui permettra de décrisper le débat sur la norme en légitimant chacune dans leur propre sphère, les deux variétés linguistiques en concurrence. […] Le débat sur la norme au Québec vient donc d’entrer dans un nouveau paradigme » [5]. Pour un autre linguiste québécois, Wim Remysen, "le polémiste" Lionel Meney "s’acharne depuis des années à combattre toute tentative de description complète du français qui a cours au Québec"[6]. L'avis de Wim Remysen, dans la même recension, est résumé ainsi : "Par son ton souvent condescendant et ses propos délibérément polémiques, l’ouvrage de Meney ne saurait donc être considéré comme une étude scientifique". Pour la linguiste franco-canadienne Gaëlle Planchenault, l'ouvrage s'inscrit dans une lignée d'autres écrits "prophétiques" qui manient "l'alarme et l'hyperbole" [4]. Tout en reconnaissant l'intérêt de l'ouvrage et une qualité du propos, la juriste Albane Geslin estime que le ton de l'ouvrage "confine à la diatribe"[7]. Toujours selon Albane Geslin, même article, Lionel Meney "confond très fréquemment une variation en termes de pourcentage et une variation en termes de point, ce qui est quelque peu gênant".

Dans Le français québécois entre réalité et idéologie. Un autre regard sur la langue (2017), Lionel Meney analyse le rapport entre la réalité du marché linguistique québécois et les représentations que plusieurs s'en font. Dans une première partie, il présente, à partir d'exemples authentiques, les principaux particularismes du français québécois (prononciation, morphologie, syntaxe, lexique, phraséologie) par rapport au français dit de référence ou français standard. Dans une deuxième partie, il décrit la concurrence à laquelle se livrent sur le marché linguistique québécois deux variétés de français, le français vernaculaire québécois et un français international à l'aide d'une étude de très nombreux exemples tirés de la presse québécoise et européenne. Dans une troisième partie, il analyse différentes représentations du problème linguistique québécois à travers l'examen de plusieurs publications sur la langue et catégorise ces représentations (classées en joualisants, québécisants, aménagistes, internationalisants et francisants). En conclusion, il développe les différents enjeux (identitaires, politiques, culturels, économiques, pédagogiques, etc.) à la clé dans le débat permanent sur la norme linguistique et la "qualité de la langue" au Québec.

Dans Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais. Enquête (2024), Lionel Meney traite en détail de ce qu'il nomme la double concurrence exercée par l’anglais sur le français, à la fois dans le domaine de son corpus (lexique et grammaire) et de son statut (de son utilisation). Dans une première partie, il décrit ce qu’il appelle « le visage franglais » des villes de France, l’utilisation de plus en plus fréquente de l’anglais pour désigner des entreprises, des produits et des services. Dans une deuxième partie, il détaille la pénétration de l’anglais dans le corpus de la langue (les anglicismes). Cette pénétration ne se limite pas aux emprunts de mots (kit, pack, set, etc.), mais s’étend à ceux de sens (conventionnel, dédié, éligible, etc.). Selon l'auteur, l'influence de l'anglais ne se limite pas non plus au lexique, mais touche la morphologie et la syntaxe. Cependant la prolifération des anglicismes n’est pas la principale menace pour le français, selon l'auteur. Dans une troisième partie, il propose de décrire ce qu’il appelle les « territoires perdus de la langue française », c’est-à-dire les domaines dans lesquels l’anglais est en train de supplanter, ou a déjà supplanté, le français au niveau international (langue de la diplomatie, de la recherche scientifique, du commerce, etc.). Il montre aussi que la situation du français en Afrique est fragile. En conclusion, il avance une série de propositions pour freiner ce qu'il considère comme le déclin du français et prône l’établissement d’une véritable politique linguistique en France et en Europe. Selon l’auteur, deux lois favoriseraient la prolifération des anglicismes et la réduction des domaines d’utilisation du français, la loi du moindre effort et la loi d’utilité des langues.

Lionel Meney fut finaliste du prix Marcel-Couture du salon du livre de Montréal pour son Dictionnaire québécois-français (2000) et finaliste du prix Victor-Barbeau de l’Académie des lettres du Québec pour son essai Main basse sur la langue (2011). Il a reçu la médaille de la Renaissance française au titre de l’expansion de la langue française en l'an et a été nommé chevalier des Palmes académiques par le ministère de l’Éducation nationale de France pour sa contribution au rayonnement de la langue et de la culture françaises (2002).

  1. Recherche « Meney Lionel » sur lyon-normalesup.org/Annuaire.
  2. Le Soleil, Extra, , p. E3.
  3. a b et c François Ost, « Couverture fascicule La querelle des dictionnaires. À qui appartient la langue ? », Bulletins de l'Académie Royale de Belgique, vol. 16-7-12,‎ , p. 315-375 (lire en ligne)
  4. a et b Gaëlle Planchenault, « De la qualité du français à la bataille contre l’anglais : une étude comparative des discours sur la défense du français dans la presse écrite québécoise et française », Semen. Revue de sémio-linguistique des textes et discours, no 40,‎ (ISSN 0761-2990, DOI 10.4000/semen.10452, lire en ligne, consulté le )
  5. Le Français moderne, 78, 2, , pp. 306-308.
  6. Wim Remysen, « Lionel Meney, Main basse sur la langue : idéologie et interventionnisme linguistique au Québec, 2010 », Textes et contextes, no 5,‎ (ISSN 1961-991X, lire en ligne, consulté le )
  7. Albane Geslin, « Lionel Meney, Main basse sur la langue. Idéologie et interventionnisme linguistique au Québec », Mots. Les langages du politique, no 99,‎ , p. 143–146 (ISSN 0243-6450, DOI 10.4000/mots.20787, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

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Liens externes

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