Matî l'Ohê

cérémonie à Liège en Belgique

L'enterrement de Matî l'Ohê (« Mathieu l'os » en wallon) est une cérémonie folklorique et burlesque clôturant les festivités du à Liège[2]. Cet évènement consiste en un mélange de folklore, de tradition religieuse et de fête[3].

Guy Reynarts, ancien porteur officiel de Matî l'Ohê de 1981 à 2012[1].

L'os symbolise les restes des agapes de la fête : un jambon qui, durant les festivités, a été inexorablement consommé. Tout le monde ayant bien festoyé, il n'en reste plus que l'os : c'est la fin de la fête.

Cet enterrement folklorique est célébré en Outremeuse, un quartier de la ville, le , au lendemain de la Sainte-Marie, à 17 h[4]. Initialement, cette célébration était destinée aux personnes ayant travaillé durant les festivités du [3].

Déroulement[4]

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Le matin du , est annoncée à la surprise générale la disparition de Matî, qui avait pourtant été aperçu en pleine forme la veille. Son enterrement se déroulera le jour même.

Visites au Musée Tchantchès

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La dépouille de Matî l'Ohê en 2024 au musée Tchantchès et Nanesse
La dépouille de Matî l'Ohê en 2024 au musée Tchantchès et Nanesse

Dès 16 heures, tout un chacun est invité à se rendre au Musée Tchantchès pour un dernier hommage au défunt où est dressé pour l'occasion une mortuaire bien réelle. Matî y repose dans son cercueil entouré de cierges et accompagné des reliquats de la fête : une bouteille de peket vide, une botte de carottes et du céleri.

Défilent ainsi devant la dépouille, les prétendus membres de la famille portant le deuil, notables en haut de forme et nombreuses pleureuses, généralement en habits Belle Époque ou Années folles ne manquant pas d'énumérer les innombrables qualités du regretté défunt[5]. Les visites s'effectuent sous l'œil d'un clergé fictif et festif, composé d'un évêque entouré de ses acolytes : curés et d'enfants de chœur. Ceux-ci ne manqueront pas de tenter de remonter le moral des visiteuses et visiteurs éplorés en leur offrant un dé de peket.

Cortège

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L'évêque de l'enterrement de Matî l'Ohê entonnant l'Ave Maria face à la foule à genoux.

À 17 heures a lieu la levée du corps, suivie d'un cortège funéraire dans les rues d'Outremeuse. En tête avancent les ministres de la République libre d'Outremeuse, suivis dans l'ordre d'une fanfare, du clergé, de la dépouille de Matî emmenée par son porteur, de la famille et enfin des sympathisants. Le cortège déambule dans les rues du quartier accompagné de la fanfare qui alterne airs funèbres et airs joyeux durant lesquels les participants s'adonnent à des farandoles tout en agitant une branche de céleri. Cette alternance relève d'une symbolique : la tristesse de voir la fête se terminer mais également la joie à l'idée de recommencer l'année suivante.

Durant son parcours, le cortège effectue plusieurs arrêts aux différents « hôtels de la soif » tenus par différents cafetiers et sympathisants du quartier. Toutes les potales rencontrées durant le trajet font également l'objet d'un arrêt durant lequel le clergé invite la foule à s'agenouiller afin d'entonner l'Ave Maria. Marie étant célébrée durant toutes les festivités du 15 août en Outremeuse.

Porter le deuil et se munir d'une branche de céleri est de rigueur pour le cortège et contribue ainsi à maintenir le folklore.

Un thème est généralement choisi par un petit groupe de fervents proches du clergé, permettant à celles et ceux qui le souhaitent de s'habiller en conséquence. Liste des thèmes de ces dernières années:

  • 2022: les travaux du tram
  • 2023: Barbie
  • 2024: les Jeux Olympiques
Incinération (fictive) de Matî l'Ohê en Outremeuse en 2022

Clôture et incinération

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Aux alentours de 20 heures, le cortège arrive à son terme et procède à l'incinération symbolique de l'os. Les participants sont invités à déposer leur branche de céleri au pied du défunt. Le tout se terminant par des farandoles emmenées par le clergé et proches du défunt.

L'incinération de l'os fait également référence au mythe du Phoenix : l'os est brûlé de manière qu'il puisse renaître de ses cendres l'an suivant[3].

Tradition méconnue et confidentielle: l'os ainsi que la bouteille de pèkèt qui l'a accompagné durant tout le cortège sont enterrés ensuite dans le jardin d'une bonne âme accueillante. Tous deux seront déterrés durant le mois de mai de l'année suivante. La bouteille sera servie au clergé et pleureuses présents pour l'occasion. Cet acte marque la relance des festivités[6].

La dépouille de Matî en 2024 posée sous la potale située à l'angle de la rue Fosse aux Raines et la rue Jean d'Outremeuse dans le quartier d'Outremeuse

L'enterrement de l'os est une coutume très ancienne en province de Liège. Celle-ci a fortement évolué au cours des siècles et était très pratiquée dans les différentes communes de la province avant de tomber petit à petit dans l'oubli.

Les premières traces retrouvées de festivités caricaturant un enterrement remontent à 1722. En effet, un cri du Perron retrouvé et daté de cette année, ordonnait aux participants à la cérémonie de l'enterrement de l'os à se dénoncer. Cet enterrement se serait déroulé le mercredi des cendres à Montegnée et consistait à se déplacer "en grosse bande dans les rues en portant des os de telle manière que l'on porte les morts pour aller les enterrer". Ce cri mentionne également le port par certains de croix, ou encore de pots et chaudrons parodiant les encensoirs ainsi que d'autres objets mimant les ustensiles utilisés dans la liturgie catholique. Ce cortège était également composé de faux prêtres entonnant des airs contrefaits. Le tout singeant et moquant un cortège funéraire.

Un autre document probablement lié à ce type de festivités dans le diocèse de Liège, signé par le vicaire général Edmond de Stoupy, interdisait de se travestir en habit ecclésiastique. Ce document faisait état de l'indignation du Prince-Evêque de Liège à propos du fait que certaines personnes avaient été surprises en public, déguisées en habits ecclésiastiques et séculiers. Il interdisait ainsi le port de tels habits sous peine d'excommunication. Cette interdiction signée dix jours avant le mercredi des cendres 1751 recherchait très certainement à éviter de voir se reproduire une fois de plus, les abus de ce type constatés avec stupeur les années précédentes.

Le fait que ce type de festivités se déroulaient initialement le mercredi des cendres n'est pas anodin. L'enterrement d'un os de jambon à cette date permettait de marquer la fin du carnaval. Et ainsi le passage d'une période d'abondance à une période de privations imposées par l'Eglise par le début du carême.

L'intérêt pour les coutumes carnavalesques s'amenuisa avec le temps en province de Liège. L'Église étant également devenue plus laxiste en termes de privations durant le carême, toute la symbolique de l'enterrement de l'os marquant le début des privations perdit de son sens et la coutume disparut petit à petit.

Nom de l'os

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Quelques éléments permettent de mettre sur pied un début de réponse concernant l'origine du nom "Matî" donné à l'os. À Faymonville, "Matî" signifie le mollet, le gras de la jambe. Par conséquent, le lien entre le gras de la jambe, le jambon et l'os se fait très rapidement.

Autrefois, l'enterrement de Matî l'Ohê était organisé par les habitants de la rue Roture. Cette festivité faisait partie intégrante de leur fête paroissiale qui se déroulait durant le mois de mai. À l'époque, la tradition consistait à réunir un grand nombre d'os de jambons que l'on disposait sur une civière. Le brancard était ensuite baladé au travers de la paroisse Saint-Nicolas. À la fin de la tournée, les jambons étaient vendus dans l'espoir d'obtenir un peu d'argent afin de pouvoir lever le coude ensuite.

Après une interruption d'une vingtaine d'années, il fut décidé de reprendre la tradition de l'enterrement en l'intégrant aux fêtes du sous la forme que l'on connait actuellement.

Matî l'Ohê ailleurs

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Cette tradition est encore présente à Spa. Reprise depuis 1987 par le groupe carnavalesque "les Baladins". Le carnaval est clos par le brûlage sur un bûcher d'un certain Mathy Lhoxet[8],[9],un mannequin, à l'issue d'un cortège funéraire. Grand feu et enterrement ayant probablement fusionnés en une seule et même fête à un moment donné.

La tradition est aussi présente dans certains villages, à Melen par exemple lors de la fête villageoise du premier week-end d'août qui se termine aussi, le mardi soir, par l'enterrement de Matî l'Ohê[10].

Également lors des fêtes de la Saint-Pholien (avant-dernier weekend de juin) également en Outremeuse qui se terminent le mercredi par l'enterrement de Matî l'Ohé (Jusqu'en 2016, l'os était brûlé sur la place Sainte-Barbe. Depuis lors, à la suite d'un changement de réglementation de la ville de Liège, l'os est jeté dans les eaux de la Meuse, toujours à côté de la place Sainte-Barbe)[11].

Galerie

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Références

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  1. J. J, « Enterrement ce vendredi! », sur DHnet (consulté le )
  2. « Le 15 août et ses festivités enterrés avec Matî l'Ohê dans les pleurs et la joie - RTC Télé Liège », sur www.rtc.be (consulté le )
  3. a b c et d Marc Bechet, « Incroyable succès de foule pour Mati l'Ohè », sur DHnet (consulté le )
  4. a et b J.-M. C, « Liège: on a enterré Matî l’Ohê , les festivités du 15 août sont terminées », sur DHnet (consulté le )
  5. Le Petit Futé, Liège 2010, Éditions Neocity SPRL, p. 47, 2009
  6. « Edition du 16/08/2024 - RTC Télé Liège », sur www.rtc.be (consulté le )
  7. « Matî l' Ohê », sur Beljike (consulté le )
  8. Romain RIXHON, « Aucune pitié pour Mathy Loxhet », sur lavenir.net (consulté le )
  9. « Mathy Loxhet | » (consulté le )
  10. « Cinq jours de fête à Melen », sur DHnet, (consulté le )
  11. « Outremeuse: entre vendredi et jeudi, ce sont les fêtes #folkloriques de Saint-Pholien », sur TodayInLiege, (consulté le )

Liens externes

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  • Reportage de l'enterrement de Matî l'Ohê le  : lien YouTube