Multi Unit Spectroscopic Explorer
Le Multi Unit Spectroscopic Explorer (« Explorateur spectroscopique multiple »), en abrégé MUSE, est un spectrographe 3D grand champ de deuxième génération fonctionnant dans la gamme des longueurs d'onde visibles en opération sur le Très Grand Télescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO). Il a effectué sa première lumière sur le VLT en le .
Fonctionnement
modifierConcept
modifierPour trouver la lumière des jeunes galaxies, il faut isoler les raies caractéristiques de l’atome d’hydrogène. Mais pour isoler ces raies, on utilise habituellement un imageur muni d’un filtre correspondant à la longueur d’onde recherchée. Cependant, l'effet Doppler induit un décalage vers le rouge desdites raies, ce qui, la distance de la galaxie que l’on recherche et donc le décalage correspondant n'étant pas forcément connus, empêche d'installer un filtre adéquat.
Une autre solution serait d’utiliser un spectrographe qui décompose la lumière et permet d’identifier les raies caractéristiques de l’hydrogène, même si elle est décalée vers le rouge. Mais pour cela il faut connaître d’avance la position de l’objet.
C’est pour dépasser ce problème que le Centre de recherche astrophysique de Lyon (CRAL) a développé le concept de spectrographe à champ intégral ou spectrographe 3D à la fois imageur et spectrographe. MUSE a été conçue sur cette base afin d’explorer l’espace en trois dimensions (localisation et distance) et détecter les galaxies les plus jeunes[1].
Le système
modifierLa lumière des jeunes galaxies est donc concentrée dans une longueur d’onde de quelques raies caractéristiques de l’atome d’hydrogène. Le projet Muse a pour fonction de rechercher et d'isoler ces raies, plutôt que de moyenner le signal sur un grand domaine de longueur d’onde comme les systèmes actuels, afin d'augmenter en sensibilité et détecter plus facilement un plus grand nombre de jeunes galaxies[1].
MUSE est un ensemble de 24 spectrographes 3D couplés à un système d'optique adaptative pour corriger les effets de turbulence atmosphérique. Le système d'optique adaptative innovant est composé d'un miroir déformable de plus de 1 000 actionneurs et de 4 étoiles guides laser pour corriger en temps réel les effets de l'atmosphère terrestre[2].
Chaque détecteur est équipé d'une caméra CCD de 16 millions de pixels et associé à un découpeur de champ, un système novateur qui distribue l'intégralité de l'information lumineuse sur chaque détecteur. Le champ couvert par l'instrument est de 1 × 1 minute d'arc[3].
Histoire du projet
modifierAu début des années 2000, le Centre de recherche astrophysique de Lyon conçoit le projet d'un spectrographe à champ intégral. Un instrument d'observation novateur capable d'analyser les spectres de tous les objets astronomiques situés dans le champ pointé par un télescope[3].
La conception du projet débute en 2004-2005 avec la formation du consortium MUSE piloté par le Centre de recherche astrophysique de Lyon (CRAL) de l'observatoire de Lyon avec à sa tête l'astrophysicien Roland Bacon. Il regroupe six autres grands centres de recherche européens : l'ESO, l'Observatoire de Leyde aux Pays-Bas, le Laboratoire d'Astrophysique de Toulouse-Tarbes (LATT), l'Institut für Astrophysik (université de Göttingen en Allemagne), l'Institute for Astronomy de l'École polytechnique fédérale de Zurich et l'Institut Leibniz d’astrophysique de Potsdam[2]. En 2007, MUSE est sélectionné avec quatre autres instruments de 2e génération pour équiper le VLT par l’ESO à la suite un appel d’offres concurrentiel lancé en [4].
Le montage de l'instrument débute courant 2009 dans un bâtiment spécifiquement conçu pour l'occasion dans le parc de l'observatoire de Lyon[5]. Entre la fin 2009 et 2010, 24 détecteurs CCD à haute performance sont livrés à l'ESO par la société EEV. Le premier des 24 spectrographes 3D et le découpeur d'image sont livrés par la société Winlight Optics à l'équipe du CRAL, où ils ont été montés. C'est l'ESO qui se charge d'assembler et essayer le système cryogénique chargé de refroidir les 24 détecteurs de MUSE[3].
À partir de la mi-, l'ensemble des pièces du spectrographe rejoint Santiago, au Chili, par avion et gagne en camion son site d'installation au VLT dans le désert d'Atacama. Les cinq tonnes du spectromètre MUSE sont remontées et soulevées par une grue en pour être installés au cœur du VLT[6]. L'ensemble du projet a couté environ 21 millions d'euros[6]. Il a effectué sa première lumière le [7], et entre en service le [8].
L'instrument est en opération régulière par l'ESO depuis . Il est devenu très rapidement l'instrument le plus demandé du VLT[9].
En 2017 et 2018 MUSE a été couplé à un puissant système d'optique adaptative réalisé par l'ESO[10]. Grâce à ce système, la qualité d'image de l'instrument a été grandement améliorée.
Résultats scientifiques
modifierGrâce à ses performances uniques au monde, MUSE a apporté des résultats scientifiques de première ampleur dans de nombreux champs de l'astrophysique. On lui doit la découverte de nouvelles galaxies[11],[12] dans les champs ultra-profonds de Hubble, la vérification de la validité de la relativité générale à l'extérieur de la galaxie[13], la mesure des effets de friction sur les galaxies de type méduse[14],[15]. MUSE a également révélé que la presque totalité de l’Univers jeune baigne dans un rayonnement de type Lyman-alpha[16]. Plus près de nous, MUSE a permis de trouver la source des bulles de gaz géantes dans la galaxie voisine du Petit Nuage de Magellan[17], d'étudier avec un luxe de détail inégalé les régions de formation d'étoiles[18] et les nébuleuses planétaires[19] et même de découvrir un trou noir stellaire dans un amas globulaire[20]. La découverte fortuite des restes d'une nova âgée de plus de 2000 ans[21] démontre la puissance de découverte de l'instrument. Ces résultats ne sont que quelques exemples parmi le très grand nombre de publications qui ont bénéficié de l'instrument MUSE[22].
La mise en place récente de l'optique adaptative grand champ[23] et à très haute résolution angulaire[24] ont ouvert de nouvelles perspectives et permis notamment l'imagerie directe d'une nouvelle planète extra-solaire[25].
Références
modifier- Roland Bacon, « Le Projet MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer) », Présentation du projet MUSE sur le site de l'université Lyon I., sur muse.univ-lyon1.fr (consulté le ).
- « Une Muse pour le VLT, le très grand télescope de l'ESO », sur Techno-Science.net, (consulté le ).
- Jean-Baptiste Feldmann, « Le VLT attend sa Muse avec impatience pour scruter les jeunes galaxies », Futura-Sciences.com, (lire en ligne, consulté le ).
- « Portfolio », Communiqué de presse - Université de Lyon, sur muse.univ-lyon1.fr, (consulté le ).
- Nael Dandachi, « L'observatoire au cœur d'un projet pour découvrir l'origine des galaxies », Le Progrès, ..
- « Astronomie : un nouvel outil pour traquer les galaxies lointaines », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Technical nights - Night 1 : First Light », sur muse-vlt.eu, (consulté le ).
- (en) « Commissioning night 1 : Five million spectra », sur muse-vlt.eu, (consulté le ).
- (en) Observatoire européen austral, « ESO Annual Report 2018 », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Le dispositif AOF et l’instrument MUSE en pleine opération », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « L’instrument MUSE complète le sondage spectroscopique le plus profond jamais réalisé - Le sondage spectroscopique le plus profond jamais réalisé », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « VLT – au-delà de Hubble, MUSE dessine l’image tridimensionnelle de l’Univers lointain », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Le VLT effectue le test le plus précis de la relativité générale d’Einstein à l’extérieur de la Voie Lactée », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Des trous noirs supermassifs se nourrissent de méduses cosmiques - L’instrument MUSE installé sur le VLT de l’ESO découvre un nouveau mode d’alimentation des trous noirs », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « MUSE dévoile la véritable histoire d'une collision galactique », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Quand l’Univers s’illumine ... - Le spectrographe MUSE révèle que la presque totalité de l’Univers jeune baigne dans un rayonnement de type Lyman-alpha », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Une étoile morte entourée de lumière - Les données de MUSE pointent vers une étoile à neutrons isolée au-delà de notre galaxie », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Des bulles de jeunes étoiles flamboyantes », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Les étranges structures de la Nébuleuse Saturne », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « L’étrange comportement d’une étoile révèle l’existence d’un trou noir solitaire au cœur d’un amas d’étoiles géant », sur www.eso.org (consulté le )
- « Centre de recherche astrophysique de Lyon - Les restes d’une nova âgée de plus de 2000 ans », sur cral.univ-lyon1.fr (consulté le )
- Lien dynamique vers les publications utilisant les données MUSE: ADS
- Observatoire européen austral, « Un dispositif d’optique adaptative de pointe capte sa première lumière - Amélioration spectaculaire de la netteté des images de MUSE », sur www.eso.org (consulté le )
- Observatoire européen austral, « Un nouveau dispositif d’optique adaptative installé sur le VLT génère des images d’une très grande définition », sur www.eso.org (consulté le )
- Futura, « Deux exoplanètes en train de grossir et des bébés-lunes observés pour la première fois », sur Futura (consulté le )
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierFilmographie
modifier- MUSE, la machine à explorer le temps, film documentaire de Claude Delhaye et Christophe Gombert, 2017, CNRS Images, 33 minutes.
Liens externes
modifier- (en) « A Multi Unit Spectroscopic Explorer - MUSE », sur eso.org,
- (en) The Multi Unit Spectroscopic Explorer Blog, sur le site muse-vlt.eu