Louis Gabriel Gauny

ouvrier, poète et philosophe français

Louis Gabriel Gauny ou Gabriel Gauny est un ouvrier, poète et philosophe francais, né le à Paris[1], ville où il est mort le .

Biographie modifier

Fils d’un potier de terre et d’une blanchisseuse, né rue du Faubourg-Saint-Antoine, Louis Gabriel Gauny travaille comme ouvrier menuisier en parquet ; il est employé aux chemins de fer de Lyon de 1846 à 1851[2]. Proche des milieux saint-simoniens, il publie en 1838 des articles et des poèmes dans le journal La Ruche populaire. Journal des ouvriers animé par Jules Vinçard[3] et participe en 1841 au recueil publié par le saint-simonien Olinde Rodrigues Poésie sociale des ouvriers. Autodidacte, il évoque l’insécurité qu’il éprouve quand il s’agit d'écrire : « J’ai appris à parler mal comme d’autres entourés de bons exemples se sont accoutumés au mot propre, à la phrase légale. Enfant des faubourgs et sans cesse en rapport avec les verdeurs d’un français corrompu, pour moi les mauvaises locutions se sont faites principes. Ma misérable éducation, rétive par instinct et pauvre de mémoire, laisse courir ses syntaxes séditieuses comme une bande de vandales poursuivie par la loi. »[4].

Lors de la révolution de 1848, il fréquente le Club central du travail, fonde et anime le Club de l’organisation des travailleurs, et écrit des articles sur le travail et l'aliénation des ouvriers dans le Tocsin des Travailleurs qui paraît du 1er au , en particulier « Le travail à la journée », « Condition des classes laborieuses » et « Aux ouvriers constructeurs de prisons cellulaires »[3] ; il s'y montre sensible aux revendications féministes dans un article publié le , « L'orgueil de la barbe »[5]. Il publie quelques recueils de poèmes. En 1878, il est secrétaire d'une société saint-simonienne de secours mutuels, « Société des Amis de la Famille »[2].

Il meurt en son domicile le dans le 13e arrondissement de Paris[6], et est inhumé au Cimetière parisien d'Ivry (11e division)[7].

Ce sont les conditions aliénantes de son travail qui le poussent à commencer dès 1830 la rédaction d’un corpus de manuscrits qu’il terminera vers 1880. Ces textes à caractère philosophique ne seront pas publiés de son vivant.

En tombant sur une lettre où Gauny parle des conditions de vie des ouvriers au XIXe siècle, Jacques Rancière rassemble dans Le Philosophe plébéien les textes inédits les plus significatifs de Gauny, dont le fonds de 471 manuscrits est conservé à la bibliothèque municipale de Saint-Denis : ces archives ont été données en 1937 par Thilda Harlor qui en était dépositaire[8]. Cette édition des œuvres de Gauny par Rancière est publiée en 1983, et rééditée en 2017 avec un avant-propos complété[9],[10].

Au-delà du fait que Gauny est, pour Rancière, le « philosophe plébéien », ses œuvres sont surtout un véritable témoignage de la condition ouvrière au XIXe siècle et du désir de s'en extraire.

Œuvres modifier

Publiées de son vivant modifier

  • Poème Hosannah !, dans Poésies sociales des ouvriers, réunies et publiées par Olinde Rodrigues, Paris, Paulin, 1841, p. 83-88 Lire en ligne sur Gallica.
  • La Forêt de Bondy, distiques, Paris, A. Patay, 1879, 71 p.
  • Sonnets déchaînés, Paris, A. Patay, 1884, 121 p.

Publications posthumes modifier

  • Les Fleurs, poésies, Paris, Librairie des sciences psychologiques, 1893, 174 p. (édition posthume par Amélie Ragon Hammer[11]).
  • Le philosophe plébéien. Textes présentés et rassemblés par Jacques Rancière, Paris, Maspero, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1983, 205 p. (ISBN 2-7071-1420-0) ; réédition revue, corrigée et augmentée, Paris, La Fabrique, 2017, 276 p. (ISBN 978-2-35872-159-2).

Références modifier

  1. Archives de Paris, acte de naissance reconstitué, année 1806 (page 4/30).
  2. a et b Jean-Jacques Goblot et Philippe Régnier 2009.
  3. a et b Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, Zones, 2016 (ISBN 978-2-35522-088-3) Lire en ligne.
  4. Cité dans Le philosophe plébéien, 1983, p. 21.
  5. Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation en 1848, Paris, éditions du Seuil, 2014, note 63 Lire en ligne.
  6. Archives de Paris 13e, acte de décès no 956, année 1889 (vue 10/24)
  7. Registre journalier d'inhumation d'Ivry de 1889, en date du 18 avril (page 4/31)
  8. Daniel Keller, La valorisation des collections patrimoniales : le cas de la bibliothèque municipale de Saint-Denis, mémoire d'étude, ENSSIB, 2000, p. 19 Lire en ligne.
  9. Compte-rendu : Jérôme Lamy, « Gabriel Gauny, Le philosophe plébéien », dans Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 143, 2019 Lire en ligne.
  10. Compte-rendu : Clément Willer, « Le philosophe plébéien de Gabriel Gauny », dans Spirale, n° 267, hiver 2019, p. 41–43 Aperçu en ligne.
  11. Amélie Amélie Sylvia Ragon de Bettignies avait épousé en premières noces Eugène Perrot ; ils ont eu une fille, Thilda Harlor ; Amélie se remarie avec le pianiste Richard Hammer.

Bibliographie modifier

  • Émile Souvestre, « Les Penseurs inconnus. II. Gauny », dans Revue de Paris, vol. 19, 1839, p. 261-267 Lire en ligne.
  • Thilda Harlor, « Un ouvrier-poète : Gabriel Gauny, 1806-1889 (documents inédits) », dans La Révolution de 1848 et les révolutions du XIXe siècle, tome 34, n°, 161, juin-juillet-, p. 69-94 Lire en ligne sur Persée ; réédité en 1962, Alfort, éditions du Manuscrit, 54 p.
  • Jacques Rancière, « Le Prolétaire et son double, ou le Philosophe inconnu », dans Les Scènes du peuple, Lyon, Horlieu éditeur, 2003, p. 21-33.
  • Jacques Rancière, La nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard, 1981, 451 p. (ISBN 2-213-00985-6) ; réédition avec un avant-propos modifié, Paris, Pluriel, 2012 (ISBN 978-2-8185-0296-9) Lire en ligne.
  • Jean-Jacques Goblot et Philippe Régnier, « GAUNY Gabriel [GAUNY Louis, Gabriel] », dans Le Maitron, 2009 Lire en ligne.
  • Stéphane Douailler, « La voix de Louis-Gabriel Gauny », dans Cahiers critiques de philosophie, n° 18, 2017.

Liens externes modifier