Pierre Charles L'Enfant
Pierre Charles L'Enfant, né le à Paris (paroisse Saint-Hippolyte) et mort le à Chillum (Maryland), est un ingénieur civil et militaire, professeur et architecte français. Il était communément appelé par son prénom de naissance français, Pierre, mais s'appelait lui-même « Peter », la version anglicisée de son prénom[1].
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(à 70 ans) Chillum (Maryland) |
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Il a élaboré les plans de style baroque de la capitale des États-Unis, Federal City, aujourd'hui connue sous le nom de Washington, DC. Son travail est connu sous le nom de L'Enfant Plan (Plan L'Enfant), qui a inspiré les plans d'autres capitales mondiales telles que Brasilia, New Delhi et Canberra, et ceux de Détroit, Indianapolis et Sacramento aux États-Unis.
Biographie
modifierJeunesse et formation
modifierPierre Charles L'Enfant nait le en la manufacture des Gobelins à Paris, située dans le 13e arrondissement, sur la rive gauche de la Seine[2]. Il est baptisé le lendemain, en l'ancienne église Saint-Hippolyte[3], paroisse alors située au Faubourg Saint-Marcel dans la rue Saint-Hippolyte[4].
Il est le troisième enfant et le deuxième fils de Pierre Lenfant (1704–1787), peintre ordinaire du roi et professeur à l'académie royale de peinture et de sculpture, connu pour ses panoramas de batailles[5], et de Marie Charlotte Leullier, fille d'un officier militaire français. En 1758, son frère Pierre Joseph décède à l'âge de six ans, Pierre Charles devient le fils aîné[6].
Il étudie avec un programme intensif à l'académie royale de peinture et de sculpture de 1771 à 1776, son père étant l'un de ses professeurs. Les cours de l'académie se déroulent au palais du Louvre, bénéficiant de la proximité de certains des lieux les plus importants de Paris, tels que le jardin des Tuileries et les Champs-Élysées, tous deux conçus par André Le Nôtre, et la place de la Concorde. Il aurait également appris l'urbanisme pendant son séjour à l'académie, examinant probablement les plans baroques de Rome de Domenico Fontana et ceux de Londres de Sir Christopher Wren.
Il est décrit par William Wilson Corcoran comme « un homme grand et droit, mesurant au moins six pieds de haut, finement proportionné, le nez proéminent, d'allure militaire, d'air courtois et de manières polies, sa silhouette généralement enveloppée dans un long pardessus et surmontée d'un chapeau cloche - un homme qui attirerait l'attention dans n'importe quelle assemblée. »[7] Sarah De Hart, fille de l'homme d'État du New Jersey John De Hart, a dessiné une silhouette de Pierre Charles L'Enfant en 1785, désormais exposée dans les salles de réception diplomatiques du Département d'État des États-Unis.
Service militaire
modifierAprès ses études, Pierre Charles L'Enfant est recruté par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais pour servir dans la guerre d'indépendance des États-Unis. Il arrive en 1777 à l'âge de 23 ans et sert comme ingénieur militaire dans la Continental Army avec le major général Lafayette. Il est nommé capitaine dans le corps du génie de l'armée des États-Unis le 3 avril 1779, avec prise de grade le 18 février 1778[8].
Malgré ses origines aristocratiques, il s'identifie étroitement aux États-Unis, changeant son prénom de Pierre en Peter lorsqu'il arrive pour la première fois dans les colonies rebelles en 1777[9] [10]. Il sert dans l'état-major du général George Washington à Valley Forge[11].
Pendant son séjour, le marquis de Lafayette lui commande un portrait de Washington. Il réalise un certain nombre de portraits au crayon de George Washington et d'autres officiers de la Continental[11] pendant la guerre, ainsi qu'au moins deux tableaux de campements de la Continental Army en 1782[12], qui représentent des panoramas de West Point et de la tente de Washington à Verplanck's Point. Ce dernier montre ce que l'on croit être « la seule représentation connue de la tente de Washington en temps de guerre par un témoin oculaire »[13]. Le tableau de sept pieds et demi de long a été acheté par le musée de la révolution américaine de Philadelphie.
Au cours de l'automne 1779, il contribue au Regulations for the Order and Discipline of the Troops of the United States (« Règlement pour l'ordre et la discipline des troupes des États-Unis ») rédigé par le général Friedrich Wilhelm von Steuben. Il est chargé de réaliser les huit illustrations détaillant les formations des campements et des troupes, étant la seule personne ayant reçu une formation artistique à être impliqué dans ce projet. Le document est achevé en avril 1779 et reçoit l'approbation du général Washington et du Congrès des États-Unis. Pour sa participation, le Congrès lui décerne 500 $ et le promeut officiellement capitaine du génie, avec effet rétroactif au 17 février 1778.
Il est blessé au siège de Savannah le 9 octobre 1779. Il se rétablit et devient prisonnier de guerre lors de la reddition de Charleston (Caroline du Sud), le 12 mai 1780. Il est échangé en novembre 1780 et sert dans l'état-major du général Washington pendant le reste de la Révolution américaine. Bien que le consensus historique attribue généralement la création du Badge of Military Merit, plus tard connu sous le nom de Purple Heart, à George Washington, en 1782, Pamela Scott, historienne de Washington DC et ancienne rédactrice en chef de The L'Enfant Papers à la bibliothèque du Congrès, affirme implicitement qu'il aurait pu concevoir la médaille. L'Enfant est promu par brevet au grade de major dans le Corps des ingénieurs le 2 mai 1783, en reconnaissance de son service à la cause de la liberté américaine. Il est démobilisé lorsque l'armée continentale est dissoute en décembre 1783[14],[15].
En reconnaissance de sa contribution à la guerre d'indépendance, il reçoit 300 acres de terre dans l'actuel Ohio. Cependant, il ne met jamais les pieds ni ne réside sur les terres concédées. Une carte délimitant le territoire a été esquissée au verso de son titre foncier, signé par le président Thomas Jefferson le 13 janvier 1803[16].
Carrière
modifierPériode post révolution
modifierAprès la guerre d'indépendance américaine, Pierre Charles L'Enfant s'installe à New York et acquiert une certaine renommée en redessinant l'hôtel de ville de New York pour le 1er congrès des États-Unis, devenu le Federal Hall National Memorial en 1812[17][18].
Il conçoit également conçu des meubles et des maisons pour les riches, ainsi que des pièces de monnaie et des médailles. L'insigne en forme d'aigle de la Société des Cincinnati, une organisation d'anciens officiers de la Continental Army dont il est l'un des fondateurs, figure parmi celles-ci. À la demande de George Washington, premier président de la Société, il fait fabriquer les insignes en France lors d'une visite à son père en 1783-1784 et y contribue à l'organisation d'un chapitre de la Société[19].
En 1787, il reçoit un héritage à la mort de son père, qui comprend une ferme en Normandie[réf. nécessaire]. Sa pension militaire et son succès en tant que créateur lui assurent une stabilité financière lui permettant de poursuivre sa carrière et de contribuer à divers projets pendant un certain temps.
Pendant qu'il est à New York, il est initié à la franc-maçonnerie. Son initiation a lieu le 17 avril 1789, à la Holland Lodge No. 8, F & AM, que la Grande Loge de New York F & AM a fédérée en 1787. Il ne suit que le premier des trois degrés proposés par la loge et ne progresse pas davantage dans la franc-maçonnerie[20].
À cette époque, il conçoit la gloire au-dessus de l'autel de la chapelle Saint-Paul de Manhattan. La chapelle, construite en 1766, est le plus ancien bâtiment utilisé en continu à New York. George Washington y a prié le jour de son investiture. Le dessin complexe de la gloire représente de manière vivante le mont Sinaï au milieu des nuages et des éclairs, capturant le moment dramatique de la révélation divine. Le mot hébreu pour « Dieu » se trouve au centre, enfermé dans un triangle symbolisant la Trinité ; dessous, les Dix Commandements sont inscrits sur deux tables de la Loi, soulignant l’importance durable de ces lois morales fondamentales.
Il est également un ami proche d'Alexander Hamilton. Certaines de leurs correspondances de 1793 à 1801 se trouvent désormais à la bibliothèque du Congrès[21]. Alexander Hamilton est connu pour l'avoir aidé dans ses relations avec la federal city commission.
Plan de Washington, DC
modifierLa nouvelle Constitution des États-Unis, entrée en vigueur en mars et avril 1789, donne au Congrès des États-Unis nouvellement organisé le pouvoir d'établir un district fédéral d'une superficie maximale de 10 miles carrés. Pierre Charles L'Enfant avait déjà écrit au président George Washington pour lui demander de d'établir le plan de la ville. La décision est mise en suspens jusqu'en juillet 1790, lorsque le 1er Congrès adopte le Residence Act, qui établit le site du nouveau district fédéral et de la capitale nationale sur les rives du fleuve Potomac[22].
Le Residence Act résulte d'un important compromis politique précoce entre les délégations du Congrès du Nord et du Sud, négocié par les nouveaux membres du cabinet, le secrétaire au Trésor Alexander Hamilton de New York et son adversaire politique, le secrétaire d'État Thomas Jefferson de Virginie. Il spécifie que la nouvelle capitale sera située sur les rives nord et sud du fleuve Potomac, à un endroit à déterminer par le président, entre la branche orientale (maintenant appelée Anacostia) près du domaine de Washington à Mount Vernon et la confluence avec le Conococheague, plus en amont près de Hagerstown, Maryland. Le Residence Act donne également au président Washington le pouvoir de nommer trois commissaires pour superviser l'arpentage du district fédéral de dix milles carrés et « selon les plans approuvés par le président », de fournir des bâtiments publics pour accueillir le gouvernement fédéral en 1800[23] [24].
Le président Washington nomme Pierre Charles L'Enfant en 1791 pour planifier la nouvelle « ville fédérale » (plus tard nommée « ville de Washington » ) sous la supervision des trois commissaires, qu'il a nommés pour superviser la planification et le développement du territoire fédéral qui deviendrait plus tard le « district de Columbia ». Le nouveau district comprend les villes portuaires fluviales de Georgetown (anciennement dan.s le comté de Montgomery de l'État du Maryland) et d'Alexandria dans le comté de Fairfax, dans le Commonwealth de Virginie[25]. Thomas Jefferson, qui a travaillé aux côtés du président Washington pour superviser les plans de la capitale, envoie à L'Enfant une lettre décrivant sa tâche, qui consiste à fournir un dessin de sites appropriés pour la ville fédérale et les bâtiments publics. Bien que Jefferson ait des idées modestes pour la capitale, L'Enfant voit la tâche comme beaucoup plus grandiose, estimant qu'il ne doit pas se contenter de topographier la capitale, mais qu'il doit élaborer également le plan de la ville et concevoir les bâtiments[26]. L'œuvre d'André Le Nôtre, en particulier son jardins de Versailles et le jardin des Tuileries, aurait influencé son plan directeur pour la capitale[27].
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Après la guerre, il acquiert une certaine renommée comme architecte en concevant le Federal Hall à New York. Il participe ensuite à un concours, pour construire la Federal City sur les rives du Potomac et le gagne. Le projet est lancé en 1791.
Les travaux de la Federal City, imaginée par L'Enfant, ne sont que partiellement exécutés de son vivant. En effet, en 1793, du fait de son caractère irascible, le projet lui est retiré et par dépit, il emporte ses plans avec lui. Cependant, ces derniers sont en grande partie reconstitués de mémoire par Benjamin Banneker, un mathématicien travaillant avec les géomètres Andrew et Joseph Ellicott. À cause de sa réaction, il tombe en disgrâce et il ne sera jamais payé, passant une grande partie du reste de sa vie à essayer d'obtenir du Congrès des dizaines de milliers de dollars en rémunération de son travail. Après un certain nombre d'années, le Congrès lui versera finalement une petite somme, qui ira dans sa quasi-totalité à ses créanciers. On lui offre un poste de professeur de génie civil à West Point en 1812, mais il le refuse.
L'Enfant meurt dans la pauvreté, ne laissant derrière lui que trois montres, trois boussoles, des livres, des cartes et des instruments géodésiques, d'une valeur totale estimée à environ quarante-six dollars[28]. Il est enterré dans la ferme d'un ami à Prince George's County (Maryland).
Reconnaissance
modifierEn 1901, la commission McMillan (en) redécouvre ses plans et les utilise comme pierre angulaire de son rapport de 1902 pour élaborer le National Mall de Washington. Sa nation adoptive reconnaissant finalement son génie en 1909, sa dépouille est exposée dans la rotonde du Capitole puis transférée au cimetière national d'Arlington. Privilège réservé d'habitude aux hommes politiques et aux soldats.
Pierre Charles L'Enfant est la première personnalité ne faisant pas partie du gouvernement à recevoir un tel hommage. Il faudra attendre près d'un siècle pour voir une seconde personne recevoir ce privilège lors des funérailles de Rosa Parks, la militante pour les droits civiques en 2005.
Notes et références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Pierre Charles L'Enfant » (voir la liste des auteurs).
- Chance Losee, « Pierre L'Enfant », sur George Washington's Mount Vernon (consulté le )
- (en) « Pierre Charles L'Enfant French engineer and architect », www.britannica.com (consulté le )
- Fiches de l'État civil reconstitué de Paris (1754), Archives de Paris.
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- « Pierre Charles Lenfant | Encyclopedia.com », www.encyclopedia.com (consulté le )
- (en) Sarah Conroy, « IN SEARCH OF L'ENFANT TERRIBLE », sur The Washington Post, (consulté le )
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- United States House of Representatives 1853, p. 309.
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- (en) « Federal Hall History & Culture », sur National Park Service (consulté le )
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- (en) Pierre F. de Ravel d’Esclapon,, « The Masonic Career of Major Pierre Charles L’Enfant », sur The Scottish rite of the freemasonry (consulté le )
- (en) « To Alexander Hamilton from Pierre Charles L’Enfant, 26 March 1793 », sur National archives (consulté le )
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- « An ACT for establishing the Temporary and Permanent Seat of the Government of the United States » [archive du ], Library of Congress (consulté le )
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- (en) Editors of Encyclopædia Britannica, « André Le Nôtre », sur Encyclopædia Britannica (consulté le )
- Jusserand.
Bibliographie
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- (en) John William Reps, The Making of Urban America, Princeton University Press, (ISBN 0-691-00618-0).
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- (en) United States House of Representatives, « Claims of L'Enfant, Peter Charles: 1800–1810 », dans Digested summary and alphabetical list of private claims which have been presented to the House of representatives from the First to the Thirty-first Congress, vol. 2, Washington, D.C, .
Articles connexes
modifier- Freedom Plaza, une place du centre de Washington dont le pavage dessine une partie du plan originel de Pierre Charles L'Enfant.
- L'Enfant Plaza
- Parc du Président à Washington, conçu en partie par Pierre Charles L'Enfant.
- Urbanisme aux États-Unis
Liens externes
modifier- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Pierre Charles L'Enfant sur oxfordindex.oup.com