Nokutela Dube
Nokutela Dube (née Nokutela Mdima en 1873 à Inanda dans la colonie britannique du Natal et morte le à Johannesbourg en Afrique du Sud) est une enseignante et une musicienne sud-africaine. Elle a été la première femme sud-africaine à fonder une école.
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Elle était mariée à John Langalibalele Dube.
Biographie
modifierNokutela Mdima est née en 1873 à la mission chrétienne de Inanda située près de Durban, dans la colonie britannique du Natal (sud de l'Afrique). Ses parents sont des chrétiens convertis.
À partir de 1881, elle suit une formation au Inanda Seminary School, une école missionnaire américaine et zoulou[1],[2] fondée en 1853 par des missionnaires américains, Daniel et Lucie Lindley, puis dirigé en 1873 par James Ngcobo Dube (mort en 1877), fils de la première femme zouloue à s’être convertie au christianisme dans les années 1840 et l'un des premiers pasteurs africains ordonnés africain de la mission. Les Dube sont issus d'une lignée royale, de la tribu zoulou des Qadi[3]. En 1894, John Langalibalele Dube, fils de James Dube, épouse Nokutela Mdima, qui travaille alors comme professeur à la mission.
Le couple Dube quitte l'Afrique du Sud en et se rend en Grande-Bretagne, puis gagne en bateau New York à partir de Southampton en . Ils y poursuivent leurs études dans un institut missionnaire à Brooklyn. En novembre, leur histoire est présenté par le New-York Tribune. Son mari n'est pas le premier noir d'Afrique du Sud à se rendre à New York, mais la présence d'une femme, Nokutela Dube, est inhabituel. Le Los Angeles Times inclut Nokutela Duke dans sa série "Women of note" le . Les journaux mentionnent M. et Mme John Lindley Dube, et décrivent leur allure distinguée(Ce nom de Lindley, est celui des missionnaires, Daniel et Lucie Lindley, qui avait établi la Inanda mission à Inanda. Le rajout de ce patronyme, se substituant à Langalibalele, est probablement fait pour être plus familier aux lecteurs américains). Leur objectif est alors d'être à leur tour des missionnaires efficaces[4].
Lors de son séjour aux États-Unis, le couple Dube découvre et s'intéresse au discours d'un enseignant noir, Booker T. Washington, qui milite pour l'émancipation des noirs américains tout en mettant l'accent sur l'éducation et la nécessité de renforcer le poids économique de la communauté noire, pour acquérir un poids politique plus fort[2]. Il plaide également pour une convergence d’intérêt entre les citoyens quelle que soit leur couleur de peau : « Nous pouvons, sous toutes les facettes de notre existence sociale, être séparés comme les doigts, mais nous unir en une main pour toute chose essentielle à notre progrès mutuel[5]. ». Alors qu'elle est en Amérique, le Conseil féminin des Missions publie son histoire, The Story of My Life, en 1898[6].
Après leur retour en Afrique du Sud, elle enseigne tout d'abord dans son ancienne école. Puis le couple Dube crée un établissement scolaire secondaire : l'Ohlange High School, dans le Natal. C'est le premier établissement scolaire dans ce pays à être créé par des enseignants noirs. Dans cette école, elle enseigne la musique, la cuisine, le ménage et la couture, et également le chant et le jeu d'instruments traditionnels. Avec son mari, elle co-écrit Amagama Abantu (Livre de chansons zoulou), publié en 1911. Ce livret, dont elle a écrit la musique, est considéré comme une étape importante dans la création d'un nouveau type de musique chorale zoulou[7],[8].
Elle fonde également avec son mari le premier journal en anglais et en zoulou, le Ilanga laseNatali (Le Soleil du Natal) en 1903. Ils sont aussi crédités pour la chanson Nkosi Sikelel' iAfrika, qui est devenue un thème musical très connu et, en 1994, une partie de l'hymne national sud-africain[9]. Le chœur de leur école interprète ce chant sur scène lors de l'assemblée fondatrice de l'ANC en 1912[2],[10].
Nokutela et John Dube ne parviennent pas à avoir des enfants ensemble. Par contre, John Dube devient le père d'un enfant avec l'une de leurs élèves. Cet enfant meurt peu après sa naissance[1]. Un comité est mis en place pour enquêter sur son mari, mais ce comité n'a pris aucune mesure et Nokutela se sent humiliée[11]. Le couple se sépare vers 1914, et Nokutela s'installe dans le Transvaal, où elle prêche dans les communautés rurales, avant de devoir se soigner d'une maladie du rein. Elle retourne alors vivre avec son mari à Johannesbourg, et meurt en 1917, à l'âge de 44 ans. Inhumée dans le cimetière de Brixton, sa tombe est enregistrée simplement comme étant celle d'une «Chistian Kaffir» (Cafre chrétienne)[1]. Ses obsèques sont suivies par Pixley ka Isaka Seme et d'autres membres éminents de ce qui allait constituer une nouvelle génération du Congrès National Africain[12].
Postérité
modifierElle a inspiré Lillian Tshabalala et d'autres personnes du mouvement appelé The Daughters of Africa[7],[13].
En 1994, l'école, qu'elle a cofondée avec son mari, a été choisie symboliquement par Nelson Mandela comme lieu de vote lors des premières élections nationales au suffrage universel sans distinction de races, parce que « tout a commencé là »[14]. Cependant, sa contribution à l'évolution de l'Afrique du Sud et à la croissance de ce qui allait devenir le Congrès national africain est resté longtemps méconnue. De même l'incapacité à avoir des enfants de son couple avec John Dube, et les conséquences sur leur relation, n'ont été longtemps connue que par les beaux-enfants, nièces et neveux[1],[2],[15].
En 2012, le professeur Chérif Keita de Carleton College à Northfield, Minnesota réalise un film sur Nokutela Dube, Ukukhumbula uNokutela – Remembering Nokutela et mène une campagne de sensibilisation sur sa mémoire[9],[16],[17]. Une stèle est érigée sur sa tombe après qu'elle a été localisée par Chérif Keita avec l'aide du Service des Parcs de Johannesbourg en 2009[9],[18],[19],[20].
En , elle est intronisée au sanctuaire national, le Freedom Park[21].
En 2017, à la suite de la campagne de Chérif Keita pour sa reconnaissance, Nokutela Dube se voit décerner à titre posthume la distinction la plus élevée d'Afrique du Sud, the Order of the Golden Baobab, 100 ans après sa mort[22],[23],[24].
Références
modifier- (en) Stephen Coan, « It's Nokutela's Turn », The Witness, (lire en ligne)
- (en) Martin Vennard, « The pioneering woman the world forgot », BBC News, (lire en ligne)
- (en) « Dube Biography », Oberlin.edu (consulté le )
- (en) Heather Hughes, First President : A Life of John Dube, Founding President of the ANC, Auckland Park, Afrique du Sud, Jacana Media, , 312 p. (ISBN 978-1-77009-813-8 et 1-77009-813-5, lire en ligne), p. 65-70
- Jeanne-Marie Vazelle et Benjamin Assié, « Préambule », dans Booker T. Washington, Up from Slavery, ascension d'un esclave émancipé, Les Éditeurs libres,, 2008. (lire en ligne), p. 11
- (en) Life and Light for Woman, vol. 28, Woman's Board of Missions, (lire en ligne), p. 110
- (en) « Nokutela (nee Mdima) Dube », South Africa History Online (consulté le )
- (en) Tsitsi Ella Jaji, Africa in Stereo : Modernism, Music, and Pan-African Solidarity, New York, Oxford Scholarship, , 288 p. (ISBN 978-0-19-993638-0 et 0-19-993638-2, lire en ligne), p. 20, 24, 25-41, 66
- « Nokutela Dube », Radio France internationale, (lire en ligne)
- (en) « Enoch Mankayti Sontonga », sur SAHistory.org.za (consulté le )
- (en) Heather Hughes, First President : A Life of John Dube, Founding President of the ANC, Auckland Park, Afrique du Sud, Jacana Media, , 312 p. (ISBN 978-1-77009-813-8 et 1-77009-813-5, lire en ligne), p. 189-190
- [(en) « Nokutela Dube », sur Johannesburg City Parks (consulté le )
- (en) Meghan Healy-Clancy, « The Daughters of Africa and Transatlantic Racial Kinship : C. L. Tshabalala and the Women's Club Movement, 1912-1943" », Amerikastudien/American Studies, vol. 59,, no 4, , p. 481–499 (lire en ligne)
- (en) Nelson Mandela, Long Walk to Freedom, UK, Hachette, (lire en ligne)
- (en) Chérif Keita, « " A Zulu Woman’s Encounter with the American Press : Nokutela Dube in New York », sur Media Lab Africa
- (en) Antoinette Muller, « Remembering Nokutela Dube, a pioneer forgotten », The South African, (lire en ligne)
- (en) « Her contributions to South Africa were unknown, but a new film aims to change that », PRI, (lire en ligne)
- (en) Theo Nkonki et Shamiela Fisher,, « Nokutela Dube's Headstone Unveiled », Eyewitness News (EWN), (lire en ligne)
- (en) Stephen Coan, « Remember to call at my grave’ », News24, (lire en ligne)
- (en) Stephen Coan, « Nokutela Dube Remembered », The Witness, (lire en ligne)
- (en) Stephen Coan, « Remembered At Last », The Star, (lire en ligne)
- (en) « South Africa recognises ANC pioneer a century after her death », BBC, (lire en ligne)
- (en) Austin Bukenya, « One golden baobab for a truly strong woman », Daily Nation', (lire en ligne)
- (en) « South African Pioneer in Education, Ms Nokutela Dube is honoured posthumously with one of the country's prestigious national awards a century after her passing », Khulumani, (lire en ligne)
Liens externes
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- "The story of Nokutela Dube". Prof. Chérif Keita speaking with Sakina Kamwendo, SAfm,
- "Ukukhumbula uNokutela," "Remembering Nokutela". YouTube,