Maquis des Glières
Le maquis des Glières est un mouvement résistant français ayant opéré entre le et le , durant l'occupation allemande, sur le plateau des Glières, en Haute-Savoie. Créé par l'Armée secrète, il est commandé par le lieutenant Tom Morel et encadré notamment par des anciens du 27e bataillon des chasseurs alpins d'Annecy. Le maquis se dissout après avoir été encerclé et pourchassé par la Milice et la Wehrmacht.
Date | 31 janvier - |
---|---|
Lieu | plateau des Glières, massif des Bornes, Haute-Savoie, France |
Issue | Victoire militaire allemande et vichyste, succès de propagande pour la Résistance |
FFI | Reich allemand État français |
Tom Morel † Maurice Anjot † |
Karl Pflaum Jean de Vaugelas Jacques de Bernonville Georges Lelong |
465 hommes[1] |
2 000 hommes 4 500 hommes |
38 morts[2] ~ 300 prisonniers (dont 66 fusillés et 16 morts en déportation)[2] |
13 morts 3 morts 7 blessés[3] |
Batailles
- Corse
- Limousin
- Ain et Haut-Jura
- Les Glières
- Ascq
- Division Brehmer
- Mont Mouchet
- Opérations SAS en Bretagne
- Bataille de Normandie
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- 1er Tulle
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- 1er Ussel
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- Saint-Nazaire
- Lorient
- Metz
- Royan et de la pointe de Grave
- Campagne de Lorraine
- Colmar
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
Coordonnées | 45° 57′ 54″ nord, 6° 20′ 02″ est | |
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Le récit où près de 500 maquisards auraient été opposés à 12 000 soldats allemands (les maquisards auraient tué 400 Allemands et en auraient blessé 300 ; les soldats allemands auraient tué 100 résistants et en auraient blessé 150) est cependant un mythe (celui de la « première bataille de la Résistance ») forgé par le gaulliste Maurice Schumann pour contrebalancer la propagande de Philippe Henriot sur Radio-Paris, le premier omettant de mentionner que le plateau avait été évacué la veille de l'attaque générale allemande, après un baroud d'honneur, et le second prétendant que la confrontation avait eu lieu uniquement entre miliciens et maquisards. Ce récit a été démythifié en 1975 par l'historien Jean-Louis Crémieux-Brilhac[4] qui a écrit : « Les chiffres de 400 morts et 300 blessés […] sont sans commune mesure avec la réalité des pertes allemandes. […] ils sont empruntés à un télégramme envoyé de France par [le représentant de la France libre, le capitaine Rosenthal, dit Cantinier] »[5].
Contexte
modifierLa fonction de refuge du plateau des Glières s'impose vite lors de la Seconde Guerre mondiale à cause de la proximité de la Suisse où peuvent s'abriter des militaires en débandade, des juifs ou des résistants[6]. En fait, le plateau est occupé épisodiquement seulement depuis l’arrivée des premiers réfractaires au STO en (janvier sur Champlaitier), et, grâce à l'agent secret britannique Peter Churchill, un premier parachutage a lieu le (un avion et quinze conteneurs largués)[2]. Le plateau des Glières ayant, plus tard, été homologué comme zone de parachutage d'armes par une mission franco-britannique composée d'un officier anglais du SOE (le lieutenant-colonel Heslop, dit Xavier) et d'un officier français (le capitaine Rosenthal, dit Cantinier), ce dernier, représentant de la France libre, convainc[7], début février 1944, les chefs départementaux de l'Armée secrète (AS) (capitaines Clair et Anjot) d'y établir une base d'opérations en vue de harceler les Allemands lors du débarquement attendu des Alliés et de montrer à ceux-ci que la Résistance française, sous la direction du général de Gaulle, est capable d'actions de grande envergure[8]. Rosenthal laisse croire aux résistants de Haute-Savoie qu'ils seront soutenus par des hommes parachutés, alors que dans le même temps, le BCRA lui précise qu'un tel soutien lui est refusé[9]. C'est une version qu'il ne confirmera vraiment ni n'infirmera après guerre.
Combats de février et début mars 1944
modifierPourchassés par les forces de l'ordre du gouvernement de Vichy qui a mis la Haute-Savoie en état de siège fin , de nombreux combattants de l'Armée secrète se rassemblent sur le plateau des Glières sous le commandement d'anciens cadres du 27e bataillon de chasseurs alpins d'Annecy et de chefs aguerris de l'Armée secrète haut-savoyarde.
Ils sont bientôt rejoints par deux groupes de Francs-tireurs et partisans (FTP) (environ quatre-vingts, d'obédience communiste), qui veulent aussi des armes, par une cinquantaine de républicains espagnols réfugiés[2] et d'autres hommes qui intégreront le groupe du maquis des Glières.
À partir de la mi-, ils sont assiégés par des gardes mobiles (de la Garde, ex-garde républicaine mobile dissoute en 1940, future garde républicaine en 1944 et gendarmerie mobile en 1954), des GMR (Groupe mobile de réserve de la police de Vichy) et des miliciens français qui veulent mener une opération de maintien de l'ordre strictement française. À ce moment, l'intendant de police Lelong dispose, pour toute la Haute-Savoie, de 1 125 gendarmes, de 906 gardes mobiles, de 790 GMR et de 250 miliciens. Les forces vichystes effectuent une reconnaissance en force sur le plateau des Glières le , mais tombent dans une embuscade qui fait deux morts et six blessés dans leurs rangs. Les résistants réceptionnent trois parachutages d'armes légères d'infanterie, dont le plus important a lieu le [4].
Mais la nuit précédente, le chef des Glières, le lieutenant Tom Morel, est tué au cours d'une attaque du maquis contre un village tenu par un GMR. En effet, le , Tom Morel décide de mener une opération contre le commandement du GMR Aquitaine basé à Entremont au pied du plateau des Glières. Dans la nuit du 9 au , environ 150 maquisards[10] encerclent le village où cantonnent une soixantaine de GMR. L'un des groupes, commandé directement par Tom Morel, réussit à s'emparer de l'Hôtel de France, siège de l'état-major du GMR Aquitaine. Les maquisards désarment leurs prisonniers. Une violente discussion s'engage entre Tom Morel et le commandant Grégoire Lefèbvre[11], le chef du GMR. Sortant de sa poche un petit revolver 6,35 mm, celui-ci tire alors à bout portant sur Tom Morel qui s'effondre, tué sur le coup d'une balle en plein cœur (selon les témoignages, entre autres, du maquisard René Dechamboux et de l'officier de paix Robert Couret, tous deux présents)[12]. Lefèbvre est immédiatement abattu. Le lieutenant Louis Jourdan-Joubert, puis à partir du le lieutenant Pierre Bastian, assurent le commandement par intérim du bataillon des Glières jusqu'au , où le capitaine Maurice Anjot, adjoint du capitaine Clair, chef de l'Armée secrète en Haute-Savoie, succède à Tom Morel.
Combat contre l'armée allemande et la Milice française
modifierDevant l'échec des forces françaises de maintien de l'ordre, les Allemands, qui leur avaient laissé les mains libres jusqu'au , décident de venir à la rescousse de leurs collaborateurs avec plus de 4 000 hommes, de l'artillerie et de l'aviation[6].
Le , deux jours après le grand parachutage du , l'aviation allemande commence à bombarder les chalets et la Milice lance quelques assauts, mais sans succès. La Wehrmacht déclenche alors l'opération « Hoch-Savoyen » (Haute-Savoie)[13].
Pour le capitaine Anjot, la raison commanderait de se replier pendant qu'il est encore temps. Cependant, à l’initiative de Cantinier qui, au nom de la France libre, veut un combat exemplaire, un duel sur les ondes oppose Radio Londres à Radio-Paris au sujet du maquis des Glières[4]. Celui-ci acquiert une renommée internationale et devient un élément important de la guerre psychologique menée pour conquérir l'opinion. C'est pourquoi Anjot décide de se battre afin de sauvegarder l'honneur, mais en tentant d'épargner le plus possible la vie de ses hommes. Dès lors, le maquis des Glières est en passe de livrer la première bataille « rangée » de la Résistance contre l'ennemi vichyste et allemand, avant le Vercors[14].
Le dimanche , trois bataillons de chasseurs de montagne de la Wehrmacht (le quatrième demeurant en réserve), ainsi qu'un groupement formé de miliciens[15], de GMR, de gardes mobiles français et de grenadiers allemands, se préparent à attaquer le plateau. Tandis que l'aviation incendie une dizaine de chalets et que la Milice échoue de nouveau dans ses tentatives (col de l'Enclave), le commandement allemand envoie deux sections à l'attaque afin de tâter le dispositif de défense adverse : la première est aisément repoussée depuis les rochers (Lavouillon), mais la seconde, dans un secteur moins facile à surveiller (Monthiévret), parvient à tourner un avant-poste et à obliger les maquisards à se replier à la faveur de la nuit[13]. Deux maquisards sont tués et plusieurs sont blessés, dont un grièvement[16].
Apprenant que les Allemands ont ouvert une brèche, et ses hommes privés de tout approvisionnement, le capitaine Anjot, qui estime l'honneur sauf, ordonne l'exfiltration du bataillon des Glières le à vingt-deux heures. Ainsi, quasiment dépourvus d’armes lourdes, bombardés par la Luftwaffe, pilonnés par l'artillerie allemande, les défenseurs, après avoir livré un baroud d'honneur contre la Milice et la Wehrmacht, évacuent le plateau dans la nuit du 26 au [13].
Le lendemain (), les Allemands, qui ont capturé quelques hommes, s'aperçoivent à la jumelle que des maquisards quittent le plateau de Glières[17]. Ils donnent alors l'assaut général initialement prévu pour le , mais n'obtiennent pas le résultat escompté, le plateau ayant été promptement évacué[13]. Néanmoins, traqués et souvent dénoncés par des collaborateurs français, les maquisards subissent de lourdes pertes[5] : sur environ 450 maquisards présents le [18] (cinq maquisards ayant fait défection le et treize le [19]), les deux tiers sont faits prisonniers ; environ cent vingt (et vingt sédentaires) meurent (tués au combat, sous la torture, fusillés ou déportés comme francs-tireurs et « terroristes »), et les blessés trouvés sur place sont abattus. Pratiquement toutes les armes et les munitions parachutées sont détruites ou tombées aux mains de l'ennemi. De leur côté, les Allemands n'ont que trois tués et sept blessés (dont au moins sept par accident) sur le plateau ou son pourtour[3].
L'événement connaît un grand retentissement dans le cadre de la guerre des ondes qui fait rage entre les Français de Vichy et ceux de Londres[4]. Tandis que Radio Paris tait l'intervention allemande et glorifie la victoire des forces de l'ordre sur un « ramassis de lâches terroristes communistes et étrangers » qui se seraient rendus sans se battre, Maurice Schumann déclare à la BBC le : « Héros des Glières, quelle est votre plus belle victoire ? […] Pour tout dire, d’avoir déjà ramené Bir Hakeim en France. »
« Défaite des armes, mais victoire des âmes » (Henri Romans-Petit), l'épopée des Glières prend vite naissance et persuade les Alliés que la Résistance française est capable de combattre à visage découvert. Ainsi reçoit-elle une aide accrue : en particulier, le grand parachutage anglo-américain du sur le plateau des Glières[20],[2],[21] permet aux résistants, malgré une attaque allemande arrêtée au col de Bluffy et un bombardement de Thônes, d'empêcher la plus grande partie des Allemands (un millier de combattants potentiels : environ 500 policiers, environ 400 douaniers et une centaine de soldats en armes, auxquels il faut ajouter environ 2 000 soldats hospitalisés, venus de tous les fronts, notamment environ 800 à Evian, 700 à Annecy et 400 à Thonon-les-Bains[22]), contraints au repli par l'avance alliée, de quitter le département[13] qui sera libéré par la Résistance le .
Selon l'historien Jean-Louis Crémieux-Brilhac[4] : « une défaite des armes peut être une victoire d'opinion. […] les combattants de Haute-Savoie ont défini et comme projeté vers l'extérieur l'image qu'ils souhaitaient donner d'eux-mêmes ; ils ont pu, à l'écoute de la BBC, suivre l'édification de leur propre légende. » Il ajoute : « cette légende, qui sait s'ils l'auraient vécue de la même façon et jusqu'au bout, comme ils l'ont fait, s'ils n'avaient su - ou cru - que la France entière les regardait ? »
Forces d'attaque du plateau des Glières le 26 mars 1944
modifierCette attaque a été dénommée par les Allemands, non pas, comme le mentionnent certains historiens locaux, Aktion Korporal (opération Caporal), laquelle désignait l'intervention allemande contre les maquis de l'Ain en , ni Aktion Frühling (opération Printemps), laquelle désignait l'intervention allemande contre les maquis de l'Ain en , mais Aktion Hoch-Savoyen (opération Haute Savoie)[23],[24],[25],[26].
Source[13] :
1. Un groupement tactique de la 157e division de réserve de la Wehrmacht[27] :
- trois bataillons de chasseurs de montagne de réserve du Reserve-Gebirgsjäger-Regiment 1 : Btl. I./98 (Stöckel), Btl. II./98 (Geyer), Btl. 99 (Schneider) et, en réserve à Thônes, la 2e compagnie du Btl. 100 (Kunstmann), moins les forces assurant la sécurité immédiate des cols frontaliers et des casernements, soit, selon l'historien militaire anglais Peter Lieb[28], environ 600 hommes par bataillon (dotés chacun, en principe, de douze mitrailleuses lourdes, six mortiers de 80 mm et deux canons d'infanterie de montagne de 75 mm) ;
- une compagnie (deux sections avec mitrailleuses et mortiers) du Reserve-Grenadier-Regiment 157 : sans doute la 3e compagnie du 179e bataillon, présente dans l'Ain avec les autres forces en février et en ;
- deux batteries (dix ou douze canons de 75 mm) du Res.Geb.Art.Abt. 79 (79e groupe d'artillerie de montagne de réserve) et une section (deux obusiers de 150 mm) de la 2e batterie du Res.Art.Abt. 7 (7e groupe d'artillerie de réserve) du Reserve-Artillerie-Regiment 7.
Cette force terrestre, appuyée par des avions de la Luftwaffe (au moins trois Heinkel 111 et quatre Focke Wulf 190), est complétée au sol par une cohorte de la Milice française (avec une section de mitrailleuses et une de mortiers, autorisée pour la première fois par les Allemands), soit environ quatre cents miliciens. Cette unité se trouve renforcée par une section de mitrailleuses de la Garde mobile et deux sections des GMR.
En retrait, environ trois cents francs-gardes bénévoles et des gardes mobiles qui se tiennent en réserve. De plus, sont chargés de la sécurité dans le secteur : la compagnie antichar du Reserve-Gebirgsjäger-Regiment 1, deux compagnies du Heeres-Flak-Abteilung 958 (mot.) (958e groupe antiaérien motorisé de la réserve générale de l'armée), une section motorisée de gendarmerie de campagne (type « d ») et le 1er bataillon du SS Polizei Regiment 19, dont une compagnie assure la surveillance des prisonniers et les exécutions sommaires ordonnées par la Sipo-SD cantonnée à Thônes.
N.B. : cette 157e division de réserve (157. Reserve-Division), devenue 8e division de montagne (8. Gebirgs-Division) en , était une unité d'instruction et d'occupation qui, issue de l'armée de remplacement en 1942, a été versée dans l'armée de campagne fin . Du début février à la fin , spécialisée dans les actions contre les maquis et partisans, la 157. Reserve-Division a principalement lutté contre les maquis de l'Ain (opération Korporal du 5 au , opération Frühling du 7 au , opération Treffenfeld du 11 au ), des Glières (opération Hoch-Savoyen fin ) et du Vercors (opération Bettina fin [29]), puis contre les troupes régulières américaines et françaises [30] .
Pertes de la Résistance et de la Wehrmacht
modifierMaquisards | Sédentaires | |
---|---|---|
Tués par les Allemands | 20 | 1 |
Tués par la Milice/MO* | 18 (9 FTP, 2 Espagnols) | 0 |
Fusillés par les Allemands | 50 | 4 |
Fusillés par la Milice/MO | 16 | 1 |
Morts en déportation | 16 | 14 |
Total | 120 | 20 |
* MO : Maintien de l’ordre (GMR, Garde mobile, SRMAN…)
Au total, exactement cent vingt maquisards sont morts dont seize en déportation ainsi que vingt sédentaires.
Unités | Tués | Blessés |
---|---|---|
Res.Geb.Jäg.Btl. I./98 | 1 (, Notre-Dame-des-Neiges) | 2 (, La Balme-de-Thuy, accident) |
Res.Geb.Jäg.Btl. II./98 | 2 (30 et , Petit-Bornand, tirs accidentels de pistolets-mitrailleurs) [33] | 2 (28 et , accidents) |
Res.Geb.Jäg.Btl. 99 | 0 | 0 |
Res.Geb.Jäg.Btl. 100 | 0 | 1 (, Thônes, accidentellement) |
3./Res.Gren.Btl. 179 | 0 | 0 |
Res.Geb.Art.Abt. 79 | 0 | 2 (, Petit-Bornand, , plateau) |
Total | 3 | 7 |
Au total, les Allemands ont eu trois tués et sept blessés (dont au moins sept accidentellement).
Selon Jean-Louis Crémieux-Brilhac[34], « les pertes allemandes [ont été] légères. Un tué [accidentellement] et quelques blessés [...], à en croire le rapport no 369 du du préfet (AN, F1c3/1187), […] qui concorde avec les conclusions de Henri Amouroux, fruit d'une scrupuleuse enquête ».
D'après Henri Amouroux[35], « des treize soldats morts le et ensevelis aujourd'hui à Dagneux [cimetière militaire allemand pour le Sud-Est de la France], un seul, Kurt Piler, né le , a été primitivement enterré à Annecy, tous les autres ayant été enterrés dans des lieux […] [très] éloignés des Glières […]. Des onze morts du ensevelis à Dagneux, un seul, Karl Fisher, né le , appartenant au bataillon 100, […] a été enterré primitivement [à] Aix-les-Bains ». Amouroux indique que ce sont là les seuls chiffres qu'il a pu apprendre des archives, mais qu'il est demandeur d'« informations supplémentaires et fondées, car les rapports de la Wehrmacht ne sont pas exempts d'erreurs[36]. ». Selon lui, il est également possible que des corps puissent avoir été rapatriés en Allemagne[36].
Polémique sur le plateau des Glières : le mythe d'une grande bataille
modifierCertains éléments de la compagnie de francs-tireur et partisans « Liberté chérie » présente en se sont montrés très critiques de la stratégie de concentration des forces armées clandestines dans un maquis encerclé par les forces ennemies. L'état-major FTP a toujours été opposé à cette stratégie de concentration totale dans les maquis[37]. C'est le cas par exemple du résistant Leopold Martin qui fonde en la Brigade rouge internationale, en partie sur la base de la critique de la stratégie de guerre nationale au détriment de la guérilla de partisans mobiles.
Dans les années de l'après-guerre, la France n'est plus aussi unie qu'auparavant ; son identité est remise en cause dans l'opinion. Il est devenu nécessaire de reconstruire l'identité nationale afin de reconstituer l'unité de la nation, ce qui explique la naissance du mythe d'une France résistante. Jusqu’à la fin des années soixante, la mémoire dominante de l’Occupation a été celle d’un mythe unificateur que l’historien Henry Rousso a appelé le mythe du « résistancialisme »[38].
De 1945 aux années soixante, Charles de Gaulle a jugé nécessaire de raffermir le moral des Français en s'inspirant du mythe du maquis des Glières. Afin de persuader la population du courage des maquisards français, un roman national gaulliste a été créé et a suscité des récits épiques totalement imaginaires (tel celui de François Musard[39]), récits qui font encore leur effet aujourd'hui dans l'esprit du grand public ignorant les mises au point des historiens Crémieux-Brilhac (1975) et Dalotel (1992).
Le , deux semaines après qu'une cérémonie a eu lieu au cimetière de Morette, les anciens des Glières se réunissent sous la présidence de Louis Jourdan afin de créer l'Association des rescapés des Glières[40]. Le , c'est le général de Gaulle en personne qui se rend à Morette (il y reviendra pour les fêtes du centenaire de l'Annexion de la Savoie à la France en 1960), mais le cimetière sera officiellement inauguré le par le président Vincent Auriol.
En 1966, quand le général de Gaulle était président de la République, est construit à Annemasse un lycée portant le nom de « Glières », ce qui contribue, entre autres, à pérenniser le mythe sur le plan local. Cependant, sur le plan national, c'est le fameux discours d'André Malraux sur le plateau, lors de l'inauguration du monument d'Émile Gilioli, le , qui renforce considérablement le mythe des Glières.
À partir des années 1970, le mythe de la résistance de la majorité du peuple français, avec celui d'une grande bataille aux Glières, est remis en question pour la première fois.
Claude Barbier, s'inspirant, en 2014, de l'étude de Jean-Louis Crémieux-Brilhac (1975) et de l'enquête d'Alain Dalotel (1992), est revenu sur le sujet dans un livre publié aux éditions Perrin : Le maquis de Glières. Mythe et réalité. La réception de son étude a donné lieu à critiques et polémiques[41],[42],[43].
Notes et références
modifier- Pierre Montagnon, Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale, 2011.
- Michel Germain, Glières, mars 1944 - « Vivre libre ou mourir ! » - L'épopée héroïque et sublime, La Fontaine de Siloé, Les Marches (Savoie), 1994.
- WASt, Deutsche Dienststelle, Berlin.
- Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « La bataille des Glières et la guerre psychologique », dans Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, no 99, juillet 1975.
- Barbier 2014.
- Gilles Emprin, « Le maquis des Glières », émission La Marche de l'Histoire sur France Inter, 8 mai 2012.
- Alban Vistel, La nuit sans ombre - Histoire des Mouvements unis de résistance, leur rôle dans la libération du Sud-Est, Fayard, Paris, 1970
- Pierre Montagnon, Les maquis de la Libération, 1942 - 1944, Pygmalion - Gérard Watelet, Paris, 2000
- Barbier 2014, p. 220
- Yves Barde (général de gendarmerie), Glières 1944 - Histoire des combats de février et mars 1944, Historic'One, Annecy-le-Vieux, 2004.
- Grégoire Lefèbvre, né le à Felce en Corse, est le fils de Léon Théodore Lefebvre, gendarme à pied à Valle-d'Alesani en Corse, et de Marie Xavière Felce. Il participe à la Grande Guerre dans l'artillerie lourde. Il est cité à l'ordre de l'armée en et décoré de la croix de guerre 1914-1918 avec palme. Promu capitaine en 1938, il participe à la bataille de France en juin 1940. Il est cité à l'ordre de la 14e division d'infanterie par le général de Lattre de Tassigny le et décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile d'argent. Après l'armistice, il poursuit sa carrière dans la police et intègre les GMR en avec le grade de « commandant des gardiens de la paix ». Il est affecté au commandement du Groupe Aquitaine le . Le groupe quitte Toulouse pour la Haute-Savoie le et reçoit la mission de contrôler le haut de la vallée de Thônes. Il installe son poste de commandement à La Clusaz. Le , lors de l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'état-major des GMR, par les maquisards des Glières, Lefèbvre tue Tom Morel avant d'être lui-même abattu à son tour. Source : (en ligne), (en ligne).
- Barbier 2014, p. 216
- Alain Cerri, La bataille des Glières (bibliographie commentée, liens et documents), Montréal, 1995, Annecy, 2023.
- Le premier combat armé de la Résistance contre les Allemands sur le sol métropolitain a eu lieu au début de mois de février, dans l'Ain, lors de l'opération Caporal du 5 au (Barbier 2014, p. 239).
- Jacques Delperrié de Bayac, Histoire de la Milice, 1918 - 1945, Fayard, Paris, 1969.
- Alain Cerri, Le combat décisif de Monthiévret, Montréal, 1995, Annecy, 2021.
- Barbier 2014, p. 253
- Pierre Mouthon, Résistance - Occupation - Collaboration - Haute-Savoie 1940 - 1945, Épinal, Le Sapin d'Or, , 493 p., p. 206.
- Claude Antoine, Capitaine Maurice Anjot, le chef méconnu des Glières, Rumilly, Lapeyronie, , 288 p., p. 222, 230-233.
- Louis Jourdan, Julien Helfgott, Pierre Golliet, Glières - Haute-Savoie - Première bataille de la Résistance - 31 janvier - 26 mars 1944, Association des Glières, Annecy, 1946.
- Glières - Haute-Savoie - Première bataille de la Résistance, p. 152-153, et Glières, mars 1944, p. 285-290 avec photos.
- Pierre Mouthon, Résistance - Occupation - Collaboration - Haute-Savoie 1940 - 1945, Épinal, Le Sapin d'Or, , 493 p., p. 383-384.
- Les "Archives nationales" : AJ 40/983.
- Rapport sur l'opération Korporal contre les maquis de l'Ain du 5 au 13 février 1944 : Bericht über die Tätigkeit der eingesetzten Wehrmachtteile bei der Aktion 'Korporal' gegen Terroristen vom 5.-13.2.1944, dr. 6. Abschnitts-Kommandeur, Br. B. Nr. 288/44 geh. v. 17.2.1944.
- Ordre du 3 février 1944 du commandant en chef à l'Ouest, cité par Ludwig Nestler dans Die faschistische Okkupationspolitik in Frankreich 1940 - 1944 (1990), et par Ahlrich Meyer dans Die deutsche Besatzung in Frankreich 1940 - 1944 - Widerstandsbekämpfung und Judenverfolgung (2000).
- Rapport sur l'opération Frühling contre les maquis de l'Ain du 7 au 18 avril 1944 : Bericht über das Unternehmen 'Frühling' vom 7.-18.4.1944, cité par Roland Kaltenegger dans Die deutschen Gebirgstruppe 1939-1945 (1989).
- Georg Tessin, Verbände und Truppen der deutschen Wehrmacht und Waffen-SS im Zweiten Weltkrieg 1939 - 1945
- École d'officiers de Sandhurst.
- Ordre du 8 juillet 1944 du général Niehoff (de), Kommandant des Heeresgebietes Südfrankreich (région militaire du sud de la France), sur l'opération Bettina contre le maquis du Vercors, Bundesarchiv-Militärarchiv RW 35/47
- Alain Cerri, La 157. Reserve-Division de la Wehrmacht en mars 1944, Montréal, 1995, Annecy, 2023.
- Michel Germain, Glières, mars 1944.
- Berlin, Deutsche Dienststelle, WASt, Namentliche Verlustmeldung Nr. 1. 16.2.-25.4.44, Nr. 2. 12.9.43-28.6.44, Nr. 3. 16.2.-25.4.44, Nr. 4. 16.2.-25.4.44
- A. Cerri, Opérations allemandes, témoignages de soldats, Montréal, 1995, Annecy, 2000...
- La France libre, p. 810.
- Amouroux 1985, p. 293-294.
- Amouroux 1985, p. 294.
- R.I.3. Francs-tireurs et partisans de la Haute-Savoie (préf. Marcel Prenant), Annecy, .
- Résistancialisme : terme employé par l'historien Henry Rousso pour désigner le mythe politique selon lequel la nation française dans son ensemble est entrée en résistance sous l'Occupation.
- François Musard, Les Glières, Robert Laffont, .
- Barbier 2014, p. 328
- Charles Heimberg, « La Résistance aux Glières : développer son histoire ou la dénigrer ? », 16 mars 2014.
- Éric Conan, « La nouvelle bataille des Glières », Marianne, 28 mars 2014 [lire en ligne] [PDF]
- Jacques Golliet, « Clés de lecture d’un procès à charge ; plateau des Glières, Haute-Savoie (février-mars 1944) », sur blogs.mediapart.fr, .
Annexes
modifierBibliographie
modifierPar ordre chronologique de publication
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Pierre Cluzel, Le drame héroïque des Glières - La vie secrète du maquis, Petite Encyclopédie de la Résistance, éd. Nathan, coll. Révélations, Paris, 1945.
- Louis Jourdan, Julien Helfgott, Pierre Golliet, Glières - Haute-Savoie - Première bataille de la Résistance - - , Association des Glières, Annecy, 1946 (réédité en par éd. La Fontaine de Siloé, Les Marches (Savoie), sous le titre Vivre libre ou mourir - Plateau des Glières - Haute-Savoie - 1944, avec une préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac et une postface de Jean-Marie Guillon, historiens).
- Jean Truffy (abbé), Mémoires du curé du maquis des Glières, éd. Abry, 1949, éd. Atra, 1979.
- François Musard, Les Glières, éd. Robert Laffont, Paris, 1965.
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- Dominique Lormier, Les crimes nazis lors de la libération de la France, 1944 - 1945, Paris, Le Cherche Midi,
- Claude Barbier, Le maquis de Glières. Mythe et réalité, Librairie Académique Perrin, , 466 p.
- Laurence Thibault (dir.), Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), La Résistance en Haute-Savoie, Fondation de la Résistance, (ISBN 2-915742-14-6, EAN 9782915742145), « Le maquis des Glières ».
Filmographie
modifier- Patrice Morel et François Blanchard, Glières 44, le cortège des ombres, documentaire de 52 minutes, 2004, production France 3 Rhône-Alpes-Auvergne. Accessible vidéothèques France 3 Lyon, France 3 Grenoble, et INA.
- Glières les feux de la nuit, Denis Chegaray (1994)
- Vivre Libre ou mourir, Glières haute-Savoie 1944, Association des Glières et Elan production (2004)
- Résistants : le maquis des Glières [Production de télévision - Documentaire], Romain Clément (réalisateur) (), RMC Découverte, consulté le
Articles connexes
modifier- Discours d’André Malraux lors de l’inauguration du Monument de la Résistance aux Glières en 1973
- Liste des opérations lors de la Seconde Guerre mondiale
- Bataille du Mont Gargan
- Bataille du Mont Mouchet
- Maquis du Vercors
- Monument national à la Résistance du plateau des Glières
Liens externes
modifier- La bataille des Glières par Alain Cerri
- Le combat décisif de Monthiévret par Alain Cerri
- Les Hommes des Glières sur le site cheminsdememoire.gouv.fr
- L'Association des Glières - pour la mémoire de la résistance (site officiel)
- Site des anciens militaires et officiers (site officiel)