Louis Renard (réseau)

Réseau de résistance française

Le réseau Renard est un groupe de résistance à l'occupation nazie dans le Poitou fondé dès 1940 par Louis Renard[1]. L'objectif du réseau était d'assurer des opérations de propagande anti-vichyste (journal clandestin Le Libre Poitou) puis de préparer l'accueil de troupes d'invasion d'Angleterre et d'établir des liaisons avec d'autres groupes de résistants. Il fut découvert en été 1942. Près de 100 personnes furent arrêtées, principalement à Poitiers. La plupart furent relâchées mais 29 personnes ont été déportées en Allemagne début 1943 et 11 (dont tous les dirigeants) guillotinées à la prison de Wolfenbüttel, Basse-Saxe, le .

Création du réseau

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En 1939-1940, Louis Renard est officier interprète de liaison entre les armées françaises et britanniques. Après la défaite, Louis Renard s'emploie non seulement au développement d'un groupe local de résistants, mais encore à la fédération des bonnes volontés et des petits cercles de résistants qui éclosent un peu partout dans le Poitou. Une liaison est établie avec l'Armée des Volontaires à Paris (1941). Ses adjoints sont Louis Toussaint, Gaston Chapron et Noël Sorin.

Activités et chute du réseau

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La principale activité de résistance de l'organisation a été de publier un journal libre : le Libre Poitou pendant une grande partie de l'occupation allemande et de fédérer ainsi "les bonnes volontés".

Sa dernière opération a été la création d'une liste de personnes présumées favorables à la résistance, et modérées politiquement, d'inspiration gaulliste, en vue de les "mobiliser" pour une action sur le terrain le moment venu, en cas de débarquement anglo-américain, afin de faire pièce aux communistes en cas de libération du territoire. Renard charge Louis Cartan, jeune professeur à la faculté des sciences, de masquer la centaine de noms qui composent la liste. Pour cela, le scientifique utilise des formules chimiques, ce qui lui permet de la dissimuler parmi les instruments de travail de son laboratoire[2].

En raison du zèle de deux employés de la Poste de Niort[2] qui avaient intercepté des instructions clandestines cachées dans un colis, l'existence du réseau Renard arriva jusqu'à la Police française, qui procéda aux premières arrestations. Les autorités considèrent en effet que l’affaire entre complètement dans le champ d’application de l’accord qui vient juste d’être conclu entre René Bousquet et le général Carl Oberg, chef des SS et de la police, pour organiser la lutte contre la résistance naissante (voir article sur la Collaboration policière sous le régime de Vichy).

Arrestations

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À partir du , sur la centaine de personnes figurant sur la liste, environ 80[2] sont arrêtées à Niort, à Poitiers, à Richelieu, à Mirebeau, à Civray, à Chinon, etc.; par un service de police français : la SRAJOP d'Angers (service de répression des menées anti-nationales). Toutefois plusieurs policiers de Poitiers, membres ou en lien avec le réseau Renard, étaient au courant de l'enquête et ont pu prévenir Louis Renard, Gaston Chapron, et Noël Sorin, les deux derniers parvenant à s'échapper[3],[4] : le commissaire Albert Petit[5], le secrétaire de police Jean Stator[6], le rédacteur de la préfecture Jean Egreteau[7], le secrétaire de police Charles Bichat[8]. Louis Renard est néanmoins arrêté le . Des policiers allemands assistent aux interrogatoires.

Les interrogatoires et perquisitions permirent ensuite aux policiers français de prendre connaissance de l'existence de la liste, puis de décrypter son contenu[9]. Parmi les 97 hommes qui paraissent sur cet état, on relève des universitaires, des étudiants, des commerçants, des employés, des juristes, des membres du clergé. La liste fut transmise à la Gestapo (SIPO-SD) qui laissa la police politique de Vichy procéder aux arrestations successives en août et , d'environ 80 personne dont les noms figuraient sur la liste. Parmi les personnes arrêtées, la plupart sont libérés. Il s'agissait bien souvent de personnalités réputées fiables et à sympathies gaullistes, ou de connaissances, parfois intimes, parfois lointaines, de Louis Renard, mais pas forcément engagées activement dans la Resistance.

Le , les 29 membres du Réseau encore emprisonnés sont transférés à Fresnes.

Déportations

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Le , les captifs sont déportés à Trèves, en application du décret Nacht und Nebel. Le 19, ils sont transportés au camp spécial SS de Hinzert où meurent Louis Bordas et Joseph Riedinger, de coups et mauvais traitements. Le , ils sont transférés à la prison NN de Wolfenbüttel près de Brunswick. Le , Louis Renard et dix de ses compagnons comparaissent devant le 2e sénat du Volksgerichtshof. Les chefs d'accusation sont "aide à l'ennemi, organisation d'un réseau, espionnage". Tous sont condamnés à mort.

Exécutions

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Le , les condamnés sont guillotinés dans la chambre d'exécution de la prison : Louis Renard, 49 ans, avoué et bâtonnier ; Louis Toussaint, 38 ans, professeur ; Louis Cartan, 34 ans, professeur ; Théodore Lefebvre, 54 ans, professeur ; Georges Duret[10], 56 ans, chanoine et professeur ; Pierre Pestoureau, 40 ans, huissier ; Aimé Lambert, 69 ans, moine bénédictin ; Jacques Moreau, 23 ans, étudiant ; Clément Peruchon[11], 20 ans, étudiant ; Paul Préaux, 22 ans, employé de banque ; Jacques Levrault[12], 21 ans, étudiant.

Travaux forcés

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Le , les militants épargnés par le VGH sont envoyés, les uns à la Prison de Brandebourg où ils sont gardés sans jugement jusqu'à la libération, les autres à Breslau, siège d'un Sondergericht (tribunal spécial) compétent dans les affaires Nacht und Nebel. Condamnés à des peines de travaux forcés, ils sont emprisonnés, puis, quand la procédure NN tombe en désuétude, transférés aux camps de Gross-Rosen, Dachau ou Dora. La plupart des rescapés mourront des suites de leur captivité.

Hommages

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Un monument en hommage au réseau Renard et à ses 52 agents morts pour la France a été élevé au cimetière Chilvert, à Poitiers.

Certains historiens ont dénombrés que le réseau comptait pas moins de 172 membres au total[13] mais le chiffre exacte semble difficile à établir précisément en raison de la "création précoce du mouvement et sa chute précipitée"[2].

Notes et références

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  1. Limore Yagil, Les "anonymes" de la Résistance : 1940-1942 : motivations et engagements de la première heure, Paris, Editions SPM, , 466 p. (ISBN 978-2-37999-003-8, lire en ligne)
  2. a b c et d « Le réseau Louis Renard : historique – VRID Mémorial », sur www.vrid-memorial.com (consulté le )
  3. Luc Rudolph, Policiers contre policiers. Une Résistance oubliée : la police. 1940-1945. Policiers rebelles volume 2., Paris, SPE Militaria, , 679 p.
  4. Limore Yagil, Désobéir : des policiers et des gendarmes sous l'occupation : 1940-1944, Paris, Nouveau Monde éditions, , 379 p. (ISBN 978-2-36942-655-4)
  5. GR16P 471468, membre du réseau en février 1941, prévient Renard et quelques chefs du réseau de l'ouverture de l'enquête trois semaines avant les arrestations, ce qui provoque à son tour son arrestation et sa déportation.
  6. GR16 556267, a également prévenu Louis Renard selon le témoignage de Gaston Préaux, et a été arrêté par la Gestapo du 30 septembre au 9 octobre.
  7. GR16P 207821, soupçonné d'être à l'origine des fuites et arrêté en septembre, libéré en octobre faute de preuve, selon le témoignage de Gaston Chapron.
  8. Rapport du Commissaire Charles Bichat du 10 janvier 1945 sur ses activités de Résistance. Dossier Administratif de Résistant GR16P 58444 au Service Historique de la Défense à Vincennes
  9. « Louis Renard (1893-1943) », sur FranceArchives (consulté le )
  10. « DURET Joseph, Georges, Jean, Marie - Maitron », sur fusilles-40-44.maitron.fr (consulté le )
  11. « PERUCHON Clément - Maitron », sur fusilles-40-44.maitron.fr (consulté le )
  12. « LEVRAULT Jacques - Maitron », sur fusilles-40-44.maitron.fr (consulté le )
  13. Nicolas Ginsburger, « L’« authentique héros » de Poitiers : Théodore Lefebvre, professeur et martyr », dans Géographes français en Seconde Guerre mondiale, Éditions de la Sorbonne, coll. « Territoires en mouvements », , 295–314 p. (ISBN 979-10-351-0757-4, lire en ligne)

Bibliographie

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  • FNDIRP-UNADIF, Bernard Filaire, Jusqu'au bout de la Résistance, Paris, Stock, 1997 (un chapitre reproduit une traduction du réquisitoire de l'avocat général du VGH contre le groupe Renard)
  • ANTONOWICZ, Gilles "Mort d'un collabo - ", Nicolas Eybalin Editions, (deux chapitres sur l'affaire Renard et nombreuses citations dans le livre; appuyés sur les Archives Départementales de la Vienne : ADV 111 W 194, ADV 111 W 199, ADV 106 W 77, ADV 106 W 136, et sur les Archives Nationales : AN F1 B1 1046, AN72 AJ 202)
  • CALMON, Jean-Henri, La Chute du réseau Renard, Poitiers 1942. Le SS, le Préfet et le Résistant, Geste éditions, 2013.
  • GRASSEAU, Jacques, "Mémoires" inédits, cité in ANTONOWICZ, Gilles, Op. Cit.
  • TEXIER, Marc, "Pour la France: Poitiers, cellule 29" Imprimerie Marc Texier, 1946

Liens externes

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