Louis IV Henri de Bourbon-Condé
Louis IV Henri de Bourbon-Condé, né au château de Versailles le et mort au château de Chantilly le , fut le septième prince de Condé. Fils de Louis III de Bourbon-Condé et de Louise-Françoise de Bourbon, fille légitimée du roi Louis XIV et de Madame de Montespan, il fut également duc de Bourbon, duc d'Enghien, duc de Guise, duc de Bellegarde, comte de Sancerre et pair de France. Il fut premier ministre du roi Louis XV de 1723 à 1726.
Titre
–
(29 ans, 10 mois et 23 jours)
Prédécesseur | Louis III de Bourbon-Condé |
---|---|
Successeur | Louis V Joseph de Bourbon-Condé |
Titulature |
Duc de Bourbon Duc de Montmorency Duc d'Enghien Prince de Condé Prince du sang Comte de Sancerre Comte de Charolais Seigneur de Chantilly |
---|---|
Dynastie | Maison de Condé |
Distinctions | Grand maître de France |
Autres fonctions |
Chef du Conseil de Régence Principal ministre d'État |
Naissance |
Château de Versailles (France) |
Décès |
(à 47 ans) Château de Chantilly (France) |
Sépulture | Collégiale Saint-Martin de Candes |
Père | Louis III de Bourbon-Condé |
Mère | Louise-Françoise de Bourbon |
Conjoint |
Marie-Anne de Bourbon-Conti Caroline de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg |
Enfants |
Louis V Joseph de Bourbon-Condé Henriette de Bourbon-Condé (1725-1780) |
Religion | Catholicisme |
Signature
Même après être devenu prince de Condé en 1710, on l'appelait encore « Monsieur le Duc », la maison de Condé ayant renoncé au titre de « Monsieur le Prince », au profit de la maison d'Orléans. Il est habituellement désigné sous le titre de « duc de Bourbon ».
Biographie
modifierEnfance
modifierFils de Louis III de Bourbon-Condé et de Louise-Françoise de Bourbon, dite « Mademoiselle de Nantes », Louis-Henri de Bourbon-Condé est né le au château de Versailles. Il est baptisé en la chapelle royale de Versailles le , en même temps que ses sœurs Louise-Élisabeth de Bourbon-Condé et Louise-Anne de Bourbon-Condé. Arrière-petit-fils de Louis II de Bourbon-Condé, dit le « Grand-Condé », il devient aîné de sa branche en 1710.
À la mort du duc de Berry en mai 1714, il passa en huitième rang dans l'ordre de succession au trône de France, derrière le dauphin (futur Louis XV), le roi d'Espagne, le prince des Asturies, l'infant Philippe, l'infant Ferdinand, le duc d'Orléans et son fils le duc de Chartres, ou au quatrième rang pour les partisans du duc d'Orléans et de la validité de la renonciation du roi d'Espagne à ses droits et à ceux de ses fils (renonciation imposée aux Bourbons en 1712, dans le cadre de la négociation mettant fin à la guerre de Succession d'Espagne).
La Régence
modifierLe testament de son grand-père le roi Louis XIV lui donnait une place au Conseil de régence dès sa majorité atteinte (24 ans). Le , après la mort du roi, se tint une séance solennelle dans la grande chambre du Parlement de Paris, réunissant les cours souveraines, les princes du sang et les ducs et pairs. C'était la coutume pour proclamer la régence. Il fut donné lecture du testament de Louis XIV et de l'édit d'août 1714 relatif au droit de succession de ses enfants légitimés. Le duc d'Orléans se fit proclamer régent par les gens du roi. Il réclama une admission immédiate du duc de Bourbon au Conseil, avec la charge de chef.
Le duc de Bourbon, grand maître de France, réclama également que le commandement des troupes, attribué par Louis XIV au duc du Maine, fût confié au régent. Le duc de Bourbon et le duc du Maine s'échauffèrent beaucoup, mais le duc d'Orléans obtint gain de cause. Dès janvier 1716, le duc de Bourbon le duc du Maine entrèrent au Conseil de la guerre, ce qui y amena des querelles de préséance avec son président, le maréchal de Villars. Tensions avivées par l'arrivée du prince de Conti en avril 1717. En 1718, le Conseil de la guerre devint, selon le mot de Saint-Simon, « une pétaudière ».
Au cours de l'année 1718, l'activité du Conseil de la guerre, comme celle des autres conseils de la polysynodie, déclina considérablement, que ce soit en termes de fréquence des réunions ou de volume des affaires traitées. Le , le Régent mit fin à la polysynodie[1]. Dans le même temps, le duc de Bourbon s'employa à diminuer le rang des enfants légitimés. En août 1716, accompagné de son frère le comte de Charolais et de son cousin le prince de Conti, il demanda à Louis XV un lit de justice pour abolir les dispositions de 1714.
Le , le Conseil de régence révoqua l'édit de 1714 et la déclaration du . Néanmoins, les enfants légitimés conservaient leurs privilèges, notamment la préséance sur les ducs et pairs. À la suite du lit de justice du , les enfants légitimés perdirent leurs honneurs, et le duc de Bourbon s'arrogea sur la surintendance de l'éducation de Louis XV à la place du duc du Maine. C'est au cours de cette période qu'il joue un rôle clé dans le krach du système de Law, en demandant au printemps 1720 à convertir ses billets de la Banque générale en or, comme le fit au même moment son cousin le prince de Conti.
Principal ministre d'État
modifierLe , à la mort du duc d'Orléans, le duc de Bourbon demanda immédiatement au roi sa succession comme principal ministre d'état (premier ministre). Sur l'approbation du cardinal de Fleury, Louis XV accepta. Il s'engagea néanmoins à ne jamais consulter le duc de Bourbon en l'absence du cardinal. Laid, grand et borgne, le duc passait pour « peu esprité », selon l'expression de l'époque. Le cardinal de Bernis écrivit dans ses mémoires au sujet du duc :
Il était de caractère inconstant et emporté. La maîtresse du duc, la marquise de Prie, avait beaucoup d'influence sur lui. Elle se contentait néanmoins, pour l'essentiel, de protéger les arts et les lettres. De fait, il abandonna une partie des affaires au cardinal de Fleury, en particulier la question religieuse, et notamment la querelle de la bulle Unigenitus. Sa première tâche réelle fut de trouver une épouse pour le jeune roi, désormais capable de procréer. Or sa fiancée, l'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne, était encore en bas âge. Le nouveau duc d’Orléans était donc le premier dans l’ordre de succession, et le duc de Bourbon ne voulait pas courir le risque de le voir monter sur le trône. À la fin de février 1725, Louis XV dut s’aliter pour avoir trop mangé et chassé.
Affolé, le duc de Bourbon résolut de lui trouver sans délai une nouvelle fiancée. On l’entendit marmonner : « S’il en réchappe, il faut le marier. » Le , l’infante fut renvoyée. Refusant la princesse de Lorraine parce qu'elle était la nièce du feu régent, ne pouvant imposer sa propre sœur, Monsieur le Duc, soumis à la marquise de Prie, passa en revue les candidates et arrêta son choix sur une princesse obscure, fille du roi de Pologne en exil, et quasi-vieille fille (21 ans) dont on espérait que la reconnaissance serait un soutien qui permettrait de conserver le pouvoir, Marie Leszczynska. Fleury, indifférent, s'inclina et le mariage fut célébré dans l'année.
Après deux ans d'exercice, le duc de Bourbon se trouvait détesté de tous. Après l’effondrement du système de Law, il fallait assainir les finances, exercice qui rendait peu populaire, même s’il était en réalité conduit par le financier Joseph Pâris Duverney. Un lit de justice fut nécessaire, le , pour faire enregistrer par le Parlement de Paris les mesures fiscales indispensables.
Disgrâce et exil
modifierMonsieur le Duc finit par prendre ombrage de la présence continuelle de Fleury lors de ses entretiens avec le roi. À la fin de 1725, il demanda à la reine de l’aider. Reconnaissante du rôle joué dans son mariage, celle-ci accepta. Elle fit appeler Louis XV qui, arrivant dans ses appartements, y trouva le duc de Bourbon qui se mit à lui parler d’affaires en multipliant les allusions hostiles à Fleury. Louis XV resta impassible. Monsieur le Duc finit par lui demander ce qu’il pensait des imputations qu’il avait formulées à l’encontre de l’évêque de Fréjus :
- Rien, dit le roi.
- Votre Majesté ne donne-t-elle aucun ordre ?
- Que les choses demeurent comme elles sont.
- J’ai donc eu le malheur de déplaire à Votre Majesté.
- Oui.
- Votre Majesté n’a plus de bontés pour moi ?
- Non.
- Monsieur de Fréjus a seul la confiance de Votre Majesté ?
- Oui.
Le duc de Bourbon se jeta alors aux pieds du roi en implorant son pardon, que Louis XV lui accorda d’un ton glacial avant de sortir. Fleury, ayant compris ce qui s’était passé en réalisant que le roi était seul avec Monsieur le Duc, quitta aussitôt Versailles en laissant une lettre dans laquelle il faisait valoir que « ses services lui paraissant désormais inutiles », il le suppliait « de lui laisser finir ses jours dans la retraite et préparer son salut auprès des sulpiciens d’Issy ». Le duc de Bourbon fut contraint d’écrire de sa main la lettre par laquelle il demandait à Fleury de revenir. Il resta nominalement au pouvoir jusqu’au , quand le roi l’exila en son château de Chantilly, à la satisfaction de l’opinion. Le duc du bourbon y mourra en 1740.
Fortune et spéculation
modifierIl s’était grandement enrichi (plus de 20 millions de livres) grâce au « système de Law ». Cela lui permettait de mener grand train à Chantilly où il entretenait un magnifique équipage de vénerie. Louis XV y passa un mois, du au , chassant presque tous les jours. Il y revint en 1725, y passant cette fois-ci deux mois (du au ). En 1725, le chimiste Cicaire Cirou met au point une pâte de porcelaine tendre pour le compte du duc de Bourbon, qui fonde la manufacture de porcelaine de Chantilly, l'une des premières en France.
En 1735, Louis XV accorde pour vingt ans un privilège à Cicaire Cirou qui se voit autorisé à produire « une porcelaine fine de toutes couleurs, espèces, formes et grandeurs à l'imitation du Japon »[2]. Le procédé de fabrication est amélioré, grâce à l'action de Claude Humbert Gérin, qui parvient à mettre au point une pâte plus blanche en ajoutant de l'alun calciné dans la fritte. Il réussit à obtenir une porcelaine tendre d'un blanc parfait.
Mariage
modifierEn 1713, il épousa sa cousine Marie-Anne de Bourbon-Conti , fille du Grand Conti. Ils se marièrent au château de Versailles lors d'une cérémonie commune avec sa sœur Louise-Élisabeth, qui épousa le frère de Marie-Anne. Elle mourut en 1720 et il n'eut pas d'enfants de ce premier mariage. Le à Sarry, Louis-Henri épousa Caroline de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg, fille d’Ernest-Léopold de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg. Ensemble, les deux époux eurent un fils :
- Louis V Joseph de Bourbon-Condé, huitième prince de Condé. Il sera à la tête de l'armée des émigrés lors de la Révolution française.
Il eut aussi une fille d'une liaison avec Armande Félice de La Porte Mazarin, marquise de Nesle et mère des sœurs de Nesle. Baptisée Henriette de Bourbon-Condé et titrée « Mademoiselle de Verneuil » (-), elle épousa le Jean-Roger de Laguiche, comte de Sévignon. De ce mariage est ainsi né Amable-Charles de Laguiche, comte de Sévignon.
Ascendance
modifierTitulature et décoration
modifierTitulature
modifier- — : Son Altesse Sérénissime Louis-Henri de Bourbon, duc d'Enghien, prince du sang de France ;
- — : Son Altesse Sérénissime Louis-Henri de Bourbon, duc de Bourbon, prince du sang de France ;
- — : Son Altesse Sérénissime Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, prince du sang de France.
Décoration dynastique française
modifierChevalier des ordres du Roi () |
Décoration dynastique étrangère
modifierChevalier de l'ordre de la Toison d'Or (1724) |
Bibliographie
modifier- Christophe Levadoux : Louis-Henri de Bourbon-Condé (1692-1740), prince des Lumières, 2 vol., no 1 : Les bâtiments du prince et leurs décors ; no 2 : Collections et objets d’art, éditions Cohen & Cohen (à paraître).
- Christophe Levadoux : "Une collection princière au XVIIIe siècle : les peintures chez le duc de Bourbon (1692-1740)", Les Cahiers d’histoire de l’Art, no 21, 2023, p. 35-37.
- Christophe Levadoux : "Ville et population de Chantilly de 1722 à 1739", Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XLV, 2022, p.128-145.
- Christophe Levadoux : "Essai sur la fortune et les revenus de Louis IV Henri de Bourbon-Condé (1692-1740)", Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XLIV, 2021, p. 5-29.
- Christophe Levadoux : "Le château de Laversine au XVIIIe siècle", Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XLIII, 2020, p.66-75.
- Christophe Levadoux : "Numismatique et bibliophilie chez le prince de Condé en 1740", Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XLIII, 2020, p. 24-63.
- Christophe Levadoux : "Les insignes collections de porcelaines du prince de Condé", L’Objet d’art, no 571, octobre 2020, p. 42-52.
- Christophe Levadoux : "Un état inédit : le Grand Château de Chantilly sous le règne du duc de Bourbon (1692-1740)", Carnet parodien d’histoire de l’art et d’archéologie, 24 octobre 2019, [en ligne], https://carnetparay.hypotheses.org/235
- Christophe Levadoux : "L’hôtel parisien des princes de Condé au temps de M. le Duc (1692-1740)", Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 2019, p. 23-46.
- Christophe Levadoux : "Un inventaire inédit : le cabinet de curiosités de Louis-Joseph de Bourbon-Condé (1736-1818)", Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XLII, 2019, p. 4-57.
- Christophe Levadoux : "Les princes de Condé à Saint-Germain-en-Laye, focus sur un hôtel oublié", Bulletin des Amis du Vieux Saint-Germain, no 56, année 2019, p. 219-236.
- Christophe Levadoux : "Un palais à la gloire du cheval : les écuries de Chantilly au XVIIIe siècle", Livraisons d’histoire de l’architecture, Varia, no 38, 2e semestre 2019, p.39-50.
- Christophe Levadoux : "L’organisation socio-économique des écuries de Chantilly durant la première moitié du XVIIIe siècle", In Situ, rubrique Varia, no 12, février 2010, [en ligne], https://journals.openedition.org/insitu/6730
- Christophe Levadoux : "Le cabinet de curiosités de Chantilly", Bulletin du Musée Condé, no 65, novembre 2008, p. 2-15.
- Christophe Levadoux : "Le décor de Singeries de Chantilly", L’Objet d’art, mai 2008, no 435, p. 42-52
Filmographie
modifier- Dans le film Que la fête commence... (1975) de Bertrand Tavernier, son rôle est interprété par Gérard Desarthe ;
- Dans le film L'Échange des princesses (2017) de Marc Dugain, son rôle est interprété par Thomas Mustin.
Notes et références
modifier- Alexandre Dupilet, La Régence absolue. Philippe d'Orléans et la polysynodie (1715-1718), Seyssel, Champ Vallon, coll. « époques », , 437 p. (ISBN 978-2-87673-547-7)
- Jannic Durand, Michèle Bimbenet-Privat, Frédéric Dassas, Décors, mobilier et objets d'art du musée du Louvre - De Louis XIV à Marie-Antoinette, coéd. musée du Louvre/Somogy, 2014, (ISBN 978-2-75720-602-7), page 205.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :