Criquet migrateur

espèce d'insectes
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Locusta migratoria

Locusta migratoria
Description de cette image, également commentée ci-après
Le Criquet migrateur (accouplement d'individus de phase solitaire)
Classification Orthoptera Species File
Règne Animalia
Embranchement Arthropoda
Sous-embr. Hexapoda
Classe Insecta
Sous-classe Pterygota
Infra-classe Neoptera
Ordre Orthoptera
Sous-ordre Caelifera
Infra-ordre Acrididea
Super-famille Acridoidea
Famille Acrididae
Sous-famille Oedipodinae
Tribu Locustini

Genre

Locusta
Linnaeus, 1758

Synonymes

  • Acrydium Latreille, 1804
  • Oedipus Berthold, 1827
  • Pachytylus Fieber, 1852
  • Plachytylus Krauss, 1890

Espèce

Locusta migratoria
(Linnaeus, 1758)

Synonymes

  • Gryllus migratorius Linnaeus, 1758
  • Gryllus danica Linnaeus, 1767
  • Locusta cinerascens Fabricius, 1781
  • Acrydium manilensis Meyen, 1835
  • Oedipoda migratorioides Reiche & Fairmaire, 1849
  • Pachytylus brasiliensis Walker, 1870
  • Pachytylus australis Saussure, 1884
  • Pachytylus capito Saussure, 1884
  • Locusta rossica Uvarov & Zolotarevsky, 1929
  • Gastrimargus affinis Sjöstedt, 1931
  • Gastrimargus morio Sjöstedt, 1931
  • Locusta gallica Remaudière, 1947
  • Locusta danica burmana Ramme, 1951
  • Locusta migratoria solitaria Carthy, 1955
  • Pachytylus punctifrons Dirsh, 1961
  • Locusta migratoria migratoria form remaudierei Harz, 1962
  • Locusta migratoria tibetensis Chen, 1963

Locusta migratoria (Linnaeus, 1758), le Criquet migrateur, unique représentant du genre Locusta, est une espèce d'insectes orthoptères de la famille des Acrididae. Il fait partie des locustes (espèces de criquets présentant un phénomène de polymorphisme phasaire[1]), tout comme le Criquet pèlerin ou le Criquet nomade. C'est un ravageur majeur dans de nombreuses régions tropicales.

Taxonomie

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Selon le site Orthoptera Species File (24 septembre 2024)[2] deux sous-espèces sont actuellement reconnues:

Dans le passé, de nombreuses sous-espèces (jusqu’à une vingtaine) ont été décrites,  certaines n’ayant jamais été nommées mais simplement désignées par leur origine géographique. Dès les années 1980, divers auteurs ont remis en question ces distinctions et démontré  que la simple morphométrie, la distribution, le nombre de générations... sont des critères inadaptés pour identifier le statut subspécifique d'une population donnée de criquets migrateurs. Des analyses récente de biologie moléculaire (en particulier Ma et al., 2012[3] basé sur un large échantillonnage géographique) ont clairement divisé Locusta migratoria en seulement deux sous-espèces, L. m. migratoria (dans les zones tempérées) et L. m. migratorioides (pantropicale). Les noms des anciennes sous-espèces sont encore parfois utilisés dans diverses parties du monde mais correspondent plus à une facilité pour préciser une origine géographique qu'à une réalité biologique.

Aire de répartition de Locusta migratoria avec indication de la limite approximative entre les deux sous-espèces, L. m. migratoria et L. m. migratorioides. D'après Ma et al. (2012) modifié d'après Latchininsky et al. (2002), Latchininsky et Sivanpillai (2010) et GBIF (2022) pour la limite nord. Les principales sous-espèces reconnues jusqu'aux travaux de Ma et al. (2012) sont mentionnées en petits caractères. Les cercles rouges indiquent l'emplacement des principales zones de pullulation du criquet migrateur.
Aire de répartition de Locusta migratoria avec indication de la limite approximative entre les deux sous-espèces, L. m. migratoria et L. m. migratorioides. D'après Ma et al. (2012) modifié d'après Latchininsky et al. (2002), Latchininsky et Sivanpillai (2010) et GBIF (2022) pour la limite nord. Les principales sous-espèces reconnues jusqu'aux travaux de Ma et al. (2012) sont mentionnées en petits caractères. Les cercles rouges indiquent l'emplacement des principales zones de pullulation du criquet migrateur. La limite entre les deux sous-espèces est approximative (d'après Lecoq, 2023).

Distribution

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Le criquet migrateur est l'espèce de criquet la plus largement répartie. On le trouve dans tout l'Ancien Monde, du niveau de la mer jusqu'à plus de 4 000 m d'altitude dans les montagnes d'Asie centrale. Les deux sous-espèces couvrent des régions climatiques distinctes, les barrières géographiques ainsi que la température jouant un rôle important. La sous-espèce Locusta m. migratoria est répartie dans les zones tempérées du continent eurasien: sa limite nord coïncide à peu près avec la limite sud des forêts de conifères d'Europe et d'Asie.  L. m. L. migratorioides est répandu dans les zones tropicales d'Afrique, du sud de l'Europe, de l'Arabie, de l'Inde, du sud de la Chine, de l'Asie du Sud-Est et de l'Australie[4].

Description

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Le criquet migrateur est une espèce de grande taille avec un dimorphisme sexuel marqué. Comme chez les autres locustes, la morphologie et la coloration diffèrent grandement selon le statut phasaire (solitaire, transiens ou grégaire ) et les conditions écologiques.

Morphologie – Adulte solitaire: F 5-7 cm de long et M 4-5,5 cm ; adulte grégaire: F 4-4,5 cm et M 3,5-4,5 cm. Pour les formes solitaires, pronotum convexe de profil et fémur postérieur relativement long (plus long que l'abdomen). Le pronotum devient plat ou assez concave, en forme de selle, pour les formes grégaires et le fémur est plus court. Le criquet migrateur n'a pas de tubercule prosternal (contrairement à d'autres criquets comme le criquet pèlerin, Schistocerca gregaria, ou le criquet rouge, Nomadacris septemfasciata).

Coloration – Les individus solitaires - larves comme adultes - sont principalement verts ou bruns (noirâtres pour les individus vivant dans les zones brûlées), clairs ou foncés avec des taches brun foncé ou noires, en particulier sur le pronotum (coloration adaptative saisonnière : environ 80 % de vert en saison des pluies et 20 % en saison sèche). Les premiers stades ne sont jamais verts. Les individus grégaires n'ont pas de coloration verte/brune. Les adultes et les larves ont le même fond jaune à orange ou une coloration brun-rougeâtre, avec une maculation noire typique ponctuée de quelques taches blanches. Les mâles grégaires adultes deviennent nettement jaunes à maturité. Dans les deux phases, les ailes postérieures sont hyalines, complètement transparentes, sans aucune coloration. Le tibia postérieur est jaunâtre, beige ou rougeâtre.

Biologie et écologie

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En construction

Habitats

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Polymorphisme phasaire

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Biologie

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Pullulations et déterminisme des invasions

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Dans la plupart des cas, l’eau — précipitations ou inondations — est un facteur clé de la dynamique des populations et du déterminisme des invasions. Cependant, les activités humaines (surpâturage, déforestation, irrigation, barrages…) peuvent jouer un rôle important en favorisant ou en entravant le processus de multiplication et de grégarisation. Dans de nombreuses régions, ces pullulations sont devenues moins fréquentes ou ont complètement disparu, car le développement agricole a  largement détruit les zones de reproduction de ces criquets.

Extension de l'invasion du Criquet migrateur qui a débuté en 1928 dans le delta central du fleuve Niger au Mali (zone en noir). Cette invasion n'a pris fin qu'en 1941 (d'après Batten 1966, in Duranton et al. 1982).
Extension de l'invasion du Criquet migrateur qui a débuté en 1928 dans le delta central du fleuve Niger au Mali (zone en noir). Cette invasion n'a pris fin qu'en 1941 (d'après Batten 1966, in Duranton et al. 1982).

Le Criquet migrateur et l'Homme

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En construction

Impact économique

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Le criquet migrateur est un ravageur majeur dans de nombreuses régions tropicales et considéré comme le ravageur agricole le plus important dans certains pays. L’ampleur des invasions et des destructions qu’il provoque est due à son caractère grégaire, à sa mobilité, à sa voracité et à la taille de ses essaims. Lors des invasions les bandes larvaires et les essaims peuvent causer des pertes importantes, principalement aux pâturages et aux cultures graminéenes (blé, seigle, orge, avoine, maïs, riz, Panicum, sorgho, canne à sucre, mil, prairies de fauche et pâturages…). Considéré souvent comme exclusivement graminivore, de nombreux témoignages montrent, qu'en cas de pullulations importantes,  de très nombreuses autres plantes cultivées peuvent être endommagées. En raison de ces dégâts, les criquets migrateurs mettent en péril la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de nombreuses populations dans diverses régions du monde.

Impact environnemental

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La lutte contre le criquet migrateur reposant encore majoritairement sur les pesticides chimiques, en cas d’infestations massives, les opérations de lutte peuvent atteindre une ampleur telle que les produits utilisés peuvent avoir de graves effets secondaires sur la santé humaine, l’environnement, les organismes non cibles et la biodiversité. L’application correcte de stratégies préventives, ainsi que le recours à de bonnes pratiques de traitement plus respectueuses des personnes et de l’environnement, peuvent permettre de limiter les impacts négatifs de ces opérations de pulvérisation à grande échelle. L'utilisation récente de biopesticides devrait encore contribuer à limiter ces impacts indésirables.

Par ailleurs, il convient de noter que les avantages potentiels des essaims de criquets sont rarement reconnus. En effet, la biomasse des individus de criquets peut grandement contribuer aux processus écosystémiques en cas de recrudescence ou d’invasion. Les excréments et les cadavres de criquets sont riches en nutriments qui sont transférés au sol via la décomposition par des micro-organismes et des champignons, et absorbés par les plantes augmentant la productivité nette de l’écosystème et le recyclage des nutriments  grâce à des taux de minéralisation rapides de l’azote et du carbone (Kietzka et al., 2021).

Impact social

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Les coûts sociaux pour la population humaine locale lors des invasions peuvent être énormes, mais souvent difficiles à estimer.

Utilisation par l'homme

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Riche en protéines, le criquet migrateur peut être consommé par l'Homme. Il fait partie de l'alimentation locale dans de nombreux pays de son aire de répartition géographique, principalement en Afrique et en Asie.

Lutte contre le criquet migrateur

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La meilleure façon de lutter contre les essaims de criquets migrateurs est d’essayer d’empêcher qu'ils ne se développent. La surveillance des zones d’infestation connues - les aires grégarigènes ("outbreak areas" en anglais) - est d’une importance capitale pour pouvoir utiliser des mesures de contrôle précoces, telles que la lutte chimique ciblée, afin de maintenir la population en dessous du seuil de déclenchement de la grégarisation. Les essaims de criquets migrateurs peuvent parcourir des centaines de kilomètres en quelques jours, ce qui en fait souvent un défi international. Par conséquent, lorsque cela est nécessaire, les systèmes d’alerte précoce et les stratégies de contrôle doivent impliquer une coopération étroite entre les pays concernés.

Actuellement la gestion des criquets migrateurs repose toujours sur des pesticides chimiques, la pulvérisation à ultra-bas volume (ULV) étant la principale méthode d’application. Malgré les nombreux ennemis naturels du criquet migrateur, seuls deux ont été développés comme agents de lutte biologique, le protozoaire microsporidien Nosema locustae et le champignon deutéromycète Metarhizium acridum. Ils sont déjà largement utilisés dans certains pays comme la Chine et appliqués sur le terrain comme des  insecticides traditionnels. Par ailleurs, le Locust Pesticide Referree Group (LPRG), créé par la FAO, émet des recommandations sur les insecticides efficaces contre les criquets et les doses à utiliser soit en traitement barrière, soit pour des applications en couverture totale, pour le criquet migrateur et d'autres espèces de criquets.  Il prend également en compte leur impact  environnemental et les risques pour la faune  non cible. Des guides de bonnes pratiques sont également publiés par la FAO, et disponibles en ligne, pour mieux organiser les campagnes de lutte antiacridienne et réduire les risques pour l'homme et l'environnement.

Globalement, le criquet migrateur semble actuellement mieux contrôlé que par le passé, mais des pullulations importantes continuent de se produire régulièrement en diverses région de l'ancien monde, malgré de multiples opérations de prévention et de lutte.

Galerie

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Publications originales

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  • Linnaeus, 1758 : Systema naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis, ed. 10 (texte intégral).
  • Reiche & Fairmaire, 1849 : Ordre des orthoptères. Voyage en Abyssinie dans les provinces du Tigré, du Samen et de l'Amhara, vol. 3,p. 420-433.
  • Auguste Chevalier, Les déprédations des Sauterelles en Afrique Occidentale et la lutte anti-acridienne. In: Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale, 11ᵉ année, bulletin n°115, mars 1931. pp. 145-159 [1]
  • Lecoq M., 2023. Locusta migratoria (Migratory locust). In: Crop Protection Compendium. Wallingford, UK: CAB International. DOI:10.1079/cabicompendium.31151

Liens externes

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Notes et références

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  1. (en) Michel Lecoq, « Locusta migratoria (migratory locust) », Crop Protection Compendium. Wallingford, UK: CAB International.,‎ (DOI 10.1079/cabicompendium.31151, lire en ligne Inscription nécessaire, consulté le )
  2. Orthoptera Species File, consulté le 24 septembre 2024
  3. Ma, Yang, Jiang, Chapuis, Shali, Sword & Kang, 2012 : Mitochondrial genomes reveal the global phylogeography and dispersal routes of the migratory locust. Molecular ecology, vol. 21, no 17, p. 4344-4358.
  4. Orthoptera Species File, consulté le 25 juillet 2018