Mika Etchebéhère

Militante féministe, anarchiste et marxiste argentine engagée dans la guerre d'Espagne

Mika Etchebéhère
Micaela Feldman
Micaela Feldman de Etchebehere
Michèle Feldman
Image illustrative de l’article Mika Etchebéhère

Naissance
Moisés Ville (Argentine)
Décès (à 90 ans)
Paris
Origine argentine
Type de militance lutte armée
Cause défendue libertaire
marxisme anti-stalinien
anarcha-féminisme

Mika Etchebéhère, née le à Moisés Ville (Argentine) et morte le à Paris, est une militante anarchiste puis marxiste libertaire, combattante du POUM pendant la révolution sociale espagnole de 1936.

Mika Etchebéhère en 1936.
Mika Etchebéhère (sans doute en 1937).
Mika Etchebéhère (sans doute en 1938).

Elle est également active dans l'organisation féminine libertaire[1] Mujeres Libres.

Biographie modifier

Elle est née en 1902, à Moisés Ville une petite ville (comuna) de la province de Santa Fe en Argentine fondée le par des Juifs de Russie et de l'Europe de l'Est, fuyant les pogroms et les persécutions.

Son père enseigne le yiddish à la colonie juive avant de s'installer à Rosario, où il ouvre un petit restaurant.

L'enfance de Mika est emplie d'histoires de révolutionnaires russes échappés des prisons tsaristes de Sibérie[2].

Dès l'âge de 15 ans, elle milite dans le groupe anarchiste de Rosario. Elle crée avec Eva Vives, Joan Pauna et d'autres militants libertaires, l'association féministe Louise Michel[2].

En 1920, étudiante en médecine dentaire à l'Université de Buenos Aires, elle rencontre son futur compagnon, Hipolyte Hipólito Etchebéhère[3] qui milite au groupe marxiste libertaire, Insurrexit. Ensemble, ils partagent le même engagement politique.

En 1924, influencés par la révolution russe, ils adhèrent ensemble au Parti communiste d'Argentine (PCA), mais en sont exclus en 1925[4] pour « tendance anarchisantes »[5] et pour avoir refusé de condamner Trotsky.

Au début de 1926, elle participe à la fondation de Parti communiste ouvrier (PCO) qui publie le journal La Chispa, « l'étincelle ». ce pourquoi les membres de ce groupe trotskyste dissout en 1929, sont connus sous l'étiquette de « chispistas »[2].

Elle se rend ensuite en Patagonie argentine pour collecter des témoignages de première main sur les massacres commis par l'armée durant ce que l'on a nommé Patagonie rebelle concernant les luttes menées entre 1920 et 1921 par des travailleurs et paysans insurgés, principalement anarcho-syndicalistes, dans la province de Santa Cruz.

En 1930[4], le couple se rend en Europe, en juin d'abord dans l'Espagne de la toute nouvelle Seconde République, puis en France. En , elle est à Berlin et assiste à la prise du pouvoir par les nazis, constatant « la tragédie du prolétariat allemand »[2].

De retour à Paris en , elle participe avec son compagnon à la fondation de la revue communiste anti-stalinienne Que faire ?[2].

Révolution espagnole modifier

Le , six jours avant le coup d'État franquiste en Espagne, elle est à Madrid.

Le couple s'engage comme volontaires dans une colonne motorisée du Parti ouvrier d'unification marxiste (POUM) dont Hippolyte est nommé commandant[4]. Le , Hippolyte est tué d'une balle de mitrailleuse lors des combats de Sigüenza (Guadalajara, Castille)[4].

Après avoir songé un moment à se suicider et malgré les difficultés à se faire accepter comme femme combattante sur le front, elle est finalement élue responsable de sa compagnie par ses camarades. Fin 1936, après la militarisation des milices, elle rejoint la 38e brigade. Sa compagnie décimée dans de violents combats, elle intègre comme officier, avec le grade de capitaine, la XIVe division de l'Armée populaire espagnole (fondée le ) et dirigée par l'anarchiste Cipriano Mera, également dirigeant de la CNT[5].

Selon Édouard Waintrop : « Ce sont les combats et l'attitude de Mika qui feront d'elle, sans qu'elle le revendique, sans même qu'elle le veuille, le chef naturel, avec le grade de capitaine, de cette escouade de durs, un anarchiste marseillais et des Estrémègnes (d'Estrémadure), des mômes et des vieillards, des paysans et des ouvriers. Elle a gagné l'estime de tous en devenant une femme d'acier. Encore faut-il s'entendre sur ce terme. Être une femme d'acier, pour Mika, ce n'est pas cacher ses sentiments, sa compassion, c'est seulement ne pas céder à certaines pulsions sexuelles. »[4]

Lors des journées de mai 1937 à Barcelone, elle est arrêtée sur le front à Guadalajara par des agents staliniens. Incarcérée à Madrid, elle ne doit sa libération qu'à l'intervention personnelle de Cipriano Mera[6]. À sa sortie de prison, elle rejoint le groupe féministe libertaire, Mujeres Libres[2]. Elle participe aux combats jusqu'en , lorsque les femmes sont renvoyées vers l'arrière[5].

Elle donne des cours d'alphabétisation et de formation culturelle dans un hôpital de Madrid tenu par la Confédération nationale du travail (CNT) tout en continuant de participer aux activités des Mujeres Libres[2]. Le , après la chute de Madrid, et grâce à son passeport français, elle se réfugie dans l'école française pendant six mois avant de rejoindre Paris.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, en raison de son origine juive, elle se réfugie dans sa famille en Argentine[4].

Ma guerre d'Espagne à moi modifier

À la mi-1946, elle rentre en France, où elle gagne sa vie comme traductrice à Air France[4].

Elle participe à la fondation du Cercle Zimmerwald.

Pendant les événements de Mai 1968, à 66 ans, elle distribue des gants blancs aux jeunes étudiants qui dépavent les rues pour construire des barricades, afin qu'ils ne se fassent pas interpeller par la police lors des contrôles, du fait de leurs mains noircies par la poussière[2].

Elle participe également aux diverses manifestations contre les dictatures instaurées en Amérique du Sud par des coups d'État.

Elle est l'autrice en français d'une autobiographie, Ma guerre d'Espagne à moi, où elle raconte ce qui se passe jour après jour sur le champ de bataille et dans la tête des combattants[4]. Publié en 1976 chez Denoël, dans la collection des « Dossiers des Lettres Nouvelles », traduit en espagnol l'année suivante, le livre est réédité chez Actes Sud en 1999 dans la collection « Babel Révolutions » et enfin réédité en 2014 chez Milena.

Elle a été une amie proche de Julio Cortázar, Alfonsina Storni, Copi et André Breton[réf. nécessaire].

Mika Etchebéhère meurt le à Paris et, selon son vœu, ses cendres sont dispersées dans la Seine.

Citation modifier

« Ce qui peut me rester de l'anarchisme, c'est mon incapacité à respecter les hiérarchies imposées et ma foi dans le cercle de l'égalité... »

Œuvres modifier

Bibliographie modifier

  • Elsa Osorio, La Capitana, traduit de l'espagnol par François Gaudry, Éditions Métaillé, collection Bibliothèque hispano-américaine, 2012, note critique.
  • Édouard Waintrop, Ma sœur, mon capitaine. Les souvenirs de Mika Etchebéhère, chef de brigade du POUM pendant la guerre d'Espagne, Libération, , texte intégral.
  • Claude Guillon, Ma Guerre d’Espagne à moi de Mika Etchebéhère : « Pour une révolution, c’est une révolution ! », Bibliothèque D'une révolution l'autre, , texte intégral.
  • Juan Rústico (pseudonyme de Hippolyte Etchebéhère), 1933, la tragédie du prolétariat allemand, Éditions Spartacus, 2003.
  • Mary Low, Carnets de la guerre d'Espagne, Éditions Verticales, Paris, 1997, pp. 178-180.
  • (es) Luis Portela, Mika Etchebéhère : una heroica y desconocida combatiente de nuestra guerra civil, Historia y Vida, .
  • Cynthia Gabbay, Identidad, género y prácticas anarquistas en las memorias de Micaela Feldman y Etchebéhère, Forma. Revista d'estudis comparatius. Art, literatura, pensament, nº 14, Barcelone, 2016, p. 35–57.(lire en ligne)
  • Cynthia Gabbay, (Jewish) Women’s Narratives of Caring and Medical Practices during the Spanish Civil War, Nashim: A Journal of Jewish Women’s Studies and Gender Issues, Special Issue 36: Jewish women medical practitioners in Europe before, during and after the Holocaust, Indiana University Press, Printemps 2020, p. 205-233, (lire en ligne)
  • Cynthia Gabbay, El onceavo mandamiento: memoria del fuego en la literatura judía y feminista de la guerra civil española, (Eds.) Emmanuel Kahan, Ariel Raber, y Wanda Wechsler (NEJ, IDES), Hacer Patria. Estudios sobre la vida judía en Argentina, Buenos Aires: Teseo, 2020, 31-67. (ISBN 9789878654430), publié aussi dans Mozaika Magazine, Barcelone, 5 novembre 2020 (lire en ligne)
  • Cynthia Gabbay, Babilonia y Revolución en España: Prácticas de escritura cosmopolita de una miliciana/ Mika Feldman Etchebehere, (Eds.) Julia Kölbl, Iryna Orlova et Michaela Wolf, ¿Pasarán? Kommunikation im Spanischen Bürgerkrieg. Interacting in the Spanish Civil War, Vienna: New Academic Press, 2020, 82-99. (ISBN 978-3-7003-2179-8)
  • Cynthia Gabbay, “Iterología de Micaela Feldman/Etchebehere tras la guerra civil española: entre el insilio melancólico y el exilio de imaginación cosmopolita”, Claudia Nickel et Diego Santos Sánchez (Eds.), Women in Exile: Female Literary Networks of the 1939 Republican Exile, Volume Spécial du Journal of Spanish Cultural Studies 23(1), 2022, 51-70, https://doi.org/10.1080/14636204.2022.2033430.
  • Cynthia Gabbay, “Genética de Mi guerra de España: una matriz multilingüe para revolucionar la trinchera”, Ed. Javier Sánchez Zapatero, Literatura universal y guerra civil española, Granada: Comares, 2023, 141-159, sous presse.
  • Dolors Marín, Libertarias : femmes anarchistes espagnoles, Paris, Nada, , 254 p. (ISBN 979-10-92457-15-5, OCLC 994683270), p. 202-221

Vidéo modifier

  • Javier Olivera, Rodolfo Pochat, Mika, mi guerra de España, Argentine, 2013, 78 minutes, bande annonce.

Notices modifier

Articles connexes modifier

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Mujeres Libres.

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Mary Nash, Femmes Libres : Espagne, 1936-1939, La pensée sauvage, 1977, lire en ligne.
  2. a b c d e f g et h Estel Negre : notice biographique.
  3. Hippolyte Etchebéhère (1900-1936), La Bataille socialiste, notice biographique.
  4. a b c d e f g et h Édouard Waintrop, Ma sœur, mon capitaine. Les souvenirs de Mika Etchebéhère, chef de brigade du POUM pendant la guerre d'Espagne, Libération, 14 janvier 1999, texte intégral.
  5. a b et c L'Éphéméride anarchiste : notice biographique.
  6. « Mika Etchebéhère, guerrière et libertaire », sur Mediapart, (consulté le )
  7. Claude Guillon, Ma Guerre d’Espagne à moi de Mika Etchebéhère : « Pour une révolution, c’est une révolution ! », Bibliothèque D'une révolution l'autre, 8 juillet 2014, texte intégral.
  8. « 1918-1939 : les rêves brisés de l’entre-deux guerres (1/8) », sur arte.tv via Wikiwix (consulté le ).