Machizukuri

méthode de concertation japonaise

Le machizukuri, généralement écrit en hiragana japonais まちづくり, est une pratique de concertation développée au Japon à partir des années 1960. Cette concertation s'exerce en particulier dans les questions d'urbanisme, en impliquant largement la population dans les démarches d'aménagement.

Signification

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Le terme « machizukuri » signifie littéralement « fabriquer le quartier ». C'est un néologisme apparu dans les années 1960. Son premier terme, « machi », peut signifier à la fois « ville » et « communauté ». C'est l'environnement physique qui sert de cadre aux activités sociales, donc à la fois la structure matérielle de la ville, ainsi que le lieu d'interférence des aspects physiques et immatériels des communautés locales et de leur environnement. Le terme « zukuri » correspond au verbe « fabriquer ». Dans l'acception japonaise, il s'agit ici de mettre en œuvre un effort de création impliquant cœur et âme, une participation active au long processus de fabrication et d'animation d'un résultat[1],[2].

Il peut être écrit de trois manières différentes. La première (まちづくり) utilise les hiragana, donc une formulation syllabique, et correspond à l'usage le plus fréquent. Les deux autres écritures possibles utilisent des kanji, donc des signes porteurs de sens. Le terme まち町 combine l'hiragana まち, soit « la commune, les habitants et les spécialistes » et le kanji 町 (« machi »), soit « formation de la ville par la commune ». Le terme まち街 comporte quant à lui le « machi » 街 signifiant « formation des villes à partir des voies »[1].

Les auteurs japonais essayant de traduire le terme dans une langue occidentale sont souvent gênés de ne pouvoir exprimer la spécificité des termes japonais. Le terme « développement communautaire » — ou, en anglais, « community development » — généralement employé ne recouvre que très partiellement l'acception nippone[2].

Historique

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Le concept de « machizukuri » apparaît dans le Japon des années 1960 en réaction aux grands projets urbains ressentis comme imposés d'en haut, qui provoquent des nuisances publiques, des pollutions, voire des dommages mentaux, physiques et économiques regroupés sous le terme de « kougai »[1],[3].

En réaction, le « machizukuri » caractérise les projets en approche ascendante, inspirés et réclamés par la population[1]. Il s'insère dans une période caractérisée d'une part par un climat de protestation, de recherche de décentralisation et de volonté de reprise en main de leur destin par les communautés locales, et d'autre part par une prospérité économique du Japon[4]. Le premier acte documenté de « machizukuri » a lieu dans le quartier de Maruyama (ja), à Kobe[3].

Le « machizukuri » correspond à une demande de la population d'être associée à « plus de participation, d'indépendance dans le processus de prise de décision, et l'établissement d'une véritable démocratie qui [donne] la parole à l'ensemble de la population japonaise[4],[5].

Le terme apparu initialement recouvre une réalité floue et surtout assez théorique, un idéal social qui doit passer par une longue phase d'expérimentation pratique afin de devenir un outil efficace de concertation et de co-construction[4]. La généralisation du terme n'est effective que dans les années 1990 ; depuis cette date, les fonctionnaires chargés du développement urbain ainsi que les experts mandatés pour programmer des évolutions futures associent systématiquement la population ; toutefois, cette co-construction nécessite une volonté de travailler conjointement, y compris sur le temps long[1],[2].

Concept

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L'étymologie du terme montre donc qu'au-delà de la simple forme urbaine, la « machizukuri » correspond à une prise en compte des racines et origines du contexte social urbain, une recherche de création, de renouvellement, qui englobe la gestion, la tradition, la culture, l'industrie, l'éducation, l'agriculture, le tout sur un temps long, avec une volonté de la communauté locale de se renforcer progressivement[2].

Notes et références

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  1. a b c d et e Armelle Le Mouellic 2015, Introduction — Nous pensons dans une langue, p. 22.
  2. a b c et d Shigeru Satoh 2019, 2. Background of machizukuri — 2.2 The meaning of the term “machizukuri”, p. 128.
  3. a et b Shigeru Satoh 2019, 2. Background of machizukuri — 2.3.1 Anti-kougai movement, p. 128 & 129.
  4. a b et c Shigeru Satoh 2019, 2. Background of machizukuri — 2.1 The sociopolitical base of machizukuri, p. 127 & 128.
  5. (en) Paul Haimes, « Machizukuri (neighborhood making): collective world-making in traditional Japanese neighborhoods », Contemporary Aesthetics, no 20,‎ (ISSN 1932-8478, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • [Sorensen & Funck 2007] (en) André Sorensen et Carolin Funck, Living cities in Japan : citizens' movements, machizukuri and local environments, Routledge, , 320 p. (ISBN 9780203961728, DOI 10.4324/9780203961728)
  • [Armelle Le Mouellic 2015] Armelle Le Mouellic, Une autre manière d’être architecte : perspectives historiques et réflexions contemporaines sur une pratique de machizukuri au sein du laboratoire de Satoh Shigeru à l’université de Waseda, Université Grenoble-Alpes, coll. « Science et ingénierie des matériaux », , 395 p. (lire en ligne)
  • [Shigeru Satoh 2019] (en) Shigeru Satoh, « Evolution and methodology of Japanese machizukuri for the improvement of living environments », Japan architectural review, vol. 2, no 2,‎ , p. 127-142 (ISSN 2475-8876, DOI 10.1002/2475-8876.12084, lire en ligne, consulté le )
  • [Shigeru Satoh 2020] (en) Shigeru Satoh, Japanese machizukuri and community engagement : history, method and practice, Routledge, , 270 p. (ISBN 9780429201851, DOI 10.4324/9780429201851)