Nombre de Froude
Le nombre de Froude, de l'hydrodynamicien anglais William Froude, est un nombre sans dimension qui caractérise dans un fluide l'importance relative de l'énergie cinétique de ses particules par rapport à son énergie potentielle gravitationnelle. Il s'exprime donc par un rapport entre la vitesse d'une particule et la force de pesanteur qui s'exerce sur celle-ci. Ce nombre apparaît essentiellement dans les phénomènes à surface libre, en particulier dans les études de cours d'eau, de barrages, de ports et de navires (architecture navale). Il est également important en météorologie pour le calcul de l'écoulement de l'air en montagne.
En dynamique des fluides il fait partie des trois nombres sans dimension les plus utilisés : il caractérise l'importance de la pesanteur alors que le nombre de Reynolds prend en compte la viscosité et le nombre de Mach la compressibilité. Le nombre de Froude peut être indicatif de la vitesse du fluide normée par une distance caractéristique. Ainsi les rapides ont un nombre de Froude > 1, tandis que pour les rivières plus calmes Froude < 1.
Origine
modifierLe nombre de Froude[1] est ainsi désigné à la suite de Moritz Weber (-)[2],[3]. Son éponyme est William Froude (-), ingénieur civil, mathématicien et architecte naval anglais qui a révolutionné la conception des bateaux avec l'utilisation de bassins des carènes[4]. À la fin du XIXe siècle, Froude étudie sur modèle réduit le comportement de navires remorqués. Il montre que les phénomènes restent semblables lorsque la vitesse du navire varie comme la racine carrée de sa longueur[5].
En France, le nombre est aussi connu comme le nombre de Reech-Froude[6],[7],[8],[9] ou le nombre de Reech[1],[10]. Son éponyme est alors Frédéric Reech (-) qui l'a proposé dès [6],[7],[8]. Froude a admis l'antériorité de Reech à propos de ce concept de loi de comparaison. Cette démarche empirique ne pouvait prendre en compte la pesanteur introduite ultérieurement dans ce qu'on appelle parfois le nombre de Reech-Froude.
Antérieurement à Froude, le nombre a été utilisé par plusieurs chercheurs français, à savoir[8] : Jean-Baptiste Bélanger[11] (-) en ; Jules Dupuit[12] (-) en ; Jacques Bresse[13] (-) en ; et Henry Bazin[14] (-) en .
Définition
modifierLe nombre de Froude étant le rapport entre l'énergie cinétique () et l'énergie potentielle gravitationnelle (). Il se définit donc de deux manières en fonction des domaines d'utilisations[15].
Le nombre de Froude est défini par[1] :
- ,
où :
- est la vitesse du fluide[1] (en m/s) ;
- est l'accélération de la pesanteur[1] (9,81 m/s2) ;
- est une taille typique associée au système[1] (m).
- Remarque
Dans quelques livres anciens, on rencontre une définition alternative selon laquelle nombre de Froude est le carré du nombre précédent[1],[16] :
- .
On peut l'exprimer en fonction du nombre de Reech[17]:
- .
Le dénominateur représente la célérité des ondes par faible profondeur, le nombre de Froude présentant ainsi une certaine analogie avec le nombre de Mach.
Relations avec d'autres nombres sans dimension
modifierLe nombre de Froude est relié à celui de Richardson par[1] :
- .
Il est relié à ceux de Morton , de Reynolds et de Weber par[18] :
- ,
d'où :
- .
Domaines d'utilisation
modifierÉcoulement à surface libre dans un cours d'eau
modifierDans le cadre d'un écoulement à surface libre comme c'est le cas dans un cours d'eau, le nombre de Froude correspond au rapport entre la vitesse de l'écoulement et la vitesse des ondes de surface , soit .
La célérité de ces ondes s'exprime où , longueur caractéristique, vaut le rapport entre la section d'écoulement et la largeur de la surface libre soit .
On a donc .
Cas particulier du canal rectangulaire
modifierDans le cas particulier d'un canal rectangulaire, la longueur caractéristique vaut la profondeur du cours d'eau.
L'expression du nombre de Froude pour une section rectangulaire est donc
avec :
- - vitesse de l'écoulement ;
- - accélération de la pesanteur (9,81 m/s2) ;
- - hauteur d'eau.
- Valeurs critiques
Pour un cours d'eau un même débit peut être obtenu de deux façons différentes :
- : régime torrentiel, avec une faible hauteur d'eau et une forte vitesse (équivalent d'un régime supersonique). Dans ce régime, le fluide est « tiré » par les forces qui le meuvent (la gravité le plus souvent), sans que la masse de fluide en aval soit une gêne ;
- : régime fluvial, avec une forte hauteur d'eau et une faible vitesse (équivalent d'un écoulement subsonique). Ce régime est « piloté par l'aval » : le comportement des particules en mouvement est contraint par celles qui les précèdent.
Dans les deux solutions la hauteur d'eau et la vitesse sont déterminées suivant le nombre de Froude et le débit, mais les solutions ne se calculent pas de la même façon. La détermination du nombre de Froude est donc un préalable au calcul.
La transition du régime torrentiel au régime fluvial provoque un ressaut hydraulique où la hauteur d'eau s’accroît brusquement. Le phénomène est observable dans un lavabo : lorsque l'eau qui coule touche la surface, sa vitesse initialement élevée (nombre de Froude > 1) diminue à proportion de sa distance au point d'impact, et finit par descendre en dessous de 1.
Architecture navale
modifierest alors Lwl (length waterline) est la longueur de la carène[19].
En météorologie de montagnes
modifierLe nombre de Froude est utilisé en météorologie pour calculer si des ondes de gravité seront générée par un flux atmosphérique traversant un obstacle tel qu'une chaîne de montagnes. Dans ce cas, l'énergie potentielle dépend non seulement du poids de la parcelle d'air mais également de la poussée d'Archimède qui s'exerce sur celle-ci dans l'atmosphère. En effet, si la parcelle d'air est moins dense que son environnement, elle sera repoussée en altitude et vice versa si elle est plus dense.
Le nombre de Froude devient alors un rapport entre la vitesse horizontale de déplacement d'une parcelle d'air et le potentiel à vaincre ( la hauteur de l'obstacle) qui dépend aussi de la stabilité de l'air. La masse d'air perturbée par la présence d'un obstacle vertical est soumise à une onde de gravité et se met à osciller avec la fréquence de Brunt-Väisälä, . Le nombre de Froude s'exprime comme[20] :
avec , où est la hauteur au-dessus du sol, = 9,81 m/s2, est la température potentielle de l'air[21].
D'autres auteurs définissent le nombre de Froude comme étant :
où est l'épaisseur transversale de la montagne[22].
- Valeurs critiques
- : vents légers et l'écoulement contourne ou est bloqué par l'obstacle ;
- : cas de stabilité faible et de vents forts avec création d'oscillations en aval de l'obstacle ;
- : la longueur d'onde de l'air est plus grande que celle de la barrière. Création d'une zone de fluide mort derrière la colline. Accélération du vent au sommet et après une longueur égale à environ trois fois la longueur de l'obstacle, l'écoulement retrouve ses caractéristiques initiales.
Notes et références
modifier- Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v. Froude (nombre de), p. 326, col. 2.
- Baines 2022, chap. 1er, sect. 1.4, p. 14.
- Hager, Hutter et Castro-Orgaz 2020, introd., p. 705.
- Amiroudine et Battaglia 2017, chap. 7, sect. 1, § 1.5, p. 205.
- (en) Fadi Khoury, « History of the Froude Number », sur San Diego State University, (consulté le )
- Chanson 2004, gloss. s.v. Froude number, p. XXVII.
- Chanson 2004, gloss. s.v. Reech, p. XXXII.
- Chanson 2004, chap. 14, sect. 14.3, § 14.3.2, n. 1, p. 257.
- Paulet, Presles et Neuman 2020, chap. IV, p. 96.
- Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v. Reech (nombre de), p. 632, col. 1.
- Chanson 2004, gloss., s.v. Bélanger, p. XXI.
- Chanson 2004, gloss., s.v. Dupuit, p. XXV.
- Chanson 2004, gloss., s.v. Bresse, p. XXII.
- Chanson 2004, gloss., s.v. Bazin, p. XXI.
- François Lonchamp, « Nombre de Froude », (consulté le )
- Çengel et Cimbala 2017, p. 288.
- (en) Carl W. Hall, Laws and Models : Science, Engineering and Technology, Boca Raton, CRC Press, , 524 p. (ISBN 84-493-2018-6)
- Chanson 2004, chap. 14, sect. 14.3, § 14.3.2, discussion, p. 257-258.
- « Nombre de Froude », sur Mecaflux (consulté le )
- Fabienne Grazzini, « La couche limite atmosphérique », sur École supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'informatique, d'hydraulique et des télécommunications, (consulté le )
- (en)Rogers, R. R. et Yau, M. K., Short Course in Cloud Physics, 3e édition, Butterworth-Heinemann, , 304 p. (ISBN 0-7506-3215-1), p. 30-35EAN 9780750632157
- (en)Roland B. Stull, An introduction to boundary layer meteorology, Kluwer academic publishers, , 670 p. (ISBN 90-277-2768-6), p. 601
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- [Amiroudine et Battaglia 2017] Sakir Amiroudine et Jean-Luc Battaglia (préf. Michel Combarnous), Mécanique des fluides, Malakoff, Dunod, coll. « Sciences Sup », , 3e éd. (1re éd. ), XX-361 p., 17 × 24 cm (ISBN 978-2-10-076170-8, EAN 9782100761708, OCLC 1006558404, BNF 45339395, SUDOC 204732557, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Baines 2022] (en) Peter G. Baines, Topographic effects in stratified flows [« Effets topographiques des écoulements stratifiés »], Cambridge, CUP, coll. « Cambridge Monographs on Mechanics », , 2e éd. (1re éd. ), 17 × 24,4 cm (ISBN 978-1-108-48152-6 et 978-1-108-72290-2, EAN 9781108481526, OCLC 1245925740, DOI 10.1017/9781108673983, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Çengel et Cimbala 2017] Yunus A. Çengel et John M. Cimbala (trad. de l'anglais par Alexandre Chagnes, Sophie Griveau, Virginie Lair et Armelle Ringuedé), Mécanique des fluides : fondements et applications [« Fluids mechanics : fundamentals and applications »], Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, coll. « Sciences de l'ingénieur », , 1re éd., XXI-972 p., 21,5 × 27,7 cm (ISBN 978-2-8041-6483-6, EAN 9782804164836, OCLC 1004779868, BNF 45797686, SUDOC 20434316X, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Chanson 2004] (en) Hubert Chanson, The hydraulics of open channel flow : an introduction : basic principles, sediment motion, hydraulic modelling, design of hydraulic structures [« L'hydraulique de l'écoulement à surface libre : une introduction : principes de base, mouvement des sédiments, modélisation hydraulique, conception d'ouvrages hydrauliques »], Oxford et Burlington, Butterworth-Heinemann, , 2e éd. (1re éd. 1999), XLVII-585-[4], 25 cm (ISBN 978-0-7506-5978-9, EAN 9780750659789, OCLC 470221706, BNF 39236344, DOI 10.1016/B978-0-7506-5978-9.X5000-4, SUDOC 080738036, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Hager, Hutter et Castro-Orgaz 2020] (en) Willi H. Hager, Kolumban Hutter et Oscar Castro-Orgaz, « Correspondence between de Saint-Venant and Boussinesq. 4 : the role of Frédéric Reech » [« Correspondance entre de Saint-Venant et Boussinesq. 4 : le rôle de Frédéric Reech »], Comptes Rendus. Mécanique, vol. 348, nos 8-9, , p. 705-727 (OCLC 8885733694, DOI 10.5802/crmeca.57, résumé, lire en ligne [PDF]).
- [Paulet, Presles et Neuman 2020] Dominique Paulet, Dominique Presles et Frédéric Neuman, Architecture navale : connaissance et pratique, Malakoff, Dunod, hors coll., , 2e éd. (1re éd. ), 495 p., 17 × 24 cm (ISBN 978-2-10-079552-9, EAN 9782100795529, OCLC 1195550102, SUDOC 249061007, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Taillet, Villain et Febvre 2018] Richard Taillet, Loïc Villain et Pascal Febvre, Dictionnaire de physique, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, hors coll., , 4e éd. (1re éd. ), X-956 p., 17 × 24 cm (ISBN 978-2-8073-0744-5, EAN 9782807307445, OCLC 1022951339, BNF 45646901, SUDOC 224228161, présentation en ligne, lire en ligne), s.v. Froude (nombre de), p. 326, col. 2.
Liens externes
modifier- (en) Eric W. Weisstein, « Froude number », sur MathWorld.
- (en) « Froude number » [« nombre de Froude »], notice d'autorité no 20110803095836872 de l'Oxford Index , sur Oxford Reference, OUP.
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :