Mine de Kiruna

mine à ciel ouvert et souterraine de minerai de fer, Suède
Mine de Kiruna
Vue de la partie aérienne de la mine.
Ressources
Exploitant
Propriétaire
Ouverture
1899
Pays
Suède
Comté
Commune
Coordonnées
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La mine de Kiruna est une mine à ciel ouvert, devenue souterraine de minerai de fer, située très au nord, à 300 km au nord du cercle polaire arctique, dans le comté de Norrbotten près de la ville "mono-industrielle" de Kiruna, en Suède.

Elle appartient à la société LKAB, qui pourrait aussi fournir des terres rares. C'est la plus grande mine de fer souterraine au monde et l'un des plus grands gisements de magnétite-apatite[1]. Ce gisement fait de la Suède, le plus grand producteur de fer de l'Union européenne, grâce à un filon issu d'une activité volcanique ancienne (plus de 1,8 milliard d'années).

Parmi les séquelles minières figurent des affaissements miniers qui imposent le déplacement de la ville à plusieurs kilomètres de son territoire originel.

Histoire modifier

Ouvrier dans la mine entre 1940-1959.
Mine, ville et aéroport de Kiruna.
Les résineux sont verts et feuillus ont leurs couleurs automnales. Une peu de neige marque les sommets des reliefs naturels ou miniers. Source : NASA/Operational Land Imager (OLI) du satellite Landsat 8 (10 octobre 2016)(octobre 2016).

La mine a été ouverte en 1899, dans un gisement issu du bouclier scandinave.

Après cent dix ans d'exploitation, 950 millions[2] de tonnes de minerai avaient été extraites ; à ciel ouvert jusqu'en 1965, puis via des galeries souterraines depuis. Le filon, long, environ, de quatre kilomètres et large de 80 mètres, plonge à près de deux kilomètres sous la surface avec une inclinaison de 60°.

Les galeries les plus profondes sont à −1 365 mètres[3] et s'étendent sur plusieurs centaines de kilomètres. Sa production est de 27,5 millions de tonnes de minerai par an[2].

Une technologie de production de minerai de fer tendant vers la neutralité carbone (dite HYBRIT) y est testée depuis peu (soutenue par le Fonds européen d'innovation à hauteur de 143 millions d'euros) : pour éliminer l'oxygène des boulettes de minerai de fer, au lieu d'utiliser du charbon et du carbone (ce qui produire du CO2), c'est de l'hydrogène qui sert à éliminer l'oxygène, ce qui ne produit que de la vapeur d'eau[4] Kiruna contiendrait aussi « le plus grand gisement de terres rares d'Europe » (au moins un million de tonnes)[4].

Séquelles minières modifier

  • Le peuple Sámi, autochtone, a perdu des terres et subit la pollution minière. Bien que la Suède soit réputée pour sa vigilance à l'égard des droits de l'Homme et des normes environnementales, « l'exploitation des métaux des terres rares à Kiruna est devenue une priorité importante de l'agenda politique suédois. Ces métaux sont essentiels à la production de technologies vertes énergétiques et à la promotion d'une transition énergétique verte dans le pays ainsi qu’en Europe. Mais, l’exploitation des terres rares à Kiruna suscite des inquiétudes quant à son impact sur les modes de vie traditionnels du peuple autochtone sami, qui dépend de ces territoires pour sa survie et son identité culturelle. Le peuple sami entretient un lien profond avec la terre et est fortement affecté par les changements environnementaux, notamment les activités minières sur son territoire (...) Compte tenu de la priorité accordée à la promotion de la transition énergétique verte, une question cruciale se pose de savoir si la transition énergétique verte est véritablement « verte » si elle nécessite de sacrifier le patrimoine culturel des communautés autochtones sami de la région »[5].
  • Pollution radioactive : Le système lacustre local (selon les analyses faites sur un basin de décantation de résidus miniers liquides, deux lacs et la rivière Kalix) est contaminés par l'uranium remonté et lessivé par le processus minier. Les effluents radio-contaminés de la mine, sont à l'origine d'une importante accumulation d'uranium dans les sédiments (l'analyse des carottes de sédiments y montrent un teneur multipliée par plus de 20 depuis le début des rejets dans les années 1950, atteignant et dépassant 50 μg g-1.)[6]. La quantité d'Uranium qui s'est déposée dans le sédiment des deux lacs étudiés a été évaluée, respectivement à environ 170 kg et 285 kg d'Uranium[6]. Le taux d'uranium de l'eau de la rivière Kalix (qui se jette dans la partie fermée de la Mer Baltique), est étudié depuis plusieurs décennies. Dans les années 1990[7], on a montré que les isotopes radioactifs de l'uranium sont surtout transportées par des particules dont le diamètre dépasse 0,45 μm (« fortement enrichies en U et contenant 20 à 50 % du budget total d'uranium fluvial »[7]. La teneur de l'eau en uranium plus que doublé après que le rejet minier y soit dilué. Arrivées à l'estuaire, les particules d'uranium et de Fe sont encore fortement corrélés, ce qui prouve que l'oxyhydroxyde de fer est le principal transporteur d'U dans le fleuve (l’oxyhydroxyde de Mn, également très présent ne semble pas en cause)[7]. Des taux élevés d'U sont retrouvées dans l'eau à l'estuaire dans les eaux saumâtres, ce qui évoque un transfert de l'uranium d'une phase minérale à des phases biogéniques. La signature isotopique de cet uranium ne laisse pas de doute sur son origine (Mine de Kiruna)[7].
  • Affaissements miniers : En 2004, l’exploitant minier (Luossavaara-Kiirunavaara), a annoncé que le développement de la mine menaçait l’intégrité structurelle de tout le centre-ville de Kiruna et de ses bâtiments, et que - pour que la mine puisse encore s’étendre - 23 000 personnes, leurs maisons et diverses entreprises devront être progressivement déplacées. Un déplacement a d'abord été proposé à 3 km de là, puis (en janvier 2007) dans une aire située au nord-ouest de Kiruna, au pied de la colline de Luossavaara, sur les rives du lac Luossajärvi. 21 des bâtiments les plus importants doivent être déplacés[8], dont des bâtiments patrimoniaux (dont l’église rouge historique de Kiruna, qui sera démontée et remontée à distance)[9]. En 2012-2016, une étude anthropologique et ethnographique a porté sur les conséquences de la réinstallation de 6 000 habitants de Kiruna à la suite des affaissements et déformations du sol induits par l'exploitation minière. Elle montre que l'industrie minière a fortement transformé les relations sociales, les structures de pouvoir et des modèles conceptuels de l'espace, de la nature et de la société, via des symboles et une création de sens venant politiquement et économiquement fortement appuyer ou imposer l'extractivisme, un processus qui contrairement à ce qu'il prétend, augmente les inégalités matérielles et sociales inhérentes à l’extractivisme. Selon l'anthropoloque ayant réalisé ce travail (Elisa Maria López, Université d'Uppsala, 2021) : « Outre les habitants de la ville, tous concernés par l’insécurité et les risques liés à l’extractivisme (...), la communauté autochtone sami est particulièrement touchée. Les Sâmes de la région de Kiruna ont toujours été soumis à la politique coloniale, aux limites imposées à leur économie de subsistance, au déplacement de leurs terres et à des stéréotypes néfastes. Cependant, les Sâmes ont également continuellement résisté à ces limitations et stéréotypes, en adoptant diverses formes de travail pour soutenir l'élevage de rennes (y compris le travail dans les mines), en créant des espaces communautaires urbains et en documentant et en préservant les paysages culturels locaux ». Le déplacement de la ville n'a pas modifié les inégalités sociales issues de l’exploitation minière. Il a montré que la mobilité socio-économique est compliquée par une dépendance au contexe loco-régional, par les échanges de droits de propriété initiés par le secteur privé au niveau local, par une évolution de la typologie des logement et de leur occupation, une faible association locale des parties prenantes (selon B. DiNapoli (2023), dans le cas de Kiruna, « le réaménagement urbain passe de plus en plus des autorités publiques au secteur privé »[10], et l'Industrie minière gagnerait à développer à Kiruna un modèle de développement intégratif basé sur quatre cadres opérationnels : économique, infrastructurel, résidentiel et écologique qui, combinés, pourraient accroître la capacité, le choix, la mobilité et le bien-être des résidents touchés par le déplacement de leur ville[10]. 2007, lorsque les travaux sur la nouvelle conduite d'égout principale ont commencé. En juin 2010, le conseil municipal a finalement décidé de plutôt déplacer la ville vers l'est (à 67°51′1″N 20°18′2″E), vers Tuolluvaara. Ce déplacement, entamé en 2014, devrait se poursuivre jsuqqu'en 2040 ; en commençant par celui du centre-villeWhite Arkitekter AB basé à Stockholm et Ghilardi + Hellsten Arkitekter basé à Oslo, avec des chercheurs des universités de Luleå et de Delft, ont été choisis pour concevoir la nouvelle ville dont le centre-ville devrait être plus dense, orienté vers la soutenabilité, les infrastructures vertes et bleues, les déplacements doux et les transports publics plutôt que favoriser l'automobile[11].
  • Séquelles sanitaires, dont :
    • la silicose, avec 144 cas officiellement reconnus entre 1931 et 1977 chez des ouvriers affectés au forage, chargement et/ou taraudage du minerai ; avec des d'infection tuberculeuse retrouvés dans 17 % des cas, diminuant alors encore l'espérance de vie ; sur ces 144 cas, 50 % des cas graves ont été diagnostiqués avant 1942. Après 1960, plus aucun cas de stade II ou III n'a été diagnostiqué. Le taux moyen de quartz (silice) respirable dans l'air, qui était d'environ 0,8 mg/m3 dans les années 1950 et au début des années 1960, a ensuite baissé pour atteindre moins de 0,05 mg/m3 à la fin des années 1970, faisant considérer que la silicose n'est plus un risque majeur dans cette mine[12].
    • un risque accru de décès par cancer du poumon chez les mineurs (2 à 3 fois plus de risque que dans la population masculine de la ville ne travaillant pas dans la mine, qui elle ne présente pas de surmortalité par rapport au taux attendu en Suède). L'exposition au radon semble en cause, plus qu'aux vapeurs de moteurs Diesel, mais « une interaction entre le radon et certains éléments des gaz d'échappement des moteurs diesel » pourrait exister, qui pourrait faire l'objet d'une nouvelle étude (sur 5 à 10 ans)[13].
    • une mortalité anormalement élevée par infarctus du coeur et par insuffisance cardiaque, alors que le comportement alimentaire des habitants de Kiruna de diffère pas de celui de la population générale suédoise. « Les différences les plus notables [chez les personnes ayant subi un infarctus à Kiruna] étaient un faible niveau d'γ-Tocophérol (une des 8 formes de vitamine E), une faible proportion d'acide linoléique et une proportion élevée d'acide palmitique dans les esters de cholestérol sérique et les triglycérides du tissu adipeux[14]. »
Schéma en coupe de la mine de Kiruna.

Au cinéma modifier

The Abyss est un film catastrophe réalisé par Richard Holm. Mis en ligne le 16 février 2024 sur Netflix, il mêle fiction et réalité [15]. Le film se déroule dans la ville de Kiruna qui menace d’être ensevelie.

Références modifier

  1. (en) Erik Jonsson, Valentin R. Troll, Karin Högdahl et Chris Harris, « Magmatic origin of giant ‘Kiruna-type’ apatite-iron-oxide ores in Central Sweden », Scientific Reports, vol. 3, no 1,‎ (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/srep01644, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b Kiruna, Sweden, Mining Technology
  3. « Bombardier équipe le nouveau niveau de la mine de Kiruna », La Vie du Rail, no 3418,‎ , p. 16
  4. a et b « Suède : un projet d'acier vert », sur euronews, (consulté le )
  5. Svensson, M., & Schmidt, M. (2023). Unveiling Contradictions: The Green Energy Transition and Sámi Indigenous Rights in the Per Geijer Expansion, Kiruna, Sweden |url=https://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1777672&dswid=-8857
  6. a et b (en) Simon Pontér, Ilia Rodushkin, Emma Engström et Katerina Rodushkina, « Early diagenesis of anthropogenic uranium in lakes receiving deep groundwater from the Kiruna mine, northern Sweden », Science of The Total Environment, vol. 793,‎ , p. 148441 (DOI 10.1016/j.scitotenv.2021.148441, lire en ligne, consulté le )
  7. a b c et d (en) P.S Andersson, D Porcelli, G.J Wasserburg et J Ingri, « Particle Transport of 234U-238U in the Kalix River and in the Baltic Sea », Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 62, no 3,‎ , p. 385–392 (DOI 10.1016/S0016-7037(97)00342-6, lire en ligne, consulté le )
  8. (en-GB) Oliver Wainwright, « Kiruna: the town being moved 3km east so it doesn't fall into a mine », dans The Guardian, (lire en ligne)
  9. (en-GB) Oliver Wainwright, « Kiruna: the town being moved 3km east so it doesn't fall into a mine », sur The Guardian, (ISSN 0261-3077, consulté le )
  10. a et b Benjamin DiNapoli, « Reframing urban relocation in Kiruna, Sweden: An integrative ownership model for resident-led transformations », dans Design and the Built Environment of the Arctic, Routledge, (ISBN 978-0-429-27987-4, DOI 10.4324/9780429279874-5/reframing-urban-relocation-kiruna-sweden-benjamin-dinapoli, lire en ligne)
  11. (en-GB) « Kiruna: How to move a town two miles east », sur BBC News, (consulté le )
  12. (en) Harold Sihm Jörgensen, « Silicosis in the iron-ore mine in Kiruna, Sweden, and the future need for silicosis control », International Archives of Occupational and Environmental Health, vol. 58, no 4,‎ , p. 251–257 (ISSN 1432-1246, DOI 10.1007/BF00377882, lire en ligne, consulté le )
  13. « Mortality from lung cancer among copper miners », Lung Cancer, vol. 10, nos 5-6,‎ , p. 397 (ISSN 0169-5002, DOI 10.1016/0169-5002(94)90753-6, lire en ligne, consulté le )
  14. Torbjörn Messner (1996) Ischemic heart disease in Kiruna: risk factors and sequelae (Doctoral dissertation, meå University, Faculty of Medicine, Department of Public Health and Clinical Medicine, Medicine. Department of Internal Medicine, Kiruna District Hospital, Kiruna, Sweden.) |url= https://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A868669&dswid=-2882
  15. The Abyss (Netflix) : la ville et la mine de Kiruna existent-elles ? https://www.programme-tv.net/news/cinema/347298-the-abyss-netflix-la-ville-et-la-mine-de-kiruna-existent-elles/

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