Piles gallo-romaines de Betbèze

Piles funéraires gallo-romaines en France
Piles gallo-romaines de Betbèze
Dessin de la pile 1 en 1898.
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Les piles gallo-romaines de Betbèze sont deux anciennes tours gallo-romaines en pierre, aussi appelées piles, situées sur la commune de Mirande, dans le département français du Gers.

L'une, généralement appelée pile 1 dans la bibliographie, est conservée sur une partie de son élévation. La pile 2, voisine, est arasée au niveau de ses fondations. Ces deux monuments, liés chacun à un enclos funéraire, signalent la présence d'une nécropole forte d'un moins une trentaine de sépultures et fréquentée entre le Ier siècle et le IVe siècle apr. J.-C..

Localisation modifier

le département du Gers compte à lui seul douze piles, presque toutes localisées à l'ouest d'Auch. Huit de ces monuments funéraires gallo-romains sont partiellement conservés au XXIe siècle, quatre ont disparu[1].

Les piles de Betbèze sont situées à 2 km au nord-est du chef-lieu communal de Mirande, dans un site de vallée sur la rive droite de la Baïse[2] à moins de 500 m du cours d'eau[3]. Les deux monuments, distants d'une vingtaine de mètres l'un plus au nord, l'autre plus au sud et légèrement décalé vers l'est[4], sont établis à la même altitude de 149 m, au fond de la vallée, tournant le dos à la rivière.

Aucun habitat antique susceptible d'être associé à ces piles n'est identifié aux environs[5].

Historique et études archéologiques modifier

Des sépultures antérieures à la construction de ces piles sont observées sur le site. Si les monuments en eux-mêmes ne peuvent être datés avec précision, les sépultures présentes dans les enclos à leur pied s'échelonnent de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. à la fin du IVe siècle[3]. Le chronologie du site pourrait comprendre une phase initiale de construction vers la fin du Ier siècle[6], une phase de reconstruction plus hypothétique vers le IIIe siècle, puis une phase d'abandon, mieux datée, dans le dernier quart du IVe siècle[7]. Même si les deux monuments et leurs enclos associés présentent de fortes similitudes (forme et dimensions), rien ne prouve qu'ils soient strictement contemporains[8].

Le premier signalement de ces monuments semble dater de 1856[9] et l'érudit et homme politique local Justin Cénac-Moncaut propose alors à l'État, devant le mauvais état des monuments, de racheter les terrains où se trouvent les piles[10] mais le propriétaire refuse de vendre[11]. Philippe Lauzun fait part de cette information dans son « Inventaire général des piles gallo-romaines du sud-ouest de la France et plus particulièrement du département du Gers » (1898)[12].

Des campagnes de fouilles sont conduites et des relevés effectués entre 1965 et 1968 par le bureau d'architecture antique du Sud-Ouest sous la direction de Jean Lauffray et Georges Fouet[13],[14].

Jacques Lapart et Catherine Petit (Carte archéologique de la Gaule - le Gers (32), 1993) et Pascale Clauss-Balty (Les piles funéraires gallo-romaines du Sud-Ouest de la France, 2016) font le point sur les connaissances sur le sujet. Dans ce dernier ouvrage, un chapitre spécifique est consacré à la synthèse des fouilles[15].

Description modifier

Plan des piles de Betbèze.

Le complexe se compose de deux piles et de deux enclos associés. La pile 1, ainsi dénommée par convention dans le bibliographie, est celle dont les vestiges sont encore apparents. La pile 2, au sud de la précédente, n'est plus visible.

Pile 1 modifier

Le massif de fondations du monument lui-même, épais de 0,76 m, mesure 3,40 × 3,05 m. Au-dessus, le soubassement mesure 3,17 × 2,78 × 1,14 m. Il est surmonté d'un podium de 2,94 × 2,56 × 3,12 m. L'étage supérieur, qui n'est conservé que sur 0,32 m, est établi sur plan rectangulaire de 2,85 × 2,50 m[3].

Les restitutions qui sont faites de cette pile suggèrent un monument haut d'environ 8 m, pourvu d'une niche à fond plat[16] surmontée d'un arc en plein cintre sur sa face orientale et coiffé d'une toiture en pyramide ou, plus probablement en raison du plan barlong de la pile, en bâtière[17]. La technique de construction, courante pour ce type de monument, fait appel à un noyau en opus caementicium recouvert d'un parement en opus vittatum[3] ; aucun pilastre ne semble décorer les angles du podium dont l'entablement est simple[18].

La pile est adossée au fond d'un enclos trapézoïdal dont l'entrée, large de deux mètres dans l'axe du monument, est tournée vers l'est ; elle est encadrée de pilastres[19]. Cet enclos mesure 12,95 à 13,30 m sur 16,65 à 17,75 m et son mur est haut de 1,90 m[13],[3].

Les fouilleurs identifient deux états de construction du site. Du premier état subsiste la pile elle-même ainsi que le mur oriental de l'enclos. Dans un second temps (IIIe siècle), les autres murs de l'enclos sont reconstruits et un dispositif, peut-être une galerie couverte, paraît adossé intérieurement aux trois murs libres de l'enclos. L'existence de cette galerie, ne reposant que sur des indices ténus, est très discutée[20].

Pile 2 modifier

Hormis le massif de fondations mesurant 3,10 × 2,65 m, aucun vestige de cette pile ne subsiste et aucune restitution de son élévation ne peut être proposée[17].

Comme dans le cas de la pile 1, le monument principal est adossé au mur occidental d'un enclos qui s'ouvre à l'est. Ce dernier, là encore trapézoïdal, mesure 15,00 à 16,20 m sur 13,00 à 12,70 m. Deux phases consécutives de construction, non confirmées, sont suggérées[17].

Sépultures et mobilier archéologique modifier

Ce sont au total trente-et-une sépultures qui sont découvertes, dans les deux enclos ou à leur proximité immédiate, sachant que les fouilles n'ont pas été exhaustives sur tout ce périmètre[7]. Vingt-sept sont des sépultures à incinération, quatre sont des inhumations. Dans l'un et l'autre cas, les sépultures sont généralement réalisées dans des fosses creusées dans le substrat, sans vestige retrouvé d'urne (sauf pour trois des incinérations mais l'urne a pu être volontairement brisée et déposée près des cendres[21]) ou de cercueil ou sarcophage. Tout au plus, les fosses d’incinération sont-elles parfois recouvertes d'une pierre de protection[22]. L'une des sépultures (incinération), placée au pied de la pile 1 dans l'axe de l'enclos, pourrait être celle à l'origine de la construction de cette pile et de son enclos en raison de sa position privilégiée et de son ancienneté par rapport à d'autres structures[23].

Image externe
Homme tenant un lièvre sur le portail Persée.

Les fouilles ont mis au jour plusieurs statues dans ou autour de l'enclos 2 ; elles sont confectionnées en calcaire tendre d'origine local[24] et d'une facture « maladroite »[25]. L'une d'elles, dont seule la partie supérieure est retrouvée, représente un homme tenant un lièvre dans ses bras ; une autre est celle d'un homme, mais la tête manque ; une troisième figure la tête d'un aigle ; une quatrième est celle du corps très mutilé d'un lion ; enfin, une dernière représente la tête d'un sanglier[26].

Près d'une vingtaine de monnaies sont retrouvées, la plus ancienne étant un Dupondius de Nîmes (période augusto-tibérienne) et les plus récentes émises sous le règne de Claude II le Gothique[2]. De nombreux objets sont retrouvés : fragments de céramique, fibules, porte-flambeaux, ainsi que de nombreux clous provenant peut-être des bois de récupération utilisés pour les bûchers funéraires[27].

Fonction modifier

La présence d'enclos et les nombreuses sépultures retrouvées dans et autour de ceux-ci ne laissent aucun doute sur la fonction des monuments. Les deux piles sont des mausolées, ou plus probablement des cénotaphes car ils ne renferment sans doute pas de sépulture, destinés à perpétuer le souvenir d'une ou plusieurs des personnes dont les sépultures se trouvent sur le site. Les statues retrouvées, même si leur valeur symbolique reste à préciser, sont bien des objets à vocation funéraire[7].

Les fouilles montrent que les deux piles, et peut-être une troisième non localisée à proximité, sont les éléments d'une nécropole étendue et fréquentée pendant plus de trois siècles[28],[29], qui ne se limite sans doute pas à ces piles et leurs enclos[30].

Références modifier

  1. Clauss-Balty 2016, p. 13.
  2. a et b Lapart et Petit 1993, p. 254.
  3. a b c d et e Clauss-Balty 2016, p. 36.
  4. Clauss-Balty 2016, p. 37.
  5. Clauss-Balty 2016, p. 196.
  6. Lapart et Petit 1993, p. 45.
  7. a b et c Clauss-Balty 2016, p. 152.
  8. Fabrice Couvin et al., « Note sur la découverte d’un petit monument funéraire à proximité d’une villa, à La Chapelle-Vendômoise (Loir-et-Cher) », Revue archéologique du Centre de la France, t. LVII,‎ , p. 15 (lire en ligne).
  9. Justin Cénac-Moncaut, Voyage archéologique et historique dans l'ancien comté de Comminges et dans celui des Quatre-Vallées, Th. Telmon, , 171 p. (lire en ligne), p. 31 (note 1).
  10. Jules Quicherat, « Communication de M. Cénac-Moncaut », Revue des sociétés savantes de la France et de l'étranger,‎ , p. 487-488 (lire en ligne).
  11. Jacques Lapart, « Bulletin académique de l'année 2003-2204 », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, t. LXIV,‎ , p. 233 (lire en ligne).
  12. Lauzun 1898, p. 23.
  13. a et b Michel Labrousse, « Midi-Pyrénées », Gallia, t. XXIV, no 2,‎ , p. 435-436 (lire en ligne).
  14. Michel Labrousse, « Midi-Pyrénées », Gallia, t. XXVI, no 2,‎ , p. 542-543 (lire en ligne).
  15. Clauss-Balty 2016, p. 129-155.
  16. Clauss-Balty 2016, p. 186.
  17. a b et c Clauss-Balty 2016, p. 134.
  18. Clauss-Balty 2016, p. 184.
  19. Clauss-Balty 2016, p. 130.
  20. Clauss-Balty 2016, p. 131.
  21. Lapart 2002, p. 24.
  22. Clauss-Balty 2016, p. 135-136.
  23. Clauss-Balty 2016, p. 137.
  24. Lapart 2002, p. 27-29.
  25. Nicole Lemaître, Religion et politique dans les sociétés du Midi, vol. 126, partie 2, éditions du CTHS, , 320 p. (ISBN 978-2-7355-0534-0), p. 34.
  26. Clauss-Balty 2016, p. 147-150.
  27. Clauss-Balty 2016, p. 146.
  28. Clauss-Balty 2016, p. 153.
  29. Sillières et Soukiassian 1993, p. 302.
  30. Sillières et Soukiassian 1993, p. 304.

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Pascale Clauss-Balty (dir.), Les piles funéraires gallo-romaines du Sud-Ouest de la France, Pau, Presses Universitaires de Pau et des Pays de l'Adour, coll. « Archaia » (no III), , 231 p. (ISBN 978-2-3531-1063-6). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jacques Lapart et Catherine Petit, Le Gers, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, coll. « Carte archéologique de la Gaule » (no 32), , 354 p. (ISBN 2-8775-4025-1). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jacques Lapart, « Les sculptures en calcaire trouvées dans les piles gallo-romaines de Betbèze à Mirande (Gers) d’après le carnet de fouilles inédit de Georges Fouet », dans Religion et politique dans les sociétés du Midi. Actes du 126e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Terres et hommes du Sud », Toulouse, 2001, Paris, Éditions du CTHS, , 323 p. (ISBN 978-2-7355-0534-0, lire en ligne), p. 17-35. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Philippe Lauzun, « Inventaire général des piles gallo-romaines du sud-ouest de la France et plus particulièrement du département du Gers », Bulletin Monumental, Caen, Henri Delesques imprimeur-éditeur, t. LXIII,‎ , p. 5-68 (DOI 10.3406/bulmo.1898.11144). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Auguste-François Lièvre, Les fana ou vernemets (dits piles romaines) du sud-ouest de la Gaule, Paris, E. Thorin, , 29 p..
  • Pierre Sillières et Georges Soukiassian, « Les piles funéraires gallo-romaines du sud-ouest de la France : état des recherches », Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France, no 6 « Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992) »,‎ , p. 299-306 (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes modifier

Liens externes modifier