Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse
La loi no 49-956 du sur les publications destinées à la jeunesse est une loi française visant à réguler la diffusion des livres et de la presse jeunesse[1].
Contexte
modifierSoutenue par une campagne du Cartel d'action sociale et morale, le successeur de la Ligue pour le relèvement de la moralité publique, la loi fut votée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour d'une part, favoriser la production nationale d'illustrés face aux importations perçues comme massives de bandes dessinées américaines, qui étaient, entre autres, soupçonnées de favoriser la délinquance juvénile par les représentations jugées violentes qu'elles contenaient[1] ; d'autre part, cette loi vient renforcer un arsenal législatif quant à l'atteinte aux bonnes mœurs, qui interdit aux libraires et kiosquiers d'exposer des publications pouvant heurter la sensibilité des jeunes publics — notamment pour tout ce qui est lié à la sexualité, voire à la pornographie[2].
Elle a instauré la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence, organe mixte chargé de contrôler a posteriori les publications, et conduit les éditeurs de bande dessinée à une certaine forme d'autocensure. La permanence de la composition de membres de la Commission et le texte de la loi donnent une influence par delà son temps au contexte moral et sociopolitique de l'immédiat après-guerre. Plusieurs fois amendée depuis son vote, la loi est toujours en vigueur.
Elle permet à des associations de protection de l'enfance d'attaquer en justice des éditeurs d'ouvrages, mais aussi à l'État d'interdire la vente, l'exposition, la publicité d'ouvrages. Toutefois, cette loi est largement contrebalancée par la jurisprudence qui tend, depuis une trentaine d'années, à pencher du côté de la liberté d'expression.
Contenu
modifierJusqu'en 2011, les publications destinées à la jeunesse ne devaient pas montrer sous un jour favorable « le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Ces publications ne doivent pas non plus comporter de publicité, d'annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. »[3]
En 2011, la loi a été modifiée comme suit : les publications destinées à la jeunesse « ne doivent comporter aucun contenu présentant un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou lorsqu'il est susceptible d'inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral de l'enfance ou la jeunesse. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. »[4]
Notes et références
modifier- Bernard Joubert, Dictionnaire des livres et journaux interdits par arrêtés ministériels de 1949 à nos jours, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, , 1213 p. (ISBN 978-2-7654-0951-9), p. 9
- Jean-Matthieu Méon, « La protection de la jeunesse comme légitimation du contrôle des médias. Le contrôle des publications pour la jeunesse en France et aux Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale », Amnis. Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques, no 4, , p. 3 (ISSN 1764-7193, DOI 10.4000/amnis.720, lire en ligne, consulté le )
- Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse sur www.legifrance.gouv.fr
- loi n°2011-525 du 17 mai 2011 - art.46 sur www.legifrance.gouv.fr
Annexes
modifierBibliographie
modifier- André Cantenys, Pierre Guilbaud et Raoul Rossi, « « On tue à chaque page » », Enfance, t. 6, no 5 « Les journaux pour enfants », , p. 413-416 (lire en ligne).
- Paulette Charbonnel, « Comment a été votée la loi du 16 juillet 1949 », Enfance, t. 6, no 5 « Les journaux pour enfants », , p. 433-437 (lire en ligne).
- Thierry Crépin (dir.) et Thierry Groensteen (dir.), « On tue à chaque page ! » : La Loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, Paris, Éditions du Temps, , 253 p. (ISBN 2-84274-098-X, présentation en ligne), [lire en ligne].
- Thierry Crépin, « Haro sur le gangster ! » : la moralisation de la presse enfantine, 1934-1954, Paris, CNRS éditions, , 493 p. (ISBN 2-271-05952-6, présentation en ligne).
- Thierry Crépin et Anne Crétois, « La presse et la loi de 1949, entre censure et autocensure », Le Temps des médias, Éditions Nouveau Monde, no 1 « Interdits. Tabous, transgressions, censures », , p. 55-64 (lire en ligne).
- Pierre-Alexis Delhaye, « Lug : Edition, adaptation et censure », Comics Signatures, Marseille, Neofelis Editions, t. 1, no 3, , p. 4-139 (ISBN 979-10-90314-12-2, présentation en ligne).
- Raoul Dubois, « La loi du 16 juillet 1949 », Enfance, t. 6, no 5 « Les journaux pour enfants », , p. 439-450 (lire en ligne).
- (en) Richard I. Jobs, « Tarzan under Attack : Youth, Comics, and Cultural Reconstruction in Postwar France », French Historical Studies, vol. 26, no 4, , p. 687-725 (DOI 10.1215/00161071-26-4-687).
- (en) Joel E. Vessels, Drawing France : French Comics and the Republic, Jackson, University Press of Mississippi, , XII-305 p. (ISBN 978-1-60473-444-7, présentation en ligne).
Articles connexes
modifier- Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence
- On tue à chaque page
- Bande dessinée jeunesse
Lien externe
modifier- Loi sur les publications destinées à la jeunesse (version actuelle)