Manifeste pour la vie

collectif de femmes corses créé en janvier 1995, dont l'objectif est d'appeler à lutter contre les meurtres en série et les actes de violence qui ont lieu en Corse.

Le Manifeste pour la vie est un collectif de femmes corses créé en , dont l'objectif est d'appeler à lutter contre les meurtres en série et les actes de violence qui ont lieu en Corse.

Manifeste pour la vie
Histoire
Fondation
Cadre
Zone d'activité
Type
Pays

Contexte

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À la fin de l'année , la Corse est endeuillée par une série de meurtres politiques et mafieux, dans un contexte de guerre fratricide entre nationalistes[1],[2]. En réaction à cette recrudescence de violence et à l'apparente impuissance des autorités, un collectif féminin initie en le « Manifeste pour la vie »[3].

Objectif

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Le mouvement, né à Bastia, vise à contrer l'état de non-droit prévalant sur l'île. Le manifeste rédigé exprime un rejet des méthodes violentes et des compromissions politiques, tout en plaidant pour l'application équitable de la loi et une gestion transparente des affaires publiques[4]. Le texte recueille rapidement l'adhésion de deux mille femmes d'origines diverses[5], engendrant des manifestations significatives en 1995 et 1996[6].

Le manifeste commence par ces phrases[7] :

« Moi, femme, mère, sœur, épouse de Corse, je prends résolument le parti de la vie et déclare la guerre à la violence qui règne dans ce pays.

Je refuse
- L'Etat de non-droit,
- La dérive aveugle,
- La Peur,
- Les bouches cousues,

Et, parce que je veux croire possible une société libre, ouverte et démocratique, de toutes mes forces je m'emploierai à la construire. »

Composition

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La militante nationaliste et féministe Victoire Canale[8],[9], Marie-Jeanne Nicoli[5], Paule Graziani[10],[11], Marie Stéfanini[12] et Pauline Sallembien[13] comptent parmi ses 32 co-fondatrices[14]. La plus jeune porte-parole est Serena Battestini, 17 ans, fille d'Antoine Battestini, membre fondateur du FLNC[15].

Le mouvement, caractérisé par son absence de hiérarchie et de représentativité formelle, adopte une stratégie d'action discrète mais persistante. Les signataires, agissant individuellement, contribuent à l'émergence d'une conscience citoyenne transcendant les clivages traditionnels[4]. En , le nombre total de signataires s'élève à 6 000[16].

Actions de sensibilisation

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Après , le collectif s'engage dans un travail de fond, menant des actions de sensibilisation dans divers milieux et organisant des rencontres avec les instances judiciaires et d'autres acteurs engagés[4].

Le premier ministre Alain Juppé rencontre des femmes du collectif en [17], et une délégation est reçue par la garde des Sceaux Élisabeth Guigou en [18]. En Nicole Fontaine reçoit des femmes du Manifeste au Parlement européen[19].

Poursuites judiciaires contre U Ribombu

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En , l'hebdomadaire nationaliste U Rimbombu est poursuivi pour injures sexistes par quatre femmes du mouvement. Lors du procès à Ajaccio, elles sont défendues par Gisèle Halimi ; Yvette Roudy et Roselyne Bachelot sont citées comme témoins[20],[21]. Le directeur de la publication est condamné à deux mois de prison avec sursis et 80 000 francs d'amende. Un procès en appel a lieu en [22].

Manifestation du 11 février 1998

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Cinq jours après l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, le mercredi , 40 000 personnes manifestent dans les rues d'Ajaccio et de Bastia à l'appel des femmes du Manifeste pour la vie pour signifier « leur rejet de la violence et leur adhésion aux valeurs de l'État de droit républicain »[23],[24],[16],[25]. Il s'agit des plus grandes manifestations de l'histoire de la Corse[26],[27].

Dans sa thèse sur la place de la femme dans l’espace public en Corse, la docteure en sciences de l'information et de la communication Charlotte Cesari consacre plusieurs pages à l'occupation de l'espace médiatique local et national du Manifeste pour la vie, leurs transgressions des prérogatives de genre, et la dimension désormais pérenne du mouvement rendue possible par les projets d'archives conduits par l'INA et l'université de Corse-Pascal-Paoli[28].

Notes et références

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  1. AFP, « En Corse, "le temps n'est plus aux déclarations d'intention" », sur Le Point, (consulté le )
  2. Jacques Follorou, « « Une emprise mafieuse d’une intensité jamais atteinte » : l’appel d’un collectif antimafia en Corse », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « 500 femmes signataires d'un manifeste pour la vie contre la violence », sur ina.fr, Corsica Prima,
  4. a b et c Françoise Feugas, « Des femmes luttent contre la violence et l’état de non-droit en Corse », sur irenees.net, (consulté le )
  5. a et b Michel Henry, « Le Manifeste pour la vie à cinq voix » Accès libre, sur Libération, (consulté le )
  6. Armelle Thoraval, « Corse: des femmes contre les armes. Samedi à Ajaccio, 2.000 personnes ont défilé à l'appel du Manifeste pour la vie. » Accès libre, sur Libération, (consulté le )
  7. Le manifeste pour la vie : manifestation des femmes contre la violence, dans Corsica Sera sur France 3 Corse (, 2:59 minutes), consulté le , la scène se produit à 2:31
  8. Catherine Simon, « Victoire Canale, ennemie de la violence armée et de la clandestinité », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Ces Corses qui disent non à la violence », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. Paule Graziani, « Les interrogations de la société civile », Confluences Méditerranée, vol. 36, no 1,‎ , p. 65–69 (ISSN 1148-2664, DOI 10.3917/come.036.0065, lire en ligne, consulté le )
  11. Pierre Marcelle, « Après-coup. Zone «franchise». », sur Libération, (consulté le )
  12. Jacques Girault et Ange Rovere, « FRANCISCI Marie, Micheline, épouse STÉFANINI », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
  13. Catherine Simon, « Dans les rues et les bistrots de Bastia, en rire pour ne pas pleurer », Le Monde,‎ , p. 1 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  14. France 3 Corse, « Le manifeste de la femme pour la vie réagit au climat de violence », Journal télévisé, sur ina.fr,
  15. Petru Ghjaseppu Poggioli, « Liste Core in Fronte : l’outsider nationaliste », sur Corsica.news, (consulté le )
  16. a et b Les femmes corses refusent la violence, dans JT 20 h sur France 2 (), consulté le
  17. « Alain Juppé rencontre les femmes du manifeste pour la vie », sur ina.fr, Corsica Sera,
  18. « Elisabeth Guigou reçoit une délégation du Manifeste pour la Vie », sur ina.fr, France 3 Corse,
  19. « Les femmes du manifeste pour la vie reçues par l'ancienne présidente du Parlement européen Nicole Fontaine », sur ina.fr, France 3 Corse,
  20. Franck Johannes, « Les tirades machistes d'«U Ribombu». L'hebdomadaire nationaliste corse était poursuivi pour injures sexistes. », sur Libération, (consulté le )
  21. « Les femmes corses du «Manifeste pour la vie» exigent réparation », sur L'Humanité, (consulté le )
  22. « Procès en appel pour nationaliste corse machiste. » Accès payant, sur L'Humanité, (consulté le )
  23. Manifestation après le décès du préfet Claude Erignac en Corse | INA, dans JT 20 h sur France 2 (), consulté le
  24. Michel Henry et Franck Johannes, « Femmes en tête, les Corses défilent contre la violence. », sur Libération, (consulté le )
  25. « En Corse, les Femmes s’élèvent contre la violence », sur BFMTV (consulté le )
  26. Geoffroy Clavel, « Une manifestation monstre en Corse, cela ressemble à ça » Accès libre, sur Le HuffPost, (consulté le )
  27. Marie-Aude Bonniel, « Claude Érignac, préfet de Corse, était assassiné le 6 février 1998 » Accès libre, sur Le Figaro, (consulté le )
  28. Charlotte Cesari, « La place de la femme dans l'espace public en Corse et en Méditerranée », HAL open science, Université Pascal Paoli,‎ (lire en ligne, consulté le )