Paul Charles Ferdinand Brédart né à Lille (Nord) le 3 février 1796 et décédé à Montivilliers (Seine-Maritime) le 17 octobre 1870 est un militaire et un négociant français.

Paul Charles Ferdinand Brédart
Description de cette image, également commentée ci-après
Portrait de Paul Brédart par Alexandre Amédée Dupuy Delaroche, vers 1840 (détail)
Naissance
Lille
Décès (à 74 ans)
Montivilliers
Profession
Militaire, Négociant, Colonel de la Garde Nationale
Distinctions

Chevalier de la Légion d'honneur (1831) Officier de la Légion d'honneur (1848)

Médaille de Sainte Hélène (1857)

Biographie

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Origines familiales

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Paul Charles Ferdinand Brédart nait à Lille le 14 pluviose an 4 (3 février 1796) de Pierre Joseph Louis Brédart, négociant en lin, dont la famille est originaire du Hainaut belge, et de son épouse Suzanne Gachet, originaire de Moselle.

A l'issue du traité de Tilsitt de 1807 entre Napoléon 1er et le Tsar Alexandre 1er, un accord commercial est conclu avec la Russie concernant les lins, chanvre, etc. dont la France a besoin. Le Comte Real, "grand commis de l'Empire", recrute les négociants nécessaires, dont Brédart et Boucquillon à Lille, et Lemaire à Colmar[1]. Le ménage Brédart-Gachet part à Riga (alors en territoire russe) avec sa fille de 13 ans. Paul qui a 12 ans reste à Lille pour continuer ses études, sous le contrôle de la famille de sa cousine Pauline Motte-Brédart.

Mais le traité franco-russe est rompu sous l'influence de l'Angleterre en 1811, en 1812 Napoleon attaque la Russie, et c'est la faillite pour les Brédart. Pierre Joseph Louis regagne la région de Tournai en 1815, où il meurt en 1816. Sa femme reste à Riga pour tenter de sauvegarder quelques intérêts.

Grognard de l'Empire (1811-1816)

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En octobre 1811 Paul Brédart s'enrôle à 15 ans, à Thionville, au 96è régiment d'infanterie de ligne[2]. D'abord fourrier, il devient sergent puis sergent-major en 1813. Il participe aux dernières campagne du 1er Empire (1813 en Allemagne, sous les ordres des généraux Bertrand et Margaron; 1814 à Mayence sous les ordres du général Morand; 1814 et 1815 en Belgique et dans l'Armée de la Loire[3]). Sous la première restauration, il conserve ses galons de sergent-major en touchant demi-solde. Il est dans l'armée Grouchy pendant les cent jours, puis démobilisé en 1816 mais admis à la première Légion du Nord et nommé Sous-Lieutenant par ordonnance royale en 1816. Affecté à la 2è Légion du Nord, chargé des fonctions d'officier payeur, il est à Lille en 1818[1],[note 1] puis sert à Paris. Ses opinions bonapartistes lui valent cependant d'être arrêté dans la nuit du 18 au 19 août 1820, alors qu'il est en service au poste de garde du Pont-Neuf, et incarcéré à la prison de la Force[4].

Le "complot du Bazar français" et l'exil russe (1820-1831)

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Il est mis en jugement pour délits politiques, soupçonné d'avoir participé à la conspiration du 19 Août 1820, également connue sous le nom de complot du Bazar Français[5],[note 2]. Pour renverser le pouvoir Bourbon, plusieurs garnisons devaient se soulever simultanément[6]. Avec d'autres sous-lieutenants[note 3], Brédart est signalé comme l'un des chefs du complot derrière lequel se trouverait La Fayette[7], et dont l'objectif est de placer au pouvoir le prince Eugène en tant que régent de l'Aiglon. "Nous avons un général à notre tête (...) L'affaire aura lieu cette nuit" aurait-il déclaré par exemple devant témoins le 18 août[8]. Il est mis en congé illimité le 1er décembre 1820. Lors de l'instruction il se défend en disant qu'il n'a fait que colporter des bruits avec d'autres officiers, sans prendre part au complot[4],[note 4]. Trente trois personnes sont jugées, 3 sont condamnées à mort par contumace, 6 à des peines de prison, et 24 acquittées faute de preuves suffisantes, dont Brédart, le 16 juillet 1821[9],[note 5]. Cependant, conduit à l'état-major avec ceux des acquittés encore en activité ou en disponibilité, il est contraint le même jour à la démission de l'armée, qu'il donne en invoquant des "blessures reçues lors de ses campagnes". Le 17 juillet 1821, l'état-major "l'autorise à se rendre au Havre, pour embarquer incessamment et se retirer de suite dans sa famille, établie à Moscou".

Documents saisis en 1820 au domicile de Paul Brédart en vue du procès du "complot du Bazar français".

L'histoire de ses 10 années d'exil russe est encore largement méconnue. Paul Brédart y retrouve sa mère, veuve. Musicien, pour assurer sa subsistance, il donne des cours de flûte, en particulier dans l'entourage de la Comtesse Gatatchapov, qu'il fréquente[1],[note 6]. Il y épouse le 5 février 1827 Uranie Lemaire, fille du confrère de son père.

Fiché par la police politique de Charles X, il ne peut rentrer en France qu'après la révolution de 1830[note 7]. Son retour est cependant encore retardé jusqu'à début 1931 par le confinement instauré en Russie en raison de l'épidémie de choléra[2].

Notable au Havre: de la gendarmerie aux Bains Frascati (1831-1855)

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Il rentre en France le 20 février 1831[1]. Demandant qu'on le fasse jouir des avantages qui ont été accordés aux officiers qui ont subi des condamnations pour délits politiques, il est nommé Lieutenant au 1er Régiment d'Infanterie de ligne le 2 avril 1831[2],[note 8]. Il sollicite l'emploi dans la gendarmerie et est affecté au premier Bataillon des Gendarmes mobiles le 20 avril 1831 en Mayenne, dans le Calvados en 1832, et enfin à la compagnie de la Seine Inférieure en 1833.

Il est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur le 14 septembre 1831.

Son rapport de revue individuelle au Havre en 1833 est excellent; en août 1836, le tribunal civil de 1ère instance demande cependant au Lieutenant à cheval Brédart de jurer fidélité au Roi. A l'inspection de 1837 il est recommandé pour l'avancement[2]; mais il donne une nouvelle fois sa démission de l'armée, cette fois par choix, en septembre 1838. En effet "de soldat Mr Brédart s'est fait spéculateur"[10]: il prend la direction des Bains de mer Frascati au Havre. La société Brédart et Cie est formée le 30 août 1838. D'abord gérant, Paul Brédart est dit propriétaire de l'Hôtel Frascati de 1845 à 1848, et en assurera la gestion jusqu'en 1855 au moins[11].

L'hôtel Frascati du Havre, daguerréotype de 1840 par Hippolyte Fizeau (détail). Collection Gallica.

Les bains de mer prennent leur essor dans la première moitié du XIXe siècle, et au Havre un premier établissement de bains avait été créé en 1827 et nommé Frascati dans un souci commercial. L'établissement ferme cependant en 1831, et Paul Brédart va le relancer[12]. Une Société des Régates du Havre est par ailleurs constituée en 1838, en liaison avec l'Hôtel et les Bains Frascati, pour attirer des baigneurs parisiens et nordistes par le chemin de fer[13]. Le nouveau bâtiment de l'hôtel, en bois, est inauguré en 1939[note 9], avec vingt-six salons, une salle de bals et concerts, deux grandes salles à manger, etc., et d'élégantes galeries qui s’élèvent face la mer. L'hôtel recevra de nombreux hôtes illustres[10],[14]; en 1845 il compte 250 couverts.

En 1837 Paul Brédart fait partie des actionnaires fondateurs de la Banque du Havre[15].

Brédart ne pouvant assurer financièrement seul ces projets avec ses anciens revenus de lieutenant de gendarmerie, il est associé dans l'affaire avec ses cousins Motte, grande famille industrielle roubaisienne[1].

De 1841 à 1852 Paul Brédart fait partie de la Garde Nationale du Havre[12]. L'ancien militaire reprend du service dans cette structure supplétive de maintien de l'ordre créée par la Révolution française, et gérée par les communes. Il en est colonel dès 1846[16]. Il y impose un uniforme à cocarde tricolore et à coq gaulois; la garde nationale du Havre peine à recruter dans les milieux populaires[17].

Il s' illustrera lors des journées d'insurrection populaire de Juin 1848 à Paris. La mairie du Havre envoie des renforts, et les grades dans la Garde Nationale étant décidés au vote, c'est Brédart qui est réélu colonel, chargé de partir à Paris. La Garde Nationale quitte Le Havre en train le 24 juin à 10 heures du soir, fait arrêt à Rouen pour être rejointe par son homologue de cette ville, arrive à Paris le 25 vers 9 heures du matin[18]. A son arrivée, le détachement de 1200 hommes est passé en revue par le général Négrier, arrivé de Lille quelques jours avant, et qui fut tué ce même 25 juin[1],[18]. "Aux attaques dont le faubourg du Temple avait été le théâtre, on remarqua un beau bataillon de garde nationale (...) C'étaient cinq cent volontaires des gardes nationales du Havre, d'Ingouville et de Graville, que commandaient le colonel Brédard (...) Ces braves, à peine arrivés à Paris, avaient demandé à se porter sur les points où l'engagement était le plus vif et le plus meurtrier. On les avait dirigés sur le faubourg du Temple. Après la conquête du faubourg, ils se rendirent à la place de la Bastille et coopérèrent à la prise du faubourg Saint-Antoine"[19]. Selon une autre source, le rôle de la garde nationale havraise se cantonna à des tâches de police urbaine, celle de Rouen étant elle impliquée dans des combats violents[18]. La Garde Nationale est de retour le 27 juin au Havre.

Jean Denis Nargeot, Journées de juin 1848, Paris Musées

Le pouvoir fait surtout appel aux Gardes Nationales de province, jugées plus fidèles que celle de la capitale, pour mater le mouvement insurrectionnel. Pour certains observateurs de l'époque, la Garde Nationale s'interposa entre la troupe et les insurgés pour éviter le bain de sang[19]; pour d'autres[20] comme pour les historiens[21], les journées de juin 1848 ont constitué une répression sanglante, suivie de nombreuses arrestations et déportations, et constituent une rupture dans l'histoire de l'idée de République révolutionnaire. Une grande partie du peuple parisien se détourne d'un pouvoir qui a fait tirer sur lui, Louis-Napoléon Bonaparte en tirera profit pour mettre fin à la Seconde République en 1852.

En rentrant au Havre, Brédart reçoit les remerciements de la Ville sous la forme d'une épée d'honneur portant les inscriptions « Au citoyen colonel Brédart, la ville du Havre, reconnaissante »[note 10]. Le 11 septembre Brédart reçoit ses collègues de la garde républicaine de Paris pour un banquet à l'hôtel Frascati. Le 8 octobre il reçoit La Croix d'Officier de la Légion d'Honneur[22],[19],[note 11]. Après les journées de juin 1848, la Garde Nationale participera au Havre à l'embarquement des condamnés pour la déportation[17].

L'Illustration. Embarquement au Havre des condamnés à la déportation après les journées de juin 1848, par la Garde Nationale.

En 1857 il reçoit la médaille de Sainte-Hélène[3].

Sa mère décède en juin 1849 à Paris. Resté sans enfants de son premier mariage avec Uranie Lemaire, Paul Brédart entretient une relation avec une jeune blanchisseuse, Félicité Eulalie Duval, qui lui donne un fils en 1857 et une fille en 1859[1]. Il épouse Eulalie en 1864 après le décès de sa première femme en 1862 à Paris. A nouveau veuf en 1869, il décède le 18 octobre 1870 à Montivilliers, et ses jeunes enfants sont mis sous la tutelle de Louis Motte-Bossut de Roubaix.

Bibliographie

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  • La journée du 16 avril 1848, in J.E. Alboise du Pujol et Ch. Elie, Fastes des Gardes Nationales de France, Paris, Goubaud et Olivier, 1849, p. 508 et suiv.
  • Biographie du Colonel Brédart, in Charles Vesque, Les rues du Havre, 2è partie, Le Havre, imprimerie J. Brenier, 1876, pp. 606-618.
  • Frédéric Preney-Declercq, Le complot du Bazar français, roman historique, Nantes, Normant Editions, 2005, 444 p.

Notes et références

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  1. Désargenté, il demande à sa cousine Pauline Motte-Brédart de lui envoyer un couvert en argent pour pouvoir être autorisé à prendre ses repas à la pension d'officiers de la caserne
  2. Du nom d'un magasin d'une galerie marchande, rue Cadet à Paris, servant de lieu de rendez-vous aux conspirateurs.
  3. Avec son camarade François Loritz, qui lui se consacrera ensuite à la peinture, à lire sur AnticStore
  4. Son avocat est maître Brigal
  5. Convaincus d'avoir participé à un complot et condamnés à mort: Noel Nantil (par contumace) , Gaspard Lavocat (par contumace), Joseph Philippe Etienne Rey (par contumace); condamnés à la prison pour avoir eu connaissance du complot sans le révéler: Jean Baptiste Alexandre Gautier de Laverderie, Adolphe Edouard Martial Trogoff, Louis Delamothe, Joseph Robert, Jean Baptiste Gaillard, François Loritz; acquittés: Jean Baptiste Depierris, Gaspard Claude Charpenay, Jean François Eynard, Julien Bernard Dequevauvilliers, Paul Charles Ferdinand Brédart, Alexandre Delacombe, Charles Bérard, Louis Antoine Sauset, Jean Joseph Maillet, Jean Baptiste Dumoulin, Scevola Monchy, Auguste Joseph Caron (fusillé l'année suivante pour une nouvelle tentative de complot), Antoine Joseph Julien Varlet, Aimé Benoit Lecoutre, Louis Aristide Fesneau, Louis Henri Modewyck, François Alphonse Hutteau, Jean Baptiste Desbordes, Claude André Arsène Godo-Paquet, Marcelin de Brue, Antoine Pegulu, Jean Baptiste Georges Remy et Prince Victor Thevenin.
  6. Deux enfants, Tania et Serge Galatchapov, qui sera cavalier dans les hussards du Prince d'Orange, pourraient être les enfants de Paul Brédart
  7. De nombreux anciens "grognards" écartés reprennent du service sour la Monarchie de Juillet
  8. Sa demande est appuyée par le général Pajol, général d'Empire lui aussi revenu aux affaires, après avoir participé à la 2è Révolution française
  9. L'armée impose qu'il soit construit en bois car le terrain est soumis à une servitude militaire en raison d'une batterie de défense, le bâtiment doit pouvoir être démonté pour lui laisser le champ libre en cas de conflit. L'ensemble se compose d'un pavillon central et de deux ailes, peints en blanc. Il sera détruit et reconstruit en dur en 1871, la servitude militaire disparaissant ( à lire sur Le Havre Photo).
  10. Variante selon les sources: « Souvenir de la fête de la fraternité, la 5è légion de la Garde Nationale de Paris à la Garde Nationale du Havre, en la personne de son colonel, le citoyen Brédart ». Ce sabre, déposé par le fils de Paul Brédart en mairie de Roubaix en 1914 sur réquisition de l'occupant allemand, aurait pu échapper à la refonte.
  11. "Revanche" indirecte de la Commune, en 1871 un incendie détruit le palais de Salm où étaient entreposées les archives de la Légion d’honneur. On ne sait donc pas à quel titre Paul Brédart est nommé chevalier en 1831

Références

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  1. a b c d e f et g papiers famille Ledru-Brédart.
  2. a b c et d Etats de service de Paul Charles Ferdinand Brédart, archives du ministère des armées
  3. a et b Les médaillés de Sainte-Hélène, en ligne.
  4. a et b Dossier Paul Charles Ferdinand Brédart, sous-lieutenant dans la légion du Nord, 19 août-2 octobre 1820, archives nationales, cour des pairs, archives des procès politiques jugés sous la restauration (cote CC//517, 23 pièces).
  5. Le complot du bazar français, sur le site du Sénat
  6. Vivien Faraud, Les outils de représentation graphique de l’espace relationnel face au secret : le cas des conspirateurs du 19 août 1820, OpenEdition, 2015.
  7. Frédéric Preney-Declercq, Le complot du Bazar français, roman historique, Nantes, Normant Editions, 2005, 444 p.
  8. Archives parlementaires de 1787 à 1860, Tome XXXIII, Paris, Librairie Paul Dupont 1876, pp. 337-780.
  9. Jugement de la Cour des Pairs in Journal de la Province de Limbourg du 21/07/1821 sur Gallica
  10. a et b Les régates du Havre in Le Journal de Lille du 5 août 1845 sur Gallica
  11. Gallignani's messenger du 17 février 1855, sur Gallica.
  12. a et b Biographie du Colonel Brédart, in Charles Vesque, Les rues du Havre, 2è partie, Le Havre, imprimerie J. Brenier, 1876, pp. 606-618.
  13. Société des Régates du Havre, à lire en ligne.
  14. Gérard Hatton, Frascati les Bains, Il était un Havre, à lire en ligne
  15. Bulletin des lois de la République française du 1er juillet 1837 sur Gallica.
  16. Journal de Lille, Organe des intérêts du Nord du 6 août 1846 sur Gallica
  17. a et b Ardaillou, Pierre. Les Républicains du Havre au xixe siècle (1815-1889). Presses universitaires de Rouen et du Havre, 1999, open editions.
  18. a b et c Roger Lévy-Guénaut, Rouen et Le Havre au secours de Paris en juin 1848, Revue d'histoire du XIXè siècle, 1918, pp. 10-18.
  19. a b et c J.E. Alboise du Pujol et Ch. Elie, Fastes des Gardes Nationales de France, Paris Goubaud et Olivier, 1849
  20. Léonard Gallois, Histoire de la Révolution de 1848, A. Maud, Paris, 1851 (4 vol.).
  21. Samuel Hayat, 1848, Quand la République était révolutionnaire, Seuil, Paris, 2014.
  22. Annuaire de l'ordre impérial de la légion d'honneur, 1852, sur Gallica.