Naturalisme libéral

Le naturalisme libéral est une forme hétérodoxe de naturalisme philosophique qui se situe dans l'espace conceptuel entre le naturalisme métaphysique (ou réductionniste) et le surnaturalisme. Cela permet de prendre en compte les explications et les résultats des sciences sans supposer que les sciences soient notre seule ressource pour comprendre l'humanité et nos relations avec le monde et entre nous.

Le terme « naturalisme libéral » a été introduit en 2004 par Mario De Caro et David Macarthur[1] et, indépendamment, par Gregg Rosenberg[2]. Cette forme de naturalisme a été attribuée à Emmanuel Kant[3]. Dans l'œuvre de De Caro, le naturalisme libéral est développé comme un réalisme métaphysique modéré ; tandis que chez Macarthur, le naturalisme libéral s'associe au quiétisme métaphysique et s'ouvre sur une philosophie de l'image manifeste.

Aperçu modifier

Pour un naturaliste libéral, de nombreuses choses dans notre monde quotidien qui ne sont pas explicables (ou pas entièrement explicables) par la science sont néanmoins présupposées par la science – par exemple les tables, les personnes, les œuvres d’art, les institutions, les normes et valeurs rationnelles. Expliquer de telles choses pourrait nécessiter des ressources non scientifiques et non surnaturelles. Ainsi, plutôt que d’adapter leur ontologie aux postulats des sciences, comme le font les naturalistes scientifiques, les naturalistes libéraux reconnaissent la réalité irréductible prima facie des objets quotidiens qui font partie de ce que Wilfrid Sellars a appelé « l’image manifeste »[4].

Le naturalisme libéral est un naturalisme « libéral »[5] ou « universaliste »[6] pour plusieurs raisons dont chacune contraste avec l'orthodoxie naturaliste scientifique :

  1. Il ne limite pas ses engagements ontologiques aux postulats explicatifs des sciences.
  2. Il reconnaît l'existence de modes non scientifiques de connaissance et/ou de compréhension des choses telles que la valeur des œuvres d'art, la dimension morale des personnes et les relations entre des raisons de différentes sortes[7].
  3. Il permet des aspects distinctement individuels de l'action rationnelle tels que la prise de décision, la responsabilité de ses actes et la conscience de soi[8].
  4. Il tente de fournir une explication non réductrice et non surnaturelle de la normativité rationnelle ou conceptuelle à laquelle nous sommes sensibles dans le raisonnement théorique et pratique, par exemple en faisant appel à l'idée hégélienne ou pragmatiste de reconnaissance mutuelle au sein d'une communauté[9]
  5. Il remet en question la thèse quinéenne, largement influente, selon laquelle la philosophie, lorsqu’elle est correctement naturalisée, doit se limiter aux méthodes des sciences[10].

Références modifier

  1. De Caro, M. & Macarthur, D. Naturalism in Question (Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, April 2004), p. 1.
  2. Rosenberg, Gregg, A Place for Consciousness: Probing the Deep Structure of the Natural World (Oxford: Oxford University Press, November 2004), p. 77.
  3. Hanna, Robert, Kant, Science, and Human Nature. Clarendon Press, 2006, p. 16.
  4. Sellars, W. Science, Perception & Reality (London: Routledge & Kegan Paul, 1963), ch. 1.
  5. McDowell, J. Mind, Value and Reason (Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 1998), ch. 9.
  6. Strawson, P. Skepticism and Naturalism: Some Varieties (New York: Columbia University Press, 1985).
  7. Putnam, H. "Pragmatism and Nonscientific Knowledge" in Hilary Putnam: Pragmatism and Realism, ed. Urszula M. Zeglen and James Conant (London and New York: Routledge, 2002), 14-24
  8. McDowell, J. Mind and World (Cambridge Mass: Harvard University Press, 2004).
  9. Macarthur, D. "Pragmatism, Metaphysical Quietism and the Problem of Normativity" in Philosophical Topics, vol 36 no. 1 (2008).
  10. Quine, W. V. O. Theories and Things (Cambridge Mass: Harvard University Press, 1981), ch. 7.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • De Caro, M. et Macarthur, D. (éd.), Naturalism in Question (Cambridge, Massachusetts : Harvard University Press, 2004/2008).
  • De Caro, M. et Macarthur, D. (éd.), Naturalisme et normativité (New York : Columbia University Press, 2010)
  • De Caro, M. & Macarthur, D. (éd.), The Handbook of Liberal Naturalism (Londres : Routledge, 2022).

Articles connexes modifier