Nikos Papatakis

réalisateur grec
Nikos Papatakis
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Nikos Papatakis en 1991.
Nom de naissance Νίκος Παπατάκης
Níkos Papatákis
Surnom Nico Papatakis
Naissance
Addis-Abeba, Éthiopie
Nationalité Drapeau de la France Française
Drapeau de l'Éthiopie Éthiopienne
Décès (à 92 ans)
14e arrondissement de Paris, France
Profession Réalisateur
Scénariste
Producteur de cinéma
Directeur artistique
Films notables Réalisateur
Les Abysses
La Photo
Les Équilibristes
Producteur
Un chant d'amour
Shadows

Nikos Papatakis (en grec moderne : Νίκος Παπατάκης) ou Nico Papatakis, ou Niko Dakis né le à Addis-Abeba (Éthiopie) et mort le [1] dans le 14e arrondissement de Paris, est un réalisateur, scénariste, producteur et directeur artistique français d'origine grecque et éthiopienne.

Biographie modifier

Jeunesse et exil modifier

Né en Éthiopie en 1918, d'une mère éthiopienne et d'un père grec[2], le jeune Papatakis s'oppose à l'invasion du pays par les armées de Mussolini en 1935 et se serait engagé dans l'armée éthiopienne. Il est ensuite contraint de s'exiler et se réfugie d'abord au Liban puis en Grèce. En 1939, il s'installe à Paris.[réf. souhaitée]

La Rose rouge modifier

Papatakis fréquente l'intelligentsia parisienne de l'époque dont Jean-Paul Sartre, André Breton, Jacques Prévert, Robert Desnos, Jean Vilar. Il se lie d'amitié avec Jean Genet. Il collabore à une émission de radio chez Leduc en 1945, dont il reste un reportage photographique de Denise Bellon[3].

En 1947, il crée à Paris, rue de la Harpe le cabaret La Rose rouge (transféré l'année suivante au 76 rue de Rennes) qu'il dirigera avec sa compagne Mireille Trépel[4], jusqu'au milieu des années 1950. Cette scène va être un tremplin pour de nombreux artistes parmi lesquels Les Frères Jacques et Juliette Gréco[5].

L'impact artistique de La Rose rouge est attesté par le film homonyme de fiction que lui consacra le réalisateur Marcel Pagliero en 1951, un film musical qui reflète bien son époque. On y voit le personnel du cabaret improviser un spectacle à la suite d'un empêchement des Frères Jacques.

La robe noire de La Rose rouge modifier

En 1950, Juliette Gréco est engagée par Nikos Papatakis, mais se pose alors le problème de lui trouver une robe de scène. Papatakis l'emmène chez le couturier Pierre Balmain où elle choisit, parmi les soldes, une robe noire avec une traîne de satin doré. Juliette Gréco découd cette traîne et monte ainsi sur la scène de La Rose rouge devant un Nikos Papatakis médusé. Gréco portera longtemps sa célèbre robe comme elle le relate dans ses mémoires : « La robe noire plut au public qui la trouva originale. Elle l'était ! Jujube la portera toute sa vie de chanteuse. C'est le noir de travail de Gréco. Elle la porte comme on porterait un tableau noir, laissant libre cours à l'imagination du spectateur. »[6].

Producteur de cinéma modifier

En 1950, Papatakis produit et finance le film de son ami Jean Genet, Un chant d'amour (avec une photographie signée Jean Cocteau). Mais l'unique œuvre cinématographique de l'écrivain est censurée en raison de son évocation de l'homosexualité ; il n'est distribué qu'en 1975.

En 1957, à cause de ses activités politiques pendant la guerre d'Algérie, il quitte la France pour les États-Unis et se fixe à New York[7]. Il se lie avec le mannequin allemand Christa Päffgen. Elle lui emprunte son vrai prénom et devient Nico, égérie d'Andy Warhol et du Velvet Underground.

En 1959, Papatakis rencontre le réalisateur John Cassavetes qui a des difficultés financières pour terminer son premier long métrage Shadows. Il trouve les fonds nécessaires et devient coproducteur du film.

Metteur en scène modifier

Papatakis revient à Paris au début des années soixante. En 1962, il réalise son premier film, Les Abysses, d'après la pièce de Genet, Les Bonnes, inspirée elle-même de l'histoire vraie des sœurs Papin. Le film est prévu pour être présenté au festival de Cannes de la même année, mais le comité de sélection du festival le rejette dans un premier temps à cause de sa violence et son exaltation forcenées (on y a vu, entre autres choses, « une métaphore de la lutte des algériens contre les colons français »[8]) avant qu'André Malraux, ministre de la Culture, ne l'impose, sensible à l’importance de l’œuvre[8]. Francis Cosne, président du syndicat des producteurs français donne alors sa démission en signe de protestation et la projection des Abysses provoque le scandale sur la Croisette. Le fidèle cénacle intellectuel, Sartre, Beauvoir et Genet soutient le film face aux violentes réactions et Jean Genet de déclarer « Il est possible qu’on s’indigne de la ténacité avec laquelle Nico Papatakis a su saisir et conduire ce paroxysme pendant deux heures. Mais je crois qu’on doit accepter de garder les yeux grands ouverts quand un acrobate exécute un numéro mortel ». Et André Breton d'ajouter « Eros et l’instinct de mort, couple indissoluble en butte à une tension sociale telle que ces deux machines se rechargent l’une l’autre jusqu’à l’incandescence ; avec Les Abysses nous sondons l’éperdu des passions humaine »[8].

En 1967, il tourne son second long métrage avec son épouse Olga Karlatos dans le premier rôle. Le tournage se déroule clandestinement en Grèce sous la dictature des colonels. Les Pâtres du désordre est le premier film réalisé en Grèce qui dénonce le régime des colonels[réf. nécessaire]. Le film qui sort au moment des événements de Mai 1968 connaît une faible fréquentation.

En 1975, il écrit et réalise Gloria Mundi, qui évoque la torture en Algérie, à nouveau avec Olga Karlatos dans le rôle principal. Ce film est sélectionné pour l'ouverture du premier Festival du film de Paris et sort dans trois salles le . Il est retiré de l’affiche à la suite d'un attentat à la bombe au cinéma Le Marbeuf, revendiqué par d’anciens membres de l’OAS selon le guide Algériades[9]. Ce film ne ressort qu'en 2005.

En 1986 Papatakis écrit et réalise La Photo, sélectionné au Festival international du film de Thessalonique 1986 et dans La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 1987.

En 1991, il écrit et réalise Les Équilibristes présenté à la Mostra de Venise. On y remarque en particulier Michel Piccoli qui incarne un saisissant Jean Genet.

Vie privée modifier

Papatakis a été marié de 1951 à 1958 avec l'actrice Anouk Aimée avec qui il a eu une fille, Manuela Papatakis, née en 1951. Il a ensuite une longue liaison avec la chanteuse et mannequin allemande Nico[10]. Plus tard, il a épousé en 1967 l'actrice grecque Olga Karlatos avec laquelle il a eu un fils, Serge Papatakis, né en 1967. Le couple divorce en 1982.

Décorations modifier

Le , Nico Papatakis reçoit du ministre français de la Culture Frederic Mitterrand, l'insigne de Commandeur dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

Hommages modifier

« Nico Papatakis, artiste subversif, est mort dans la nuit de samedi. Ennemi du pouvoir et défenseur des humiliés, il fonda son cinéma sur des pulsions existentielles. Il a produit le seul film de Genet. Parmi ses réalisations : Gloria Mundi et La Photo. C'était un ami, un cinéaste volontairement en marge, un artiste exceptionnel, un homme libre. »

— Federico Rossin, Il Manifesto, 21 décembre 2010[1].

« Papatakis était un homme de l'universel. Il a constamment jeté des ponts entre l'Afrique et l'Europe, entre la Grèce et la France, entre la France et les États-Unis »

— Jack Lang, communiqué AFP, 22 décembre 2010[11].

L'ancien ministre de la Culture Jack Lang souligne encore que le cinéaste était un « ami rare », un « homme de courage », un « créateur raffiné et audacieux », et qu'« il a été l'auteur d'œuvres cultes : au premier chef la production d'Un chant d'amour de Genet et Les Abysses. Ce sont deux chefs-d'œuvre qui marqueront profondément l'histoire du cinéma ». Il évoque aussi « le bonheur » qu'a été pour lui « en tant que ministre de la Culture d'avoir pu l'aider à donner naissance à son très beau film La Photo[11]. »

Filmographie modifier

Réalisation modifier

Production modifier

Scénario modifier

Acteur modifier

Bibliographie modifier

Œuvre modifier

Nico Papatakis, Tous les désespoirs sont permis, Paris, Éditions Fayard, , 350 p. (ISBN 978-2-213-61289-8, présentation en ligne).

Monographie modifier

(el) Yannis Kontaxopoulos, Νίκος Παπατάκης. Μονογραφία (Nico Papatakis. Monographie), Athènes, Éditions Kastaniotis,‎ , 248 p. (ISBN 960-03-4127-3, présentation en ligne), publié à l'occasion du 46e Festival international du film de Thessalonique.

Notes et références modifier

  1. a et b Federico Rossin, «Un équilibriste sur l'abîme», Il Manifesto (quotidien italien), .
  2. Nécrologie de Télérama.
  3. Eric Le Roy, Denise Bellon, La Martinière, (ISBN 2-7324-3136-2 et 978-2-7324-3136-9, OCLC 56751094, lire en ligne)
  4. Gilles Schlesser, Le cabaret "rive gauche" : (1946-1974), impr. 2006 (ISBN 978-2-84187-849-9 et 2-84187-849-X, OCLC 494180040, lire en ligne)
  5. Archives INA : Pierre Tchernia et Juliette Gréco évoquent La Rose rouge (ORTF, 1966).
  6. Juliette Gréco, Jujube, Éditions Stock, Paris, 1982 (ISBN 2-2340-0816-6).
  7. Papatakis, Nico (1918-2010), Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC), https://portail-collections.imec-archives.com/ark:/29414/a011479201441xhpd0z.
  8. a b et c Source du Festival international du film de La Rochelle : Papatakis le réfractaire par Michel Ciment
  9. Nikos Papatakis sur Algériades.com
  10. "Nico: Life And Lies Of An Icon" par Richard Witts, en 2017 aux éditions Ebury Publishing
  11. a et b Article du 22 décembre 2010 du quotidien Tribune de Genève : Jack Lang rend hommage à « un homme de l'universel »

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

La Rose rouge, film de Marcel Pagliero avec Les Frères Jacques (1951), durée 95 min. (édition DVD par René Chateau Vidéo en 2006).

Liens externes modifier