Piotr Doubrovski
Piotr Doubrovski (gravure de la fin du XVIIIe siècle).
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Académie Mohyla de Kiev (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Piotr Petrovitch Doubrovski (en russe : Пётр Петрович Дубровский ; né en janvier 1754 à Kiev, mort le à Saint-Pétersbourg), est un diplomate russe qui fut en poste à Paris pendant la Révolution française. À ce titre, il put acquérir un grand nombre de manuscrits du Moyen Âge issus, entre autres, de la dispersion des biens de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, vendue comme Bien National[1]. Ces manuscrits forment aujourd'hui un fonds important de la Bibliothèque nationale russe.

Folio 3v° du Bède de Saint-Pétersbourg.

Biographie modifier

L'ordre de Sainte-Anne de 2e classe

Doubrovski termina ses études à l’Université de Kiev en 1772. L'année suivante il trouvait un emploi de copiste auprès du Synode. De 1780 à 1805, il travailla au Bureau des Affaires Étrangères en tant que prêtre de l'église de l'ambassade de Russie à Paris, tout en exerçant les fonctions de traducteur pour les ambassades de France et de Hollande[2].

À la faveur de la Révolution française, il parvint à acquérir plusieurs manuscrits et documents rares, qui avaient été saisis lors de la mise à sac des bibliothèques de particuliers : en effet, si dans un premier temps les autorités révolutionnaires les avaient mises en dépôt à la Bastille, dans l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés et dans la bibliothèque de l’abbaye de Corbie[3], ils n'y étaient guère en sécurité car par la suite les Sans-culottes pillèrent couvents et châteaux[4].

En , Doubrovski rentrait à Saint-Pétersbourg avec une collection de 400 manuscrits européens médiévaux, de miniatures et d’incunables[5]. Par divers expédients, il était parvenu aussi à entrer en possession de quelque 94 manuscrits du Proche-Orient (en grec ancien[6], persan, arabe, hébreu et 11 autres langues), et environ 50 manuscrits en slavon[2]. En Angleterre, on fit à Doubrovski des offres considérables pour sa collection, mais il répondait qu'il ne négocierait pas avec des étrangers, préférant que ses livres reviennent à la Russie[2].

Cette collection comportait des livres en écriture runique (aujourd'hui perdus) de la collection de la reine Anne de Kiev, femme du roi de France Henri Ier[1] et les Historiæ de Bède, un manuscrit insulaire du VIIIe siècle des Historia ecclesiastica gentis Anglorum, chronique des Angles composée par le moine irlandais Bède le Vénérable[7].

Au départ, il semble que l'offre de Doubrovski à la cour impériale de Russie se soit heurtée à un refus. Cela expliquerait qu'il ait demandé en 1805 à son ami Alexandre Soulkadziev d'insérer un faux autographe d’Anne de Kiev dans l'un des manuscrits en cyrillique de la collection : comme cette souveraine avait épousé au XIe siècle Henri Ier de France, cela permettait à Doubrovski de justifier la présence de manuscrits français à côté de manuscrits en écriture cyrillique, et de prétendre qu'ils provenaient de la bibliothèque d’Anne de Kiev.Alexandre Ier de Russie, désormais convaincu, accepta alors la donation ; ce n'est qu'à une date récente que le livre revêtu de la signature d’Anne de Kiev a été identifié comme un manuscrit serbe du XIVe siècle[8].

Le fonds Doubrovski forma ainsi le noyau du département des manuscrits de la Bibliothèque Impériale de Russie. Doubrovsky, décoré de l’Ordre de Sainte-Anne de deuxième classe[2], en devint le premier conservateur. Il put alors se consacrer à l'inventaire détaillé de la collection ; malheureusement, une bonne partie de cet inventaire a été perdue depuis[2]. Il donna également une description détaillée de 11 000 manuscrits envoyés par la Bibliothèque Załuski après le second Partage de la Pologne et l’Insurrection de Kościuszko[2].

Doubrovski fut démis de son poste le . Il commenta ainsi son éviction : « La vie est brève, et toutes les positions avec les bienfaits qui y sont attachés ont une fin ; mais les choses de l'esprit sont éternelles[2]. »

À sa mort, on ne trouva rien de valeur chez lui : il avait emporté dans la tombe le secret des livres runiques perdus[2]. Selon le journaliste Graham Stewart, « il faut être reconnaissant envers Douvbrovsky d’avoir enrichi non seulement la Russie, mais le Monde, en sauvant tant de manuscrits d'une possible destruction[4]. »

Notes et références modifier

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Références modifier

  1. a et b Nadège Ionine, « Les livres runiques de la bibliothèque d’Anna Yaroslavna », La bibliothèque de l'étrange (consulté le )
  2. a b c d e f g et h D'après (ru) « Doubrovsky Peter Petrovitch », sur Bibliothèque nationale de Russie (consulté le ) in « Hommes et Histoire »
  3. À propos de la bibliothèque de Corbie, cf. Léopold Delisle, Mémoires de l'académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 24 : Recherches sur l’ancienne bibliothèque de Corbie, Paris, , partie 1, p. 266-342.
  4. a et b Cf. à ce sujet Alberto Manguel (trad. de l'anglais), Une histoire de la lecture, Arles, éd. Actes Sud, , 428 p. (ISBN 2-7427-1543-6) et (en) Graham Stewart, « Past notes: To the victor, the spoils », Times Online, no 12 décembre,‎ (lire en ligne)
  5. Cf. la page de présentation du Le Musée d’État de l’Hermitage
  6. Notamment deux folios du Codex Coislinianus, des fragments des Omélies d’Origène (MS. Lat. F v I 4 Burney 340 ), et le manuscrit du Breviloquium Vitae Wilfridi : cf. Michael Lapidge, Anglo-Latin Literature 900-1066 (Londres, Rio Grande 1993), p. 171.
  7. Cf. (en) Joanna Story, Anglo-Saxon England and Carolingian Francia ca. 750-870, Aldershot/Burlington, Ashgate Publ. Ltd., , 336 p. (ISBN 0-7546-0124-2, lire en ligne).
  8. D'après (ru) « Les falsifications historiques », Faculté des Sciences de Saint-Pétersbourg,‎

Bibliographie modifier

  • (en) Kilpiõ (dir.), Kahlas-Tarkka (dir.) et M. Logoutova, Ex Insula Lux : manuscripts and hagiographical material connected with medieval England, Helsinki et Saint-Pétersbourg, Helsinki University Library et National Library of Russia, , « Insular Codices from Dubrovsky's Collection in the National Library of Russia », p. 93–98
    Catalogue de les expositions organisées à l'occasion du Xe anniversaire de l’International Society of Anglo-Saxonists
  • P. Z. Thompson, « Biography of a Library: The Western European Manuscript Collection of Peter P. Dubrovski in Leningrad », The Journal of Library History, no 19,‎ , p. 477–503
  • S. Lyons, Music in the Odes of Horace, Oxford, Aris & Phillips, , 204 p. (ISBN 978-0-85668-844-7 et 0-85668-844-4), p. 135–178

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