Marie Kugel
Marie Diener, dite Marie Kugel, née le dans le 15e arrondissement de Paris[1] et morte le à Hyères[2], est une anarchiste individualiste française, écrivaine libertaire, journaliste et imprimeuse. Elle représente aussi une certaine vision du courant anarchiste chrétien catholique en France[3] en lien avec un féminisme favorable à la liberté sociale et sexuelle.
Biographie
modifierMarie Diener est la fille d'Auguste Diener, cordonnier, et de Marie Honorine Chauvin, piqueuse de bottines[4]. Elle est employée des téléphones à la mort de ses parents[4]. Sa sœur, Esther, se marie à l'anarchiste marseillais Charles Hotz[5].
Ernest Armand, après son divorce, devient le compagnon de Marie Kugel[6]. Ensemble, ils lancent le périodique L’Ère nouvelle[7], initialement de tendance chrétienne catholique anarchiste[8]. Ils sont proches de camarades protestants ou baptistes, originaires d'un milieu populaire ou de la couche inférieure de la classe moyenne. Le premier numéro sort en avril 1901[9]. Marie Kugel y expose, en 1902, son point de vue sur le mariage et le salariat, qui sont pour elle « les assises de la propriété » et renforcent les inégalités hommes-femmes[3],[10]. Il faut, selon elle, se concentrer sur la qualité de la rencontre plus que sur sa durée[3].
Elle théorise dans plusieurs articles un féminisme chrétien et anarchiste[11],[12] Elle défend l'union libre et écrit que Jésus Christ a proclamé l'égalité complète entre les hommes et les femmes. Elle est démise de ses fonctions à l'école du dimanche en raison de ses positions et de sa relation avec Ernest Armand[13]. Cette exclusion fait écho à la rupture qui s'opère au même moment entre L'Ère Nouvelle et Élie Gounelle, pasteur roubaisien à la tête des Solidarités[14]. En cause, des positions qui ont été défendues par un certain Syracuse dans L'Ère Nouvelle sur la polygamie. À cet article, Marie Kugel avait répondu que bien qu'elle ne pensât pas que la polygamie convienne à tous et toutes, elle défendait le droit à l'auteur d'avoir cette position et cette pratique[15]. Dans tous ses textes, c'est l'autonomie individuelle qui prime et chacun doit avoir le droit d'expérimenter ce qu'il pense lui convenir.
En , elle est de ceux qui, avec Georges Butaud et Sophie Zaïkowska, Henri Zisly, Ernest Armand, Henri Beylie, Henri Prost, Georges Deherme et Paraf-Javal, sont à l'origine de la création d'un milieu libre en France[16]. Le projet se réalise en 1903 et aboutit à la naissance du Milieu libre de Vaux (ou La Clairière de Vaux), un hameau de la commune d'Essômes-sur-Marne[17]. Marie Kugel relate dans L’Ère Nouvelle cette aventure du milieu libre de Vaux[18]. Elle explique également que l’imprimerie permet à cette communauté de subsister[18].
D'ailleurs, ses échanges épistolaires en 1903 avec Lucien Descaves montrent un intérêt pour ces colonies libertaires et milieux libres[4]. Elle semble aussi avoir été relativement proche d'Élisée Reclus ; elle se trouvait chez Madame de Brouckère en Belgique quelques jours avant sa mort, et la chronique nécrologique qu'elle lui écrit dans L'Ère Nouvelle semble indiquer qu'ils correspondaient[19].
Atteinte de tuberculose, elle meurt en , provoquant une pause dans la parution de L’Ère Nouvelle[4]. Ernest Armand avait pour projet d'écrire un ouvrage sur sa vie et son œuvre, mais son incarcération semble avoir mis fin à ce projet[20].
Œuvre
modifierRéférences
modifier- « Visionneuse - Archives de Paris », sur archives.paris.fr (consulté le )
- « Visionneuse - Archives départementales du Var », sur archives.var.fr (consulté le )
- Alain Pessin et Patrice Terrone, Littérature et anarchie, Presses Univ. du Mirail, (ISBN 978-2-85816-308-3, lire en ligne), p. 143
- Marianne Enckell, « KUGEL Marie [DIENER Marie dite] », dans Dictionnaire des anarchistes, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Marianne Enckell, « DIENER Esther, épouse Hotz », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Christianisme et Monde Ouvrier, Editions de l'Atelier, (lire en ligne), p. 179
- Jean Maxe, Les cahiers de l'anti-France: Les Anarchistes et la psychologie du defaitisme, Éditions Bossard, (lire en ligne)
- « L'Ère nouvelle (1901-1911) - [La Presse Anarchiste] », sur www.la-presse-anarchiste.net (consulté le )
- Michel Ragon, Dictionnaire de l'anarchie, ALBIN MICHEL, (ISBN 978-2-226-19948-5, lire en ligne)
- François Bédarida et Jean Maitron, Christianisme et monde ouvrier: études, Éditions ouvrières, (lire en ligne)
- Marie Kugel, « Féminisme chrétien, sujet grave ! », L'Ère Nouvelle, no 8,
- Marie Kugel, « L'union libre et le christianisme libertaire », L'Ère Nouvelle, no 10, , p. 4
- Émile Armand, « En cours de route », L'Ère Nouvelle, no 17,
- Jean Baubérot, « Le protestantisme roubaisien face au socialisme guesdiste et au courant libertaire, 1898-1907 », dans Collectif, Christianisme et pouvoirs politiques : de Napoléon à Adenauer, Paris, Editions universitaires, , 178 p.
- Marie Kugel, « Le Mariage naturel », L'Ère Nouvelle, no 16, , p. 15-17 (lire en ligne [PDF])
- Tony Legendre, Expériences de vie communautaire anarchiste en France: le milieu libre de Vaux, Aisne, 1902-1907, et la colonie naturiste et végétalienne de Bascon, Aisne, 1911-1951, Editions libertaires, (ISBN 978-2-914980-33-3, lire en ligne)
- Jean Paul Koch, Le Collectivisme devant l'expérience, F. Rouge, 1946, page 194.
- Corinne Chambers, L’édition de textes de femmes anarchistes du début du 20e siècle : Pratiques et principes, Université de Toulouse 2 – Jean Jaurès, 85 p. (lire en ligne), p. 25
- Marie Kugel, « Élisée Reclus », L'Ère Nouvelle, no 35, , p. 120-121
- Ernest Armand, « Brochure et feuillet de propagande », L'Ère Nouvelle, no 41, fin avril-15 mai 1906, p. 40 (lire en ligne)
- Ernest Armand, Profils de précurseurs et figures de rêve, Éditions de L'en dehors, (lire en ligne)
Liens externes
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- Ressource relative à la vie publique :