Nicéphore Basilakès

rhéteur byzantin
Nicéphore Basilakès
Biographie
Naissance
Vers Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Après Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Période d'activité
XIIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata

Nicéphore Basilakès (en grec Νικηφόρος Βασιλάκης[1]), né vers 1115, mort peu après 1182[2], est un rhéteur byzantin dont est conservée une œuvre importante.

Éléments biographiques modifier

Diacre de Sainte-Sophie, il enseigna longtemps à l'école patriarcale, où il fut successivement maître des rhéteurs (μαίστωρ τῶν ῤητόρων), puis didascale de l'Apôtre (διδάσκαλος τοῦ Ἀποστόλου), c'est-à-dire titulaire d'une des trois chaires supérieures d'exégèse biblique, chargé de l'enseignement portant sur les épîtres de saint Paul[3]. Dans son « autobiographie », il signale que ses leçons sur saint Paul déplaisait fortement à un patriarche (soit Théodote II, soit Constantin Chliarénos), à tel point qu'il se vit imposer un manuel dont il ne devait pas s'écarter[4]. En 1156/57, il fut impliqué dans une controverse théologique d'abord interne au clergé de Sainte-Sophie, puis qui provoqua la réunion de deux synodes, et il se compromit avec Sotérichos Panteugénos, diacre de la cathédrale élu en 1155 patriarche d'Antioche (mais non intronisé)[5] ; Panteugénos fut condamné (et son élection comme patriarche annulée), et Basilakès lui-même, accusé d'hérésie, fut privé de sa chaire et exilé un temps à Philippopolis[6]. Il revint sans doute quelque temps plus tard à Constantinople, mais ne retrouva jamais de chaire officielle d'enseignement.

Œuvre modifier

Vers la fin de sa vie, des amis le prièrent de constituer un recueil de ses écrits ; il plaça en tête une sorte de préface qui est comme une autobiographie littéraire, le plus ancien texte byzantin de ce genre qui soit conservé[7], document intéressant à la fois comme source historique et comme témoignage sur les goûts et préoccupations des intellectuels de l'époque[8]. Basilakès raconte que dans sa jeunesse il composa quatre comédies (Le triomphe de l'âne, Le marchand d'étoupe ou la formation du paradis, Les vainqueurs couronnés et Hermès porte-balance) et de la poésie satirique, avant de faire disparaître ces productions frivoles et de se tourner vers des études plus sérieuses.

On conserve de Basilakès la plus ample collection de progymnasmata depuis l'Antiquité tardive : cinquante-six pièces dans l'édition Pignani. Huit des quatorze genres traditionnels sont représentés : sept fables (μῦθοι), seize récits (διηγήματα), deux « chries » (χρεῖαι), une maxime (γνώμη), une réfutation (ἀνασκευή), une confirmation (κατασκευή), un éloge (ἐγκώμιον) et vingt-sept éthopées (ἠθοποιίαι). Originalité par rapport à l'Antiquité, dans quinze pièces, dont treize éthopées, le thème est chrétien : six éthopées fondées sur l'Ancien Testament, cinq sur le Nouveau[9], et deux sur des légendes post-bibliques concernant la Vierge et saint Pierre[10]. Surnommé le « Libanios byzantin »[11], Basilakès est le principal témoin d'une renaissance à Byzance, au XIIe siècle, de la pratique des progymnasmata, qui va durer jusqu'au XVe siècle.

Nicéphore Basilakès a également laissé des discours d'apparat (panégyrique de l'empereur Jean II, datant de l'an 1138, la même année que celui de Michel Italikos ; d'Adrien-Jean Comnène, archevêque de Bulgarie ; du grand domestique Jean Axouch ; du patriarche Nicolas Mouzalon ; du nomophylax et haut dignitaire ecclésiastique Alexis Aristénos), des monodies (déplorations funèbres, dont celle de son propre frère Constantin, mort à la guerre contre les Normands). Un texte particulièrement remarquable est un réquisitoire (dans le genre de la « vitupération », ψόγος) écrit en 1157 contre un certain Bagoas (κατὰ Βαγώα μελέτη), accusé d'avoir participé à un complot blasphématoire, dix ans plus tôt, contre le patriarche Cosmas Atticus[12] ; c'est l'occasion du portrait pittoresque d'une fripouille de basse extraction[13]. On conserve également de lui des lettres (dont quatre écrites de son exil de Philippopolis).

Éditions modifier

  • Antonio Garzya (éd.), Encomio di Adriano Comneno (texte grec), Naples, G. Scalabrini, 1965.
  • Riccardo Maisano (éd.), Niceforo Basilace. Gli encomi per l'imperatore e per il patriarca (texte grec), Naples, Università di Napoli, 1978.
  • Adriana Pignani (éd.), Niceforo Basilace. Progimnasmi e monodie (texte grec et traduction italienne), Naples, Bibliopolis, 1983.
  • Antonio Garzya (éd.), Nicephorus Basilaca. Orationes et epistulæ, Leipzig, Teubner, 1984.

Notes et références modifier

  1. « Βασιλάκης » ou « Βασιλάκιος » était le nom d'une famille d'origine arménienne ou paphlagonienne. Selon la Chronique de Matthieu d'Édesse, un noble arménien du nom de Vasilak mourut à la bataille de Manzikert (1071).
  2. Antonio Garzya, « Fin quando visse Niceforo Basilace ? », Byzantinische Zeitschrift 64, 1971, p. 301-2.
  3. Robert Browning, « The Patriarchal School at Constantinople in the Twelfth Century », Byzantion 32, 1962, p. 167-201 (spéc. p. 181-84).
  4. Sur cet épisode, voir Ioannis D. Polemis, « A Note on the Praefatio of Nikephoros Basilakes », Byzantinische Zeitschrift, vol. 94, no 2, 2001, p. 605-607.
  5. Panteugénos soutenait qu'il fallait offrir le sacrifice de l'eucharistie au Père seul, et non à la Trinité, puisque le Christ n'avait pu se l'offrir à lui-même, sauf à distinguer en lui deux personnes, ce qui caractérise le nestorianisme.
  6. Il fut remplacé sur sa chaire par Nicolas Kataphlôron (oncle maternel d'Eustathe de Thessalonique), qui cumula jusqu'à sa mort en 1160 les fonctions de maître des rhéteurs et de didascale de l'Apôtre, ce qui était en principe interdit, car la première charge était civile, l'autre ecclésiastique. Voir Jean Darrouzès, « Notice sur Grégoire Antiochos (1160 à 1196) », Revue des études byzantines 20, 1962, p. 61-92 (p. 66-67 à propos de l'oraison funèbre de Nicolas Kataphlôron).
  7. Les textes à caractère autobiographique se multiplient ensuite à Byzance à partir du XIIIe siècle.
  8. Texte conservé dans un codex unicus, le Scolariensis Y-II-10 de l'Escurial (ff. 524-27), manuscrit célèbre contenant de nombreux textes de cette époque. Publié d'abord par Emmanuel Miller (« Préface d'un auteur byzantin », Annales de l'Association des études grecques 7, 1873, p. 146-157), puis par Antonio Garzya (« Il Prologo di Niceforo Basilace », Bollettino del Comitato per la preparazione della edizione nazionale dei classici greci e latini, N. S. 19, 1971, p. 56-64, repris dans son édition de 1984, p. 1-9).
  9. Éthopées sur le Nouveau Testament : paroles de Zacharie délivré de son mutisme après la naissance de Jean-Baptiste, paroles de la Vierge Marie après le miracle des noces de Cana, paroles de l'aveugle-né après sa guérison, paroles d'Hadès après la résurrection de Lazare, paroles du serviteur du grand-prêtre après que son oreille a été coupée par saint Pierre et guérie par le Christ.
  10. Paroles de la Vierge embrassant son fils avant sa mise au tombeau, paroles de saint Pierre après qu'il a fait choir sur le sol Simon le Magicien qui s'était élevé dans les airs.
  11. Otmar Schissel, « Rhetorische Progymnasmatik der Byzantiner », Byzantinisch-neugriechische Jahrbücher 11, 1934, p. 1-11.
  12. Une semaine après la déposition du patriarche (26 février 1147), le jour de la fête de l'Orthodoxie, les comploteurs, voulant apparemment le perdre définitivement, auraient enduit des icônes de miel et l'auraient accusé de les avoir enduites d'excréments.
  13. Paul Magdalino, « The Bagoas of Nikephoros Basilakes : A Normal Reaction ? », in L. Mayali et M. M. Mart (dir.), Of Strangers and Foreigners (Late Antiquity-Middle Ages), Berkeley, 1993, p. 47-63.