Marie-Louise Charles

Marie-Louise Charles est une esclave africaine affranchie née à la Guadeloupe vers et vivant à Bordeaux à la fin du XVIIIe siècle. Noire, jeune et femme, son parcours est exceptionnel : elle s'enrichit grâce à des transactions immobilières, gérant elle-même sa fortune et côtoyant la bourgeoisie bordelaise[1].

Marie-Louise Charles
Biographie
Naissance
Activité
Immeuble bordelais acquis, agrandi et revendu par Marie-Louise Charles, actuellement au 22 rue Albert de Mun

Éléments de biographie

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Marie-Louise Charles naît vers 1765 dans le village du Petit-Bourg à la Guadeloupe. Ses parents, Charles et Marie, sont selon toute vraisemblance deux esclaves[1].

On retrouve sa trace à Bordeaux en 1784. Elle a une vingtaine d'années, elle est libre. C'est l'une des quelque 5 200 personnes d'origine africaine présentes en ville à un moment ou à un autre de la période de la traite[2] ; il est plausible que son propriétaire aux Antilles l'ait ramenée en France avec lui et l'y ait affranchie.

Cet été-là, Marie-Louise achète[3] un « commencement de bâtisse » à quelques centaines de mètres de la basilique Saint-Seurin[Note 1]. Ce quartier périphérique, alors hors les murs et en plein développement, est le lieu d'habitation privilégié de la communauté noire à Bordeaux[2]. La maison est payée 4 000 livres, une somme colossale, trois fois supérieure au montant moyen de la transaction à l'époque. Sur l'acte de vente, un certain Bernardin Brunelot, propriétaire bordelais originaire de Saint-Domingue, se porte caution[1] : peut-on inférer que l'homme est son ancien maître, qui l'a affranchie en rentrant en métropole en lui léguant, comme parfois, une somme d'argent — probablement à la suite de faveurs sexuelles[4]?

Marie-Louise fait agrandir la maison par les architectes Laclotte (ceux-là mêmes qui la lui ont vendue)[4], y ajoutant trois étages pour la somme supplémentaire de 2 700 livres, et la cède en 1787 à Casimir Fidèle, autre Noir affranchi aisé qui exploite une auberge à Bordeaux[5], cette fois-ci pour la somme de 8 000 livres[6],[1].

Entre les deux actes, elle a appris à signer de son nom, peut-être à lire et à écrire, signe de son élévation sociale[1].

En 1790, Marie-Louise épouse François Hardy, un coiffeur métis. C'est elle qui apporte au ménage l'essentiel du patrimoine : François dispose de 200 livres, elle d'une créance de 3 000 livres auprès de Casimir Fidèle et d'un mobilier d'une rare richesse — un lit, une armoire en noyer, une bergère, un bureau, des indiennes, des couverts en argent, mentionne le contrat de mariage — évalué à 1 400 livres[7]. Le couple s'installe rue Castelnau d'Auros[8].

En 1807, elle vit avec une autre femme noire et ses deux enfants[Note 2] au 9, rue Colignon[9]. Elle dit exercer la profession de lingère, ce qui indique peut-être qu'elle a subi des revers de fortune[Note 3],[1]. C'est la dernière trace de son existence.

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • Julie Duprat, Bordeaux métisse : esclaves et affranchis de couleur du XVIIIe siècle à l'Empire, Bordeaux, Librairie Mollat, (ISBN 978-2-35877-026-2, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Notes et références

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  1. Aujourd'hui au 22, rue Albert-de-Mun (à l'époque rue du Réservoir).
  2. Adélaïde Gachet, couturière, est récemment arrivée à Bordeaux. C'est sans doute par solidarité que Marie-Louise la loge. La rue Colignan, aujourd'hui disparue, était située entre les actuelles rues Pierre Charron et du Château d'eau.
  3. Dans le recensement napoléonien qui fournit ces informations, son mari n'est pas mentionné. Selon Julie Duprat (op.cité) son métissage lui a peut-être permis d'échapper au contrôle — limité aux Noirs —, à moins que Marie-Louise ne soit désormais veuve ou séparée.

Références

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  1. a b c d e et f Julie Duprat, « Une entrepreneuse créole : Marie-Louise Charles », La petite histoire,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a et b Julie Duprat, Présences noires à Bordeaux : passage et intégration des gens de couleur à la fin du XVIIIe siècle, Thèse soutenue à l’École des chartes,
  3. Acte de vente des frères Laclotte à Marie-Louise Charles, 10 juin 1784 devant le notaire Collignan, AD de Gironde, 3 E 24282. Cité par Julie Duprat, op. cité.
  4. a et b Duprat 2021, p. 116.
  5. Albert Rèche, Naissance et vie des quartiers de Bordeaux : mille ans de vie quotidienne, FeniXX, 250 p. (lire en ligne), Chapitre F.L. Lonsing
  6. Contrat de vente passé entre Casimir Fidèle et Marie-Louise, 13 janvier 1787 devant le notaire Collignan, AD de Gironde, 3 E 24288, cité par Julie Duprat, op. cité.
  7. Contrat de mariage signé le 29 mai 1790 à Bordeaux devant le notaire Nauville (AD de Gironde 3 E 21607), cité par Julie Duprat, op. cité.
  8. Duprat 2021, p. 159.
  9. Duprat 2021, p. 168.