Mina Owczyńska

Héroïne principale du roman La promesse de l'aube

Mina Owczyńska, née en 1879 à Švenčionys (Lituanie) et morte le 16 février 1941 à Nice (France), est connue pour être la mère de l'écrivain français Romain Gary et sa principale inspiration pour le roman La Promesse de l'aube (1960).

Mina Owczyńska
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activités
Conjoints
Reouven Bregstein (d) (jusqu'en )
Arieh-Leïb Kacew (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Joseph Bregsztein (d)
Romain GaryVoir et modifier les données sur Wikidata

Biographie modifier

Mina Owczyńska est la fille de Josel (Joseph) Owczyński et Gitla Kawarskaja[1]. Elle a deux frères, Boris Owczynski (1890-1949) et Eliasz Owczynski. Ce dernier émigrera en France et l'accueillera quand elle viendra à son tour ; il est le père de Dinah (1906), qui épousera Paul Pavlowitch (1893-1953) et donnera naissance à Paul-Alex Pavlowitch (1942-).

Mina Owczyńska fait des études secondaires en yiddish et en russe dans un établissement de la communauté juive et où elle participe à un groupe de jeunesse d'orientation socialiste, le « cercle Yehoash ».

Elle se marie à Reuven Bregsztein, originaire de Kaunas comme sa propre mère, mais elle en divorce à une date indéterminée. On ne sait pas grand-chose de ce premier mariage sinon qu'en est issu un fils du nom de Joseph Bregsztein né en 1902 (et mort à 21 ans)[2] et qui semble avoir habité avec le jeune Roman de à avant de mourir de maladie peu après à Gdańsk[3].

Le 28 août 1912, elle se remarie avec Arieh-Leïb Kacew (prononcé en polonais [kat͡sɛf][4]), fourreur de profession et administrateur d’une synagogue. Elle exerce comme modiste.

Le 21 mai 1914 naît Roman Kacew, futur écrivain sous les noms de Romain Gary et Émile Ajar.

En 1914, la guerre éclate et Arieh-Leïb Kacew est mobilisé dans l'armée russe. Mina Owczyńska quitte Vilnius avec son fils et retourne à Švenčionys. Après quelques mois, une mesure générale d'expulsion des personnes de confession juive de la zone du front l'oblige à passer plusieurs années en Russie proprement dite. Elle y passe plusieurs années, mais les informations sur ce séjour sont obscures. Dans ses livres, Romain Gary évoque des séjours à Koursk et à Moscou, un voyage à travers la Russie en traîneau et en train, la rencontre de matelots révolutionnaires dans un port non précisé ; durant cette période, Mina aurait été comédienne, participant aussi à l'agitprop révolutionnaire[5]. Aucune source indépendante ne confirme ces assertions.

En , la présence de Mina et de Roman est attestée à Vilnius, grâce au registre des locataires d'un immeuble au no 16 de la rue Wielka-Pohulanka. Elle vit là quelques années avec son fils et son mari, une fois qu'il est démobilisé.

En 1925, le couple se sépare. Le divorce est prononcé en [6]. Romain Gary n'a pratiquement rien dit ou écrit sur la période où son père vivait avec eux à Vilnius, ni sur la séparation et le divorce. En mars ou , peu avant la séparation, sa mère l'emmène à Bordighera où il voit la mer pour la première fois[7].

Roman est élevé par sa mère, qu'il présente comme une actrice de théâtre[8]. Après la séparation, elle connaît des problèmes financiers, car elle ne dispose plus des revenus du magasin de fourrures de son mari, et son petit atelier de chapeaux lui rapporte peu. En , elle retourne à Švenčionys, puis s'installe en 1926 à Varsovie, où sont déjà présents d'autres membres de sa famille, notamment son frère Boris, avocat, qui l'héberge[9].

Le , avec un visa touristique, elle émigre en France. Elle arrive à Menton et s'installe à Nice, où se trouvent déjà son frère Eliasz et sa famille. Elle entame les démarches pour obtenir une autorisation de séjour, qui lui est accordée à la condition qu'elle n'occupe pas d'emploi[10]. Pour gagner sa vie, elle vend d’abord « au noir » des articles de luxe dans les grands hôtels de Nice ou de Cannes, puis elle s'occupe de vente immobilière[11]. Un de ses clients lui confie finalement la direction d'un petit hôtel, la pension Mermonts, au 7 boulevard Carlone (l'actuel boulevard François-Grosso)[12].

Elle se découvre un diabète insulinodépendant[13] et sa santé se dégrade. Les lois pétainistes l'obligent à quitter la pension Mermonts, qui prospérait sous sa direction. Le , elle meurt d’un cancer de l’estomac dans une clinique à Nice, où l’avaient hospitalisée les Agid, les seuls amis de Gary[14].

Elle meurt en l'absence de son fils, engagé dans les Forces françaises libres. Dans La Promesse de l'aube, l'écrivain raconte n'avoir appris son décès qu'en 1944, lors de son retour triomphal à Nice[15] ; mais des recherches ultérieures montrent qu'il connaissait l'état de santé de sa mère et avait été averti « par un télégramme très brutal »[16] du décès de celle-ci, veillée par ses amis de jeunesse Sylvia Stave et René Agid — auxquels La Promesse de l'Aube est dédié[17].

Après la parution de La Promesse de l’aube, François Bondy, qui avait vécu quelques mois à la pension Mermonts, avait écrit à l'écrivain : « Ce roman est la vérité même… Il ressuscite l’étonnante et merveilleuse personnalité de ta mère qui n’avait nul besoin d’être transformée ou agrandie par l’imagination. Qui pouvait l’oublier, l’ayant connue ? » François Bondy disait aussi qu'elle était une personnalité théâtrale, non loin de la mythomanie[14]. Son caractère était également bien trempé, comme en témoigne l'écrivain : « Quand je me trouvais au lycée, devant un professeur qui m'avait mal noté, ma mère disait : “Vous êtes un imbécile intégral, vous ne comprenez rien à rien.” Je me souviens de voir, devant le lycée de Nice, ma mère avec sa canne, arrêtant un professeur malheureux, un professeur de mathématiques. J'étais complètement nullard en mathématiques, il n'y a pas un professeur au monde qui aurait pu tirer quelque chose de moi à cet égard. Ma mère lui est tombée dessus en disant : “Ce n'est pas mon fils qui a besoin d'être en quatrième ou en troisième. C'est vous qui devriez y retourner pour apprendre les choses élémentaires que l'on doit enseigner aux enfants.” »[18]

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. « Mina Owczynska », sur geni_family_tree (consulté le )
  2. Entretien accordé par Agata Tuszynska au Figaro littéraire (jeudi 21 septembre 2023, p. 8), auteure du Jongleur, enquête sur la jeunesse et la famille de Romain Gary.
  3. App Klynt, « Romain Gary (1914-1980) », sur institutfrancais-lituanie.info (consulté le ).
  4. « Kacew » étant un nom polonais où le « c » se prononce « ts » ; en russe : Кацев, correspondant aussi à la prononciation katsef.
  5. Anissimov 2004, p. 34-37.
  6. Anissimov 2004, p. 44.
  7. Anissimov 2004, ch. 6, p. 49.
  8. Julien Roumette, Romain Gary. L'ombre de l'histoire, Presses universitaires du Mirail, , p. 197.
  9. Anissimov 2004, ch. 11, p. 67-73.
  10. cf. dossier de Mina Kacew, centre des archives de Fontainebleau, dossier no 116 050, cité par Anissimov, chapitre 11, 2004, p. 71-72.
  11. Anissimov 2004, ch. 15, p. 88-90.
  12. Christian Arthaud, Éric L. Paul, La Côte d'Azur des écrivains, Édisud, , p. 79.
  13. Larat 1999, p. 32.
  14. a et b Myriam Anissimov, « Mythomane et encombrante : comment la mère de Romain Gary a influencé son œuvre », Magazine liitéraire,‎ (lire en ligne)
  15. « Romain Gary : portrait », sur fondationlaposte.org (consulté le ).
  16. « Romain Gary à propos de sa mère », sur Ina.fr, Institut national de l’audiovisuel, (consulté le ).
  17. Mireille Sacotte commente la promesse de l'aube de Romain Gary, Gallimard, , 259 p. (ISBN 978-2-07-030225-3, lire en ligne).
  18. « Romain Gary (4/5) : L'enfant de sa mère », sur France Culture, (consulté le )