Messe des Morts (Gossec)

La Messe des Morts, Grande Messe des Morts ou encore Missa pro Defunctis de François-Joseph Gossec, est un Requiem composé en 1760. Composition d'un jeune homme de vingt-six ans, qui avait déjà été pionnier de la symphonie, la Grande messe tranche fortement avec les Requiem les plus de l'époque, ceux de Gilles et Campra, notamment par l'effectif requis et les effets d'orchestration.

Messe des Morts
Grande Messe des morts, Missa pro Defunctis, Requiem
Image illustrative de l’article Messe des Morts (Gossec)
Page de titre de la première édition de 1780.

Genre Requiem
Musique François-Joseph Gossec
Langue originale Latin
Dates de composition 1760
Création mai 1760
Paris, Couvent des Jacobins de la rue Saint-Jacques[1]

Histoire

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Gossec compose la Messe des Morts pour une première exécution en au couvent des Jacobins de la rue Saint-Jacques, à l'occasion de la mort de Charlotte-Godefride-Élisabeth de Rohan Soubise, Princesse de Condé morte en mars 1760, à vingt-trois ans[2].

L’œuvre a été jouée une douzaine de fois de 1760 à 1792 dont, le 18 décembre 1784 à Saint-Eustache[1] et deux en , pour « le repos de l’âme des frères morts pour la défense de la patrie » et deux fois en 1792 pour honorer les morts de la Bastille. Elle est produite pour des commémorations, une seule fois en concert en 1762 dans l’hôtel de Soubise, mais jamais lors de funérailles.

L'œuvre est reprise à Paris en 1805 et 1814 (pour les obsèques de Grétry)[3], à Berlin en 1911 et à Wurtzbourg en 1932. Dans la période contemporaine, elle est parfois exécutée en Belgique, en l'honneur d'un musicien né, non pas en France, mais en Wallonie[4].

Cette ignorance d’une œuvre de grande qualité tient probablement tant au fait que Gossec est considéré comme un compositeur de second plan, qu'à la longueur de l’œuvre et à l’importance des effectifs requis.

Sa première édition, très soignée, comporte des indications de nuances[1], date de 1780 chez l’éditeur Henry, vingt ans après sa composition. Elle est rééditée deux fois, la troisième et dernière en 1785, chez Leduc.

Analyse

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La Messe des morts est généralement considérée comme la plus grande œuvre de Gossec. Cette composition de 1760, très novatrice, comporte des passages de style baroque, mais sa plus grande partie est comparable aux œuvres de style viennois de la maturité de Haydn et de Mozart[1] des années 1780, et anticipe Beethoven par endroits.

Instrumentation

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L'instrumentation est exceptionnellement importante pour l'époque. Elle requière quelque deux-cent exécutants, et annonce celles des Requiem de Berlioz et de Verdi.

L’orchestration indiquée, est celle de la partition gravée de la première édition, très soignée, qui ne comporte pas de bassons. Ceux-ci étaient certainement présents dans les exécutions du requiem, leur partie étant la doublure de la basse.

Instrumentation de la Grande messe des morts de Gossec (édition de 1780)
Cordes
premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses
Bois
2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes
Cuivres
4 cors, 2 trompettes, 3 trombones
Percussions
timbales
Voix
Solistes : soprano, Contralto, ténor, basse
Chœur : sopranos, altos, ténors et contre-ténors, basses.

L'orchestration utilisée par le compositeur, variable suivant les circonstances, était plus ample. L’orchestre fondé par Gossec, « La Société académique des enfants d’Apollon » réunissant des musiciens amateurs et des professionnels, était composé de 60 à 80 musiciens, soit l’équivalent d’un orchestre symphonique mais pouvait être plus étoffée. Dans le Tuba mirum, l'orchestre était divisé en deux groupes éloignés, les cuivres et les clarinettes, éloignés sont situés à l'extrémité de na nef, dialoguant avec les hautbois et les cordes.

Gossec a donné ses impressions à la suite d’une exécution du dans l’église Saint-Eustache ayant réuni quelque deux-cent musiciens :

« On fut effrayé de l’effet terrible et sinistre de trois trombones réunis à quatre clarinettes, quatre trompettes, quatre cors et huit bassons cachés dans l’éloignement et dans un endroit élevé de l’église pour annoncer le jugement dernier, pendant que l’orchestre exprimait la frayeur par un frémissement sourd de tous les instruments à cordes. À cet effet terrible succéda bientôt dans l’orchestre un effet doux, suave et consolateur, produit par la réunion des flûtes aux clarinettes et cors[5]. »

Cette impression est celle ressentie par les auditeurs à la suite d’une exécution du , ainsi relatée par un chroniqueur du Journal de Paris :

« L’exécution a paru répondre à la beauté de la composition. Le Dies irae a eu tout l’effet que l’auteur pouvait en attendre ; mais l’Offertoire en a produit un que M. Gossec ignore sans doute et dont nous devons tenir compte. Le passage du psaume a été chanté par M. Richer ; le premier verset exprime l’effroi d’un cœur qui redoute la présence de son juge, et le suivant l’espérance de sa bonté ; la transition est faite avec tant d’art dans la ritournelle du second morceau, l’accent qui y est employé marque si sensiblement une espérance empreinte de crainte et d’inquiétude, et l’ensemble en est si mélodieux, qu’une jeune femme qui s’était fait expliquer le sens des paroles, a fondu en larmes. Elle a été remarquée par une partie des spectateurs ; cette espèce de succès n’est pas équivoque[6]. »

Structure

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D’une durée d’exécution d’environ 90 minutes, Ce requiem est composé de vingt-cinq séquences qui ne suivent pas strictement le rituel. Ainsi Gossec omet le Kyrie et préfère la tradition gallicane et ibérique, avec les Pie Jesus et l'Offertoire[1].

I. Introduction orchestrale : grave en do majeur

II. Requiem en do mineur, chœur accompagné par les cordes avec sourdines

III. Te decet hymnus Deus, dialogue entre l’orchestre, les solistes, soprano et contralto, et le choeur.

IV . Exaudi, Largo en fa mineur passage en bel canto

V . Requiem

VI. Et lux perpetua, Fugue en do mineur par le chœur accompagné par l’orchestre

La deuxième partie Dies iræ est la plus travaillée

VII. Dies iræ, en sol mineur.

VIII. Tuba mirum , Baryton accompagné par l’orchestre divisé en deux groupes

IX. Mors stupebit

X. Quid sum miser, Récitatif de contralto suivi par un trio soprano, contralto et basse accompagnés par les hautbois

XI. Recordare

XII. Inter oves , solo de soprano

XIII. Confutatis, chœur

XIV. Oro supplex

XV. Lacrymosa, deux sopranos solos accompagnées par l’orchestre

XVI. Judicandus, Chœur et violons

XVII. Pie Jesu, qui se termine par un Amen fugué du chœur soutenu par les violons et violoncelles

XVIII. Vade et non reverde conspicio, Récitatif chanté par le ténor

L'Offertoire est une partie très lyrique à caractère de bel canto

XIX. Spera in deo, Air

XX. Cedant hostes, chœur divisé accompagné par les cordes

Après l'Offertoire éclatant, la dernière partie de la messe, réservée dans le Sanctus, s'oriente ensuite vers plus d'ampleur et de majesté

XXI. Sanctus, plain-chant en fa majeur harmonisé chanté par le chœur

XXII. Pie Jesu, Chœur, d'abord seulement les ténors et basses, suivi de l’entrée de toutes les voix

XXIII. Agnus Dei, do majeur,

XXIV, Lux aeternam, en do majeur chœur sans les sopranos

XXV, Requiem, chant des solistes, entrée de basse suivie par le ténor, l’alto et la soprano, se terminant par une fugue du chœur en do majeur[7].

La Messe des Morts, source d'inspiration du Requiem de Mozart ?

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Lors de ses séjours à Paris en 1763, 1766 et 1778, Mozart a rencontré Gossec, qu'il qualifie dans sa correspondance, de « très bon ami ». Il n'a probablement pas eu l'occasion d'assister à une exécution de l'œuvre, mais il en a vraisemblablement lu la partition de 1780, chez le baron Van Swieten, qui figure sur la liste des souscripteurs, dans l'annexe de cette édition.

Le musicologue Carl de Nys a mis en évidence les relations entre les deux œuvres[8].

Discographie

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  • Grande Messe des Morts (Requiem, 1760) - Musica polyphonica, Chœur du Conservatoire de Maastricht, Bernadette Degelin, Greta de Reyghere, Kurt Widmer, Howard Crook, dir. Louis Devos (1986, Erato/Apex).
  • Grande Messe des Morts – Coro della Radio Svizzera Gruppo Vocale Cantenus, Orchestra della Svizzera dir. Wolf-Dieter Hauschild (Cathédrale San Lorenzo de Lugano, 1998, Naxos)
  • Missa pro defunctis – Chœur de chambre de Namur La Grande écurie et la Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgoire (Chapelle royale de Versailles, 2002, Harmonia Mundi)

Annexes

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Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Notes et références

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  1. a b c d et e Honegger 1992, p. 1276.
  2. Claude Role, p. 51.
  3. Honegger 1992, p. 1726.
  4. Claude Role, p. 53.
  5. Barthélémy 2002, p. 12.
  6. Barthélémy 2002, p. 8.
  7. Barthélémy 2002, p. 12-14.
  8. Claude Role, p. 54.

Liens externes

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